Publié il y a 4 h - Mise à jour le 23.06.2025 - François Desmeures - 3 min  - vu 269 fois

FAIT DU SOIR Des pentes de l'Ermitage d'Alès, une mosaïque de vingt siècles nous regarde

La mosaïque serait antérieure au Ier siècle après J-C

- François Desmeures

L'INRAP a rendu public, ce lundi, le joyau des fouilles que l'institut de recherches en archéologie préventive achève actuellement sur la colline de l'Ermitage, à Alès. Alors que le chantier touchait à sa fin, un coup de pelleteuse a révélé les tesselles d'une mosaïque. Les fouilles ont aussi confirmé la présence de l'oppidum de l'Ermitage, et même plus : une occupation en "unités domestiques", aménagées, terrassées et taillées dans le roc, et des sépultures. La mosaïque pourrait être le signe de la présence d'un bâtiment public. 

La mosaïque serait antérieure au Ier siècle après J-C • François Desmeures

Elle aura donné du fil à retordre aux quelques archéologues qui finissent de nettoyer la mosaïque découverte sur la colline de l'Ermitage à Alès. Car c'est elle qui prolonge le chantier de fouilles préventives, sous les rayons d'un soleil brûlant, à peine brassé par un ventilateur extérieur. Il y a trois semaines, le chantier de fouilles de l'INRAP (institut de recherches en archéologie préventive) touchait à sa fin, après avoir accueilli, pendant 4 mois, jusqu'à 18 archéologues simultanément sur site. Mais c'était sans compter sur le dernier coup de pioche, qui a révélé des tesselles et a contraint à demander une petite extension du périmètre des fouilles. 

Les équipes de l'INRAP en étaient déjà à 3 750 m2 fouillés sur les pentes "à 25%" de l'Ermitage alésien, en raison du projet de construction de trois maisons. "L'oppidum de l'Ermitage est le secteur le plus sensible en archéologie, explique Denis Guilbeau, responsable du nord du Gard à la DRAC (direction régionale des affaires culturelles). La DRAC reçoit donc tous les projets."

Olivier Mignot, responsable du chantier pour l'INRAP, explique quelles zones ont été fouillées • François Desmeures

Et si le travail de l'archéologie préventive pourrait être partiellement remis en question à travers la loi de simplification économique, il montre une nouvelle fois, sur les collines alésiennes, son importance en matière de collecte de savoir. "Les deux diagnostics ont eu lieu en 2024, détaille Philippe Cayn, directeur scientifique à l'INRAP, et ont montré une présence entre le IIe siècle avant J-C et le VIe siècle après." La présence d'un oppidum était déjà connue, "depuis la moitié du XIXe siècle". Les premières fouilles du milieu du XXe siècle ont renforcé cette conviction et le travail du GARA (groupe alésien de recherches archéologique) a approfondi la connaissance. Des grottes d'origine néolithique ont même été découvertes. 

François Desmeures

Ce chantier 2025 devait aussi relever le défi de fouiller, tout en "conservant les faïsses actuelles", explique le responsable du chantier pour l'INRAP, Olivier Mignot. Elles ont été bâties aux XVIe et XVIIe siècles, puis remaniées au XIXe. "On a pratiqué des ouvertures par tranchées, avec deux lots qui se calquent sur la réalité archéologique." 

Les faïsses du XIXe siècle, conservées par les fouilles • François Desmeures

Premières découvertes, "des cabanes protohistoriques, poursuit Olivier Mignot, qu'on appelle des unités domestiques, car elles sont plus complexes qu'une cabane. Déjà, il y a 2 000 ans, on voit une mise en terrasse des parcelles. Et même un système d'évacuation des eaux pour les grosses pluies." Les quatre habitations voient même leurs parois intérieures recouvertes d'une couhe d'argile destinée à contenir les infiltrations d'eau qui suintent du calcaire quand il pleut. 

L'une des quatre unités domestiques taillées dans la roche, en terrasse • François Desmeures

"De l'autre côté, on est plutôt sur les IIe et Ier siècle avant J-C", enchaîne Olivier Mignot. Un vaste bâtiment d'environ 750 m2 a été mis au jour par les archéologues. Selon l'INRAP, il aurait connu "deux phases d'aménagement qui traduisent des transformations architecturales successives". Les archéologues ont également découvert l'ancêtre d'une gouttière, un système d'évacuation des eaux de pluie, sans doute issu de la toiture, fait d'un conduit constitué d'amphores dont les extrémités ont été retirées pour pouvoir s'encastrer. 

"Et, surprise de dernière minute, la mosaïque !"

Olivier Mignot, archéologue responsable du chantier de fouilles pour l'INRAP

"Et, surprise de dernière minute, la mosaïque !, sourit encore Olivier Mignot. Les peintures sont dans un état de conservation exceptionnel." Sur le sol préalablement badigeonné, trois couleurs différentes viennent se caler entre des tesselles blanches et noires : "un rouge-bordeaux, du jaune, et un rouge sans doute pompéien, le rouge cinabre". Un rouge éclatant, rare et cher, qui possède la particularité - bien embêtante en ce moment - "d'être photosensible, détaille Olivier Mignot, il noircit très vite. Or, ici, quand on débâche, il tient plutôt bien." L'équipe de l'INRAP n'est pas encore en mesure de dire si le bâtiment était privé ou occupait une fonction religieuse ou publique. Mais la mosaïque serait antérieure au Ier siècle après J-C. 

La mosaïque se trouve dans une pièce de 4,5m par 3,8m, bornée par un mur à l'ouest et troisième pièce d'une enfilade qui part de l'est • François Desmeures

Au sol, sous le soleil, les travail des archéologues se fait sous plus de 40° • François Desmeures

Enfin, Olivier Mignot dit être tombé sur un "iatus" quand son équipe a découvert des sépultures, du Ve siècle. "Douze au total : deux isolées, en terrasse haute, montre Olivier Mignot, et dix autres au sud. Avec, à chaque fois, la même organisation : tête à l'ouest et un sensemble de pierres qui vient tenir une sorte de container en bois". Sans doute des planches, vraisemblablement pas solidaires entre elles, tenues droites par les pierres. Les squelettes seraient ceux "d'une population vieillissante, 35-45 ans, avec peut-être aussi celui d'un adolescent"

L'une des deux sépultures isolées des dix autres • François Desmeures

Les fouilles s'achèveront totalement quand la mosaïque sera déposée, sans doute vendredi. Présent ce lundi après-midi, le maire, Christophe Rivenq, n'omettait pas de rappeler que c'était la deuxième trouvée à Alès, sur cette même colline. Après restauration, il faudra peut-être pousser les murs du musée du Colombier pour l'accueillir...

Une pelleteuse finit de reboucher certaines tranchées créées par les archéologues • François Desmeures

François Desmeures

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