Publié il y a 9 h - Mise à jour le 15.06.2025 - Coralie Mollaret - 3 min  - vu 139 fois

FAIT DU JOUR D’Haïti au Pont du Gard : Wislandre, gardienne de notre mémoire

Wislandre, 26 ans, est étudiante en Master à l'université d'Aix-Marseille

Wislandre, 26 ans, est étudiante en Master à l'université d'Aix-Marseille

- Coralie Mollaret

Étudiante en master à l’université Aix-Marseille, Wislandre est venue d’Haïti pour étudier la préservation du patrimoine français. En stage au Pont du Gard, la jeune femme rappelle ô combien les sites classés à l’Unesco parlent à toutes les populations.  

C’est une rencontre qui rappelle notre humanité. En février, le directeur du Pont du Gard, Sébastien Arnaux, donne un cours aux étudiants en master Métiers du patrimoine, sur le site d’Arles. À la fin, il interroge les élèves. Wislandre, 26 ans, retient particulièrement son attention. « Elle a retranscrit exactement le sens que je voulais donner à la fonction de notre monument. Elle a aussi parlé du site haïtien classé au patrimoine mondial de l’Unesco : le parc national historique Citadelle Sans-Souci Ramiers », se souvient le directeur, qui la prend en stage sur le site gardois.

« La première fois que je suis venue ici, je me suis sentie chez moi », confie la jeune femme. Chaque jour, Wislandre fait deux heures de trajet entre Arles et le Pont du Gard. Le soir et les week-ends, elle travaille dans un fast-food pour subvenir à ses besoins. « Elle est calme et convaincue. C’est un rouleau compresseur qui sait où elle va », remarque Sébastien Arnaux qui, l’an dernier, a pris une centaine de stagiaires. Wislandre est originaire de Jacmel, dans le sud-est d’Haïti. Son père est instituteur et sa mère, couturière. Très tôt, elle est attirée par les monuments et leur préservation : « À chaque fois qu’il y avait des conférences, j’y allais. Je lisais énormément. D’ailleurs, à l’école, la bibliothécaire ne me croyait pas : elle me demandait de faire des fiches de lecture pour vérifier que j’avais bien lu les livres empruntés ! »

Haïti, symbole universel de liberté

En stage pendant trois mois au Pont du Gard, sa mission consiste à observer, comprendre et enrichir la politique de préservation du site Unesco. « La France est connue pour la restauration, la préservation de ses sites », reconnait celle qui a parcouru plus de 8 000 km pour faire de sa passion, sa profession. Son stage recouvre à la fois l’entretien du site, mais aussi la philosophie avec la politique mise en place par le duo Malavieille-Arnaux. Patrick Malavieille étant le président de l’EPCC (Établissement public de coopération culturelle). 

« J’aimerais acquérir des compétences pour retourner en Haïti et participer à la préservation de notre patrimoine », aspire la jeune femme. En Haïti, le parc national historique Citadelle, Sans-Souci, Ramiers, a été classé à l'Unesco en 1982, avant l’aqueduc romain. Le site regroupe des forteresses militaires et autres bâtiments administratifs au sein d’un espace naturel luxuriant. Ces édifices ne sont pas sans rappeler l’histoire commune entre la France et Haïti. « Ayiti » (en langue arawak) a été le nom donné par les esclaves de l’île, qui se sont libérés de la puissance coloniale après douze ans de lutte. C’est la première révolte d’esclaves victorieuse qui aboutira, en 1804, à la première République « noire ».

« L’empereur Jean-Jacques Dessalines a demandé aux généraux de faire construire des forts sur les points stratégiques pour protéger l’île. Il y en a plusieurs dans chaque département », raconte Wislandre. La Citadelle et le fort des Ramiers font la fierté du peuple haïtien. Fierté, mais aussi symbole universel de liberté, résonnant au-delà du peuple haïtien. Le site incarne la volonté, là aussi universelle, de préserver un héritage commun. À 8 000 km de là, au Pont du Gard, même combat : élus et associations se sont battus pour conserver le site et le rendre accessible à tous.

Pont du Gard, carrefour de rencontres

Prouesse architecturale du Ier siècle de notre ère, l’aqueduc alimentait en eau la colonie romaine Nemausus. Il reliait alors les hommes, les territoires. Carrefour de rencontres, l'EPCC met au premier plan la relation entre la population et le monument. Les tarifs (9 €, puis gratuit avec une inscription sur internet) « poussant les gens à revenir », insiste le directeur qui prévoit, pour ce faire, plusieurs animations tout au long de l'année. « En Haïti, les familles viennent surtout visiter le site à Pâques. Il y a aussi des touristes qui viennent à la presqu’île Labadie mais ne savent pas forcément qu’il y a, à côté, ce site classé. C'est dommage ! C’est le moment idéal pour structurer et développer le tourisme », poursuit l’étudiante.

Le hasard faisant parfois bien les choses, Wislandre a rencontré au Pont du Gard un historien, membre du conseil scientifique : Nicolas Faucherre. Spécialisé dans l’archéologie, il s’est rendu plusieurs fois en Haïti. « Grâce à lui, j’ai pu entrer en contact avec le directeur de l’Ispan d’Haïti (Institut de sauvegarde du patrimoine national) », se réjouit Wislandre, qui finalement, d’Haïti au Pont du Gard, se mue en gardienne de notre mémoire.

Coralie Mollaret

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