Publié il y a 1 an - Mise à jour le 26.10.2022 - marie-meunier - 4 min  - vu 638 fois

FAIT DU SOIR Récoltes, ressource en eau, prix à la hausse... Les vignerons livrent leurs difficultés

La préfète (en blanc) s'est d'abord rendue au domaine Castel Oualou, à Roquemaure, pour la première partie de la visite. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Récoltes très moyennes, problématiques de ressource en eau, manque de main d'oeuvre, envolée des prix de l'énergie, difficultés à se fournir en bouteilles et en capsules, agribashing... Les sujets présentés par les vignerons à la préfète du Gard, Marie-Françoise Lecaillon, étaient nombreux ce mardi. 

La fédération gardoise des Vignerons indépendants et les Vignerons coopérateurs d’Occitanie ont organisé cette rencontre avec la représente de l'État pour parler des difficultés que traverse la profession. De nombreux viticulteurs, représentants de syndicats et élus locaux étaient aussi présents. Tout ce petit monde s'est rejoint au domaine Castel Oualou à Roquemaure pour la première partie de la visite. Sur place, les gérants du vignoble de 59 hectares principalement en AOC Lirac, Jean-François et Emmanuelle Assemat, frère et sœur, ont accueilli la préfète avec des chiffres concrets : en 2018, ils ont produit 39 hectolitres à l'hectare en moyenne, en 2020, à cause de la grêle 25,8 hectolitres, en 2021 43 hectolitres et en 2022, année marquée par la sécheresse, ce sera 23,17 hectolitres.

La visite s'est poursuivie à la cave coopérative des 4 chemins. (Marie Meunier / Objectif Gard)

D'une année sur l'autre, la production n'est pas du tout la même. Et cela pose problème : "On rencontre des difficultés sur la commercialisation. C'est difficile de fidéliser les clients sur un produit. Par exemple, l'année dernière, on a beaucoup misé sur le blanc car on a fait 108 hectolitres soit 15 000 bouteilles. Cette année, on est à 33 hectolitres...", déplore Jean-François Assemat. À cela s'ajoutent des problèmes d'approvisionnement en bouteilles et en capsules à cause des perturbations des expéditions maritimes et du surstockage des containers. Les délais de livraison actuels courent jusqu'au printemps prochain.

Des prix à la hausse qui ne peuvent être totalement répercutés sur la vente

"Le prix aussi augmente. On a 20 % d'augmentation sur le verre et c'est difficile de le répercuter dans le commerce ensuite. On ne peut pas suivre l'inflation", tonne Frédéric Cavagna, secrétaire général de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles). Les engrais auraient aussi pris 10 à 15 % d'augmentation selon lui. Sans parler des coûts de l'énergie aussi à la hausse et une main d'oeuvre de plus en plus dure à trouver qui poussent les vignerons à proposer des salaires plus hauts pour être attractifs. Au domaine Castel Oualou, cela se fait particulièrement sentir en raison de la proximité des terres de Châteauneuf-du-Pape : "Les salaires sont 40 à 60 % plus élevés de l'autre côté du Rhône, ça n'aide pas", pointe Jean-François Assemat.

La préfète du Gard, Marie-Françoise Lecaillon, a échangé autour des difficultés des viticulteurs, mises en lumière par Pierre Jauffret, président des Vignerons indépendants du Gard, par Anthony Bafoil, président du comité territorial gardois des Vignerons coopérateurs, et par Jean-François Chabert, président de la cave coopérative des 4 chemins. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le contexte économique est donc particulièrement compliqué pour les vignerons. C'est pourquoi, ils militent pour que le remboursement du PGE (prêt garanti par l'État) soit allongé de 5 à 10 ans. Le dispositif avait aidé bon nombres de vignerons à passer le cap de la crise sanitaire mais certains pourraient avoir du mal à le rembourser. Ils comptent aussi sur l'aide à l'aval, mise en place par l'État après le fort gel de 2021 qui a impacté très largement les cultures. Le Gard n'avait pas été épargné. "L'aide peut aller jusqu'à 50 % de la diminution d'EBE (excédent brut d'exploitation)", indique Anthony Bafoil, président du comité territorial gardois des Vignerons coopérateurs.

Un projet d'irrigation avec l'eau du Rhône en réflexion

Mais les vignerons veulent pallier les difficultés en amont, notamment celle de l'eau. La sécheresse de cet été s'est particulièrement fait sentir sur les vignes et les vendanges 2022 ont atteint des records de précocité. "Face à cette problématique de l'eau, on cherche des solutions non plus pour espérer des rendements mais pour sauvegarder les végétaux. On en est là mais si on ne le fait pas maintenant, les vignes vont mourir", alerte Jean-François Assemat. Pour faire face à la sécheresse et aux pluies plus que disparates, un grand projet d'irrigation des cultures avec l'eau du Rhône est en réflexion depuis plusieurs années.

Près de 400 agriculteurs pourraient être concernés. Encore confidentiel, le projet doit trouver un organisme accompagnateur dans la phase d'étude. Une réunion se tiendra avec l'agglomération du Gard rhodanien prochainement, d'autant que le territoire connaît des problématiques d'eau potable. Trois communes ont été ravitaillées par des camions-citerne cet été.

2,9 millions d'hectolitres de vin produits dans le Gard

La visite s'est poursuivie à la cave coopérative des 4 chemins, basée à Laudun-l'Ardoise. L'occasion pour son président, Jean-François Chabert, de parler de la structure créée en 1960 et comptant aujourd'hui 120 coopérateurs. Malgré la sécheresse, la cave signe une belle récolte cette année avec 40 000 hectolitres (contre 45 000 hectolitres en 2021). Suivant cette belle dynamique, la cave projette de construire dès début 2023 un deuxième bâtiment de stockage de 600m2, avec une toiture équipée de panneaux photovoltaïques. Il remarque néanmoins un "nuage à l'horizon", avec la baisse du pouvoir d'achat en France lésant les ventes de vin et la dégradation de l'image des viticulteurs. Il a déjà eu affaire à des personnes qui filment les pulvérisations ou à des rencontres houleuses appelant beaucoup de pédagogie.

Jean-François Chabert, président de la cave coopérative des 4 chemins, basée à Laudun-l'Ardoise, a parlé des projets de la structure. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Pourtant la viticulture représente une part non-négligeable de l'économie gardoise. Cette année, 2,9 millions d'hectolitres ont été produits dans le département sur les 15 millions produits en région Occitanie. Pour continuer à répondre aux attentes des consommateurs, les vignerons veulent que l'État engage davantage de moyens dans la certification HVE (Haute valeur environnementale). En conclusion, la préfète a rappelé que son administration essayait d'être la plus bienveillante possible, notamment cet été quand 250 dérogations ont été accordées à des productions agricoles alors que des restrictions sur l'usage de l'eau étaient en vigueur à cause de la sécheresse. Elle ajoute : "On a un comité départemental de l'eau qui se réunit trois fois par an. On l'a créé pour avancer sur un meilleur partage de l'eau et une meilleure qualité. Mais c'est aussi aux territoires de s'emparer de cette problématique."

Marie Meunier

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