FAIT DU SOIR À Soustelle, la visite inédite du préfet ravive les espoirs d’un village qui refuse de disparaître

Jean-Pierre Ozil; le président de la commission du CDNPS; Georges Ribot; Jérôme Bonet; Patrick Malavieille ; Isabelle Fardoux-Jouve ; Émile Soumbo.
- Romain FioreC’est une visite qu'ils attendaient depuis longtemps. Ce mardi, pour la première fois dans l’histoire récente de la commune, un préfet s’est rendu à Soustelle. Nichée dans les replis boisés des Cévennes, cette petite commune de 120 habitants a accueilli avec une certaine gravité Jérôme Bonet, préfet du Gard, accompagné du sous-préfet d’Alès Émile Soumbo, de Patrick Malavieille et d’Isabelle Fardoux-Jouve, tous deux conseillers départementaux du canton de La Grand'Combe. Une visite riche en symboles, mais surtout en discussions franches, portée par un maire qui se bat chaque jour pour que son village ne tombe pas dans l’oubli.
« C’est la première fois qu’un préfet vient à Soustelle », souffle Georges Ribot, maire de la commune depuis 2020. Le ton est calme, mais la fierté transparaît. Car cette visite n’est pas anodine pour un village où tout semble plus compliqué qu’ailleurs : enclavement géographique, population vieillissante, absence de commerce, réseau numérique et téléphonique fragile, projets freinés par les lourdeurs administratives. Et pourtant, ici, on n’a pas renoncé.
À l’invitation du maire, lancée en marge du Salon des maires et des petites communes, le préfet a répondu présent. Pendant plus de deux heures, il a écouté, interrogé, conseillé. Un temps long, précieux, durant lequel la parole municipale a pu se déployer pleinement.
Des réussites locales dans un contexte hostile
Depuis le début du mandat, Georges Ribot et son équipe municipale ont multiplié les chantiers, souvent dans l’ombre, toujours dans la difficulté. Des projets pourtant concrets : rénovation du clocher, adressage complet, installation d’un relais mobile en zone blanche, enfouissement des lignes électriques sur deux kilomètres, création d’un parking, mise en place d’un point de tri, modernisation de l’assainissement... Et même la mise en ligne d’un site Internet municipal.
« On avance avec les moyens du bord, mais on avance », insiste le maire. La volonté ne manque pas. Mais elle se heurte à la réalité : inflation des coûts, décalage entre subventions et devis réels, déserts administratifs. À Soustelle, comme ailleurs dans les Cévennes, la bataille pour la survie se joue dans les détails techniques autant que dans les choix politiques.
Urbanisme : la montagne des blocages
Le cœur du problème, c’est l’urbanisme. « Depuis 25 ans, aucun permis n’a été accepté », martèle le maire. La commune, morcelée en hameaux, n’a pas de centre-bourg à proprement parler. Elle tente donc de proposer un développement à l’échelle des hameaux : cinq terrains ici, trois là. Rien de pharaonique, juste de quoi maintenir une dynamique de peuplement. Mais les règles, complexes, parfois rigides, entravent cette volonté. Aléas feu de forêt, zones agricoles inconstructibles, exigences de continuité de bâti : autant de freins à une politique de repeuplement pourtant urgente.
"On a réfléchi, et il me semble qu'on propose des choses qui sont très raisonnables, et qui ont été pensées pour cette évolution de la société. On a deux hameaux d'importance, dont celui avec la mairie avec cinq terrains, et c'est difficile d'en proposer plus."
Le préfet a entendu, sans promettre l’impossible. « Vous n’êtes pas oubliés », a-t-il assuré. Il a rappelé que les règles d’urbanisme, même en zone de montagne, peuvent être modulées si la démonstration est rigoureuse et si l’engagement communal est clair. Ce qui est indéniablement le cas à Soustelle.
Le problème pouvant se poser au niveau de l'aléa feux de forêts, malgré la bonne protection ces dernières années, la commune a été épargnée par cela, mais c'est une condition qui pourrait bloquer la commission. La mairie attend désormais son passage au mois de septembre devant la Commission de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) qui vise à concourir à la préservation de la nature, des paysages et des sites, ainsi qu'à une gestion équilibrée des ressources naturelles et de l'espace. Devant cette commission composée d'élus, de représentants de l'État et des personnes qualifiées sur les paysages, la mairie de Soustelle tentera de les convaincre pour obtenir un accord afin d'avoir une dérogation de construction en disposition de la montagne.
L’agriculture, autre bataille d’arrière-garde
Autre frustration : un projet agricole porté par un jeune couple, avec maraîchage et élevage de poules pondeuses, est aujourd’hui à l’arrêt, freiné par une décision de la Safer qui a préféré attribuer les terrains à des exploitants déjà bien installés. « On avait candidaté pour huit hectares, on n’en a obtenu que quatre. Et les autres sont partis vers des agriculteurs qui ont déjà plus de cent hectares », déplore Georges Ribot. La commune avait pourtant proposé d’acheter le foncier pour le mettre à disposition du jeune. En vain.
Un maire épuisé, mais lucide
À 18 mois de la fin de son mandat, Georges Ribot laisse poindre le doute : « Je me demande si je dois continuer. » D'abord élu, puis adjoint et désormais maire sur les trois derniers mandats, il évoque une forme de lassitude face à la lourdeur des dossiers et aux obstacles répétés. Mais il le dit sans plainte, juste avec une forme d’honnêteté rare.
Patrick Malavieille, conseiller départemental présent sur le terrain, a tenu à saluer cet engagement : « Le maire dit qu’il est manuel, mais c’est une sacrée pointure. Il connaît ses dossiers, et ça fait plaisir de voir un élu aussi investi. Ce sont des communes comme la sienne qui tiennent debout la République. »
Le préfet a salué l’engagement du maire et de son équipe, rappelant que l’État ne peut pas tout, mais qu’il reste à l’écoute : "Ce que vous faites ici est exemplaire. Être à la tête d'une commune comme la vôtre, c'est beaucoup plus difficile qu'une commune de 20 000 habitants. C'est dans des cas comme vous que nous devons être meilleurs que partout ailleurs." Un hommage appuyé, qui sonne juste dans cette vallée cévenole où la résilience n’est pas un mot, mais une nécessité.
Enclavement, vieillissement, mais aussi espoir
Avec plus de la moitié des habitants âgés de plus de 65 ans, et une dizaine seulement de familles avec enfants, la situation démographique est préoccupante. Pourtant, la qualité de vie est là. À quinze minutes d’Alès, dans un cadre préservé, Soustelle a des atouts. Encore faut-il qu’elle puisse accueillir des familles, des actifs, des projets.
L’arrivée de la fibre, réclamée avec insistance, en serait une condition minimale. « Aujourd’hui, seulement deux maisons sont raccordées », peste le maire. La promesse est faite par Orange, mais l’attente perdure.
À Soustelle, on ne baisse pas les bras. Le maire le dit lui-même : « Nous ne sommes pas en train de nous plaindre. Nous voulons juste avancer. » Le message est passé. Reste à voir si l’écoute préfectorale sera suivie d’effets. La commune, en tout cas, continue de croire en son avenir.