FAIT DU JOUR Trente ans après son père, le chef Maxime Chenet deviendra-t-il Meilleur ouvrier de France ?
Dans la cave du restaurant "Entre vigne et garrigue" de Pujaut, Serge Chenet nous montre une photo prise à l'Élysée où il apparaît, toque sur la tête, au côté d'autres cuisiniers, de Paul Bocuse et du président de la République François Mitterrand. Ce cliché a été immortalisé en 1993, année où le chef cuisinier gardois a décroché le titre de Meilleur ouvrier de France (MOF) en cuisine.
Trente ans plus tard, son fils Maxime Chenet espère lui aussi orner sa veste du fameux col bleu-blanc-rouge. La finale du concours est prévue les 16 et 17 novembre prochains à Grenoble. Le chef, âgé de 36 ans, aborde l'échéance plutôt sereinement mais avec du stress et de l'appréhension tout de même : "Si je ne décroche pas le titre, je serai déçu. Mais je ne veux surtout avoir l'impression d'avoir mal travaillé ce jour-là. (...) Le but, c'est d'envoyer des assiettes soignées et propres."
Ce samedi, Maxime Chenet a reçu l'intitulé de l'entrée, du plat et du dessert qu'il devra exécuter en 5h, aidé de deux commis, pendant la finale. Il compte bien s'entraîner nuit et jour jusqu'à maîtriser parfaitement la recette demandée. Le jour du concours, rien ne doit être laissé au hasard pour espérer remporter cette distinction suprême pour tout cuisinier. "Le chef Jérôme Nutile m'a conseillé de me refaire la musique tous les soirs en rentrant chez moi. De fermer les yeux et de penser dans ma tête à tout ce que je dois faire", indique Maxime Chenet. Même le placement de la sauce sur l'assiette a de l'importance le jour J et la moindre erreur peut être rédhibitoire : "Il faut vraiment faire attention à tout tellement le niveau est élevé. Même notre tenue est vérifiée, la marchandise contrôlée."
Entre 450 et 480 cuisiniers candidats au départ
Avant d'en arriver-là, le chef a réussi les sélections puis la demi-finale à Thonon-les-Bains. Au départ, ils étaient entre 450 et 480 cuisiniers à tenter leur chance. À une marche du titre, ils ne sont plus que trente. "Pour les sélections, on a eu 12 minutes de pratique où on devait faire un segment d'agrume, paner un suprême de volaille et le monter au beurre. On sait le faire mais quand on sait qu'un jury de MOF nous regarde, qu'on n'est pas dans notre cuisine et que tout doit être fait nettement en suivant les règles d'hygiène, ça met une pression. Certains ne l'ont pas surmontée", raconte le Gardois. En demi-finale, il a dû réaliser un plat et un dessert en 4h qui a convaincu les jurés : "Je suis arrivé dans l'idée que j'avais un travail et qu'il fallait que je l'accomplisse. C'est ma manière d'enlever un peu de pression", se remémore-t-il.
Quatre ans plus tôt, Maxime Chenet avait déjà tenté le concours de Meilleur ouvrier de France cuisine. Il s'était arrêté à l'étape de la demi-finale. Il revient avec plus de maturité, plus de préparation, plus de sérénité. Il garde bien en tête que ce défi, il le lance à lui-même et pour lui-même : "Ce que j'aime dans ce concours, c'est qu'il ne faut pas être le meilleur des meilleurs. Il faut faire partie des meilleurs, sans écraser les autres."
En d'autres termes, "c'est aller se mettre la pression où on en a pas besoin, alors qu'on pourrait rester dans son restaurant", pointe avec un sourire son père, Serge Chenet. Même si l'anonymat est de mise pendant le concours de MOF, le chef pujaulain, titré 30 ans plus tôt, ne fera pas partie du jury cette année pour éviter tout malentendu. Il croit profondément aux chances de son fils : "C'est déjà très beau d'être arrivé en finale. Maxime est un bosseur, il est humainement investi." Il compte bien l'aider à maîtriser à la perfection ses recettes pendant "ces deux semaines d'emmerdes et de folie" avant la finale.
"Être MOF n'est pas la consécration, c'est le début de quelque chose"
Maxime Chenet a toujours baigné dans l'univers de la cuisine et ce métier s'est imposé à lui comme une évidence. Après avoir oeuvré pendant 19 ans au Prieuré, son père a ouvert son propre restaurant gastronomique "Entre vigne et Garrigue" à Pujaut, dans l'ancienne ferme de sa belle-famille. En parallèle, le fils étudie à l'école hôtelière d'Avignon. Il validera ensuite un BTS gestion mercatique hôtelière et un CAP-BEP cuisine en candidat libre. Il fera quelques saisons à L'Oasis de Mandelieu-la-Napoule, au "Bateau ivre" à Courchevel au côté de Jean-Pierre Jacob, deux macarons au Michelin. Il a même fait un stage au "Jardins des sens" à Montpellier chez les Pourcel quand ils avaient leurs trois étoiles. "Ensuite, je suis resté travailler dans la maison familiale. Depuis quelques années, je chapeaute tout avec la même rigueur, la même envie du travail bien fait que mon père", assure-t-il. Avec une étoile au compteur, "Entre vigne et garrigue" offre une cuisine ancrée dans la gastronomie française mais remise au goût du jour. Avec de la découverte, mais jamais poussée à l'extrême.
Ces solides bases et cette grande expérience permettront-elles à Maxime Chenet d'être sacré Meilleur ouvrier de France en cuisine ? Réponse le 17 novembre au soir. Mais le candidat n'oublie pas ce que plusieurs amis chefs consacrés lui ont dit : "Être MOF n'est pas la consécration, c'est le début de quelque chose. Être MOF, c'est une image, un titre, une façon d'être, une connaissance. C'est presque plus stressant de l'être que d'y prétendre."
Marie Meunier
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