CULTURE Nick Cave à Arles : l’évangile selon Saint-Nick

Nick Cave
- Photo Yannick PonsCe samedi soir, le Théâtre Antique d’Arles recevait Nick Cave en Escale (du Cargo), accompagné de Colin Greenwood, son meilleur soutier, bassiste de Radiohead. Après Pompéi le 19 juillet avec les Bad seeds, Arles ! Deux amphithéâtres bimillénaires pour un même rituel, celui de la musique pure, de l’émotion sans artefact.
Dans son éternel costume noir cintré, chemise blanche, cravate sobre et souliers vernis, Nick Cave avance d’un pas lent et sûr vers le piano. Les cheveux tirés en arrière comme une signature, il impose sa silhouette avec la même solennité que celle d’un prêtre entrant en messe.
Grand messe
En mairie d’Arles, quelques heures avant son concert au Théâtre antique dans le cadre des Escales du Cargo, Nick Cave recevait des mains du maire, Patrick de Carolis, les insignes de Chevalier des Arts et des lettres et la médaille de la ville. Ainsi, ce 26 juillet, devant un théâtre archicomble, Nick Cave a livré un concert de deux heures trente aux allures de cérémonie religieuse.
Seul au piano ou debout face au public, accompagné du discret, mais essentiel Colin Greenwood à la basse, l’Australien a déroulé une liturgie intime faite de vingt-deux chansons tirées de toutes les époques de sa carrière, toutes ramenées à leur forme originale, dans leur essence minimaliste. Amen.
Dès les premières notes de Girl in Amber, le silence s’installe, dense et sacré. Nick Cave entre dans la mélodie comme on entre en prière. Face à lui, le public du Théâtre Antique, assis, est pétrifié. Le cadre est solennel, la lumière est sobre. Deux lumières jaunes découpent les silhouettes sur la scène, effleurent parfois les ruines en arrière-plan, glissent sur le public discrètement. On pourrait croire à une apparition.
Graves
À ses côtés, Colin Greenwood semble surgir de l’ombre. Discret, presque effacé, il apparait dans la lumière au moment où la basse s’impose, puis disparait, humble et précis, dès que seul le souffle de Cave est requis. Il sublime l’espace sonore autour du piano. Chaque corde pincée, chaque vibration grave entre en résonance avec les cordes frappées du piano et le silence du lieu. Colin Greenwood utilise des effets de glissé comme de petits bruits d’eau, des harmonies feutrées, des notes tenues qui vibrent dans le grave.
La voix de Nick Cave, elle, est profonde, douloureuse, grave, portée par des décennies d’écriture hantée, elle traverse Higgs Boson Blues, Galleon Ship, Joy, I Need You, comme on chante un fado portugais. Les spectateurs ne réagissent pas comme à un concert rock, ils écoutent, ils absorbent. Certain ferment les yeux. D’autres scrutent la scène comme on fixerait une figure biblique au seuil d’une révélation. Entre les deux colonnes du théâtre antique, prêche le prêtre en noir.
Et entre deux morceaux, avec beaucoup d'humour, Cave parle au public. Il évoque Avalanche, qu’il dédie à Leonard Cohen et qui a changé sa vie, Cosmic Dancer, pour T-rex ou encore Shivers, en hommage à Roland S. Howard. Ces instants-là ne sont pas seulement des interludes, ce sont des filiations musicales. Elles donnent au concert une autre dimension, comme une offrande au dieu Musique.
La messe est dite
La soirée glisse lentement vers Push the Sky Away, dont la dernière note semble suspendue dans l’air plus longtemps qu’elle ne devrait. Soudain, quelques spectateurs s’approchent et se plantent au pied de la scène. Nick Cave intime aux agents de sécurité de les laisser faire, ce qu’ils font. En un instant, tout le théâtre se lève et converge vers l’avant, dans un élan joyeux.
Face à lui, le public n’est plus qu’à une enjambée. Nick Cave se lève, touche quelques mains tendues, signe des autographes puis se rassoit devant son piano et continue. Le rappel vient comme une réponse, More News from Nowhere, Cosmic Dancer… Et puis Into My Arms, que Nick Cave chante avec le public.
Ite, missa est.
Set list
Girl in Amber
Higgs Boson Blues
Jesus of the Moon
O Children
Cinnamon Horses
Galleon Ship
I Need You
Waiting for You
Joy
Papa Won’t Leave You, Henry
Balcony Man
The Mercy Seat
The Ship Song
Avalanche (Leonard Cohen cover)
The Weeping Song
Skeleton Tree
Jubilee Street
Push the Sky Away
Love Letter
Rappel :
More News From Nowhere
Cosmic Dancer (T. Rex cover)
Into My Arms