Publié il y a 10 h - Mise à jour le 15.06.2025 - Yannick Pons - 3 min  - vu 156 fois

CULTURE Avignon Off : Ionesco aux Gémeaux, la mort en face

Autour du roi

- @B. Buchmann

Présentée en sortie de résidence hier soir au Théâtre des Gémeaux à Avignon, dans le cadre du Festival Off, la mise en scène du Roi se meurt de Christophe Lidon remet en lumière ce texte absurdement lucide d'Eugène Ionesco, porté par un dispositif scénique visuel soigné et une distribution juste. Cette parabole sur la fin de vie prend une résonance toute contemporaine. 

« C’est un message d’espoir, c’est un message d’humanité et avant toute chose, c’est un message d’amour. J’espère que vous le recevrez comme tel. On a essayé d’y mettre tout ce que le Festival d’Avignon peut inspirer, par son passé, par son histoire, par ses talents, par son public connaisseur. Vous êtes tous des bibliothèques de spectacle », a confié Christophe Lidon au public avant l’ouverture du rideau.

Le roi se meurt

Bérenger Ier, monarque tout-puissant, refuse l’évidence : il va mourir. À mesure que son royaume se délite par sa faute, deux reines l’entourent. Marguerite, vindicative, mais lucide, tend sans cesse le miroir de la vérité à ce roi immature. Marie, plus jeune et hédoniste, s’accroche aux derniers plaisirs vécus avec Bérenger.

Dans ce parcours de fin de vie, Ionesco bâtit un chemin d’initiation bien repris par la pièce : déni, colère, marchandage, souvenirs, abandon, puis difficile acceptation. Rythmes heurtés et ruptures de ton nous émeuvent et nous font sourire (jaune) de notre humanité particulièrement imparfaite. Philosophique et désarmante, la pièce veut nous conduire vers une sorte de libération de notre propre angoisse. L’acceptation de la mort. Pas si facile !

Nautilus

Écrite en 1962, cette œuvre traverse les époques. « C'est un texte important, c'est un texte du répertoire mondial théâtral, traduit dans toutes les langues », rappelle Christophe Lidon au public, qui revendique aussi l’urgence de « faire réentendre ce contexte », tel que l’avaient joué Michel Bouquet 800 fois, ou Michel Roumont à la Comédie Française. « Mais c'est surtout un texte qui est fait pour vous. »

Sa mise en scène injecte çà et là une légèreté bienvenue dans les moments les plus sombres. Le trône renversé devient lit d’hôpital, des films Super 8 muets sont projetés sur un mur qui se fissure peu à peu, comme le royaume lui-même. La scénographie invoque un imaginaire intemporel, entre Dune et le Nautilus de Vingt mille lieues sous les mers au bord de la rupture : trône, longue-vue plantée dans le sol, fissures, téléphone noir sur le mur, sablier fait de ballons…

Dans ce monde au bord du vide, Vincent Lorimy interprète un Bérenger qui passe de la tyrannie à l’abandon, silhouette vacillante et voix brisée face à l’inéluctable et face au bilan de sa vie de roi, peu glorieux. À ses côtés, Valérie Alane particulièrement juste et tranchante, campe une Marguerite d’une rigueur implacable, droite, mais profondément vertueuse puisqu’elle aide son époux à accepter sa fin.

Acceptation

Quant à Marie, incarnée avec émotion par Chloé Berthier, elle tente jusqu’au bout de rappeler la joie et la légèreté, et peut-être l’amour. Autour d’eux gravitent le médecin, le garde et la servante (Thomas Cousseau, Armand Eloi, Nathalie Lucas), dernières figures survivantes absurdes d’un royaume en ruine.

Ionesco transforme l’angoisse de la mort en théâtre de l’absurde : le roi Bérenger I, figure de toute-puissance, se heurte à l’évidence de sa fin. Autour de lui, deux reines incarnent des postures et des rôles opposées, une blonde et une brune. La gentille et la méchante, mais… La pièce devient ainsi une méditation tragique sur la condition humaine : nul n’échappe à l’effondrement du corps, pas même les rois, et l’acceptation de la mort se complique quand on a surtout profité du pouvoir au lieu de construire.

Tandis que Marie tente d’évoquer et de partager les dernières jouissances d’un royaume qui s’écroule, c’est Marguerite, Valérie Alane, méchante reine, qui retire sa longue perruque noire et conduit le souverain vers la lucidité puis vers l’acceptation de sa mort.

Informations pratiques

Le Roi se meurt – Théâtre des Gémeaux, salle des Colonnes (Avignon Off)
Sortie de résidence : samedi 14 juin à 20 h
Représentations : du 5 au 26 juillet à 18 h 10
Relâches : 9, 16, 23 juillet
Durée : 1 h 25 – tout public à partir de 12 ans
Texte : Eugène Ionesco
Mise en scène : Christophe Lidon
Lumières : Cyril Manetta – Musique : Cyril Giroux – Vidéo : Léonard
Avec : Vincent Lorimy, Valérie Alane, Chloé Berthier, Thomas Cousseau, Armand Eloi, Nathalie Lucas
Production :  CADO Orléans

Yannick Pons

Actualités

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio