FAIT DU JOUR Des capteurs connectés par satellite pour protéger la forêt du Pont du Gard

Eric Barnett, de Dryad, installe un capteur sur un pin, jeudi matin sur le site du Pont du Gard
- Thierry AllardJeudi dernier, le déploiement de 121 capteurs a été lancé dans la forêt qui jouxte le Pont du Gard. Des capteurs connectés par satellite, qui vont être des alliés précieux des pompiers pour lutter contre les incendies, et une première dans le Gard qui ouvre à de larges perspectives.
Chaque été le rappelle, la lutte contre les feux de forêts est un enjeu majeur, d’autant plus avec le réchauffement climatique. Dans le Gard, et plus largement sur tout l’arc méditerranéen, les sapeurs-pompiers ont une méthode : « l’attaque massive des feux naissants, notre doctrine depuis les années 1980, qui a fait ses preuves », rappelle le chef du groupement prévision du SDIS du Gard, le lieutenant-colonel Éric Guiboud-Ribaud. Le feu de Portes, en 1985, avait alors provoqué un électrochoc et un changement des méthodes.
Mais pour taper vite et fort, encore faut-il détecter les feux. Pour ce faire, les pompiers disposent déjà « d’une constellation de systèmes de détection, le premier c’est l’Homme, qui va nous prévenir, mais nous avons aussi des caméras, des avions qui patrouillent », pose le lieutenant-colonel Philippe Meresse, de l’Entente Valabre, établissement public qui regroupe quinze départements du sud-est, à l’origine de l’utilisation des avions bombardiers d’eau et du réseau de Défense contre les incendies, les pistes DFCI.
Des données précieuses
Cet arsenal de détection va être désormais complété par ces nouveaux capteurs, conçus par l’entreprise allemande Dryad et connectés aux 25 nano-satellites de l’entreprise Kinéis, basée à Toulouse, présentée comme le premier opérateur français dans la connectivité satellitaire. Le projet est financé par le gouvernement dans le cadre du programme France 2030, porté par le CNES, le Centre national d’études spatiales, et coordonné localement par l’Entente Valabre. Dans ce cadre, « 121 capteurs vont être déployés sur ce site, pose Philippe Meresse. Ils détectent les feux sur un rayon de 100 mètres, surveillent la pression de l’air, le taux d’humidité, la température, la qualité de l’air ». Autant de données précieuses pour lutter contre les incendies, mais aussi surveiller la qualité environnementale du site.
Et, au-delà de la détection d’un feu, ces capteurs « vont nous permettre de faire une analyse prévisionnelle des risques sur les jours à venir, pour voir comment se comporte la végétation afin de positionner au mieux nos groupes préventifs », explique Éric Guiboud-Ribaud, le SDIS disposant de équipes préventivement dans les endroits à risque tout au long de la saison feux de forêts. Et, « quand il y a un feu, les capteurs vont nous donner les fumées, et en fonction de l’orientation du vent et de ces données précises, nous allons pouvoir modéliser des cartographies pour définir précisément l’évolution prévue du feu », rajoute-t-il.
Une première expérimentation a été menée vers Aix-en-Provence en janvier. « Les tests ont été concluants, ce qui nous a permis de travailler sur le déploiement de ces capteurs », explique Florian Hoorelbeke, responsable sécurité civile chez Kinéis. Des capteurs conçus par l’entreprise Dryad, basée à Berlin, « un expert de la détection des feux », affirme-t-il. Ces outils sont de dernière génération : « ce sont les plus petits détecteurs de ce type au monde », affirme Eric Barnett, de Dryad, ce qui permet leur déploiement à grande échelle.
« Une proposition innovante, intelligente et pleine d’avenir »
Leur connectivité satellitaire est un atout important : « C’est le gros changement de cette technologie, abonde Philippe Meresse. On s’affranchit de la communication terrestre, ce qui change le paradigme. » En effet, le satellite permet de se passer du réseau mobile, qui peut saturer en cas de crise, ce que les acteurs de la sécurité ont pu expérimenter, notamment lors des épisodes d’inondations. Sans compter les zones blanches, particulièrement dans certains massifs forestiers.
Au Pont du Gard, il s’agit donc d’une expérimentation à plus grande échelle « sur un site adapté, porteur d’enjeux, surveillé 24 heures sur 24 » pose Éric Guiboud-Ribaud, expérimentation dont le bilan sera tiré à l’automne. « C’est peu connu, mais nous gérons 192 hectares de forêt, essentiellement classée en zone Natura 2000 et intégralement classée au titre des paysages », explique le directeur général adjoint du site du Pont du Gard Christophe Galle, ravi d’accueillir « une proposition innovante, intelligente et pleine d’avenir. »
Outre ces capteurs, les pompiers et Kinéis travaillent sur un système complémentaire : des capteurs sur les cuves qui jalonnent les DFCI. « Nous allons poser des capteurs sur les cuves, qui utilisent des ultrasons pour vérifier leur niveau », explique Florian Hoorelbeke. Car « nous faisons des reconnaissances hors saison feux de forêts pour remplir les cuves, mais une fois que nous sommes passés, il peut se passer beaucoup de choses », avance Éric Guiboud-Ribaud. Pouvoir jauger le niveau des cuves en temps réel permettrait de gagner encore en efficacité dans la lutte contre les feux de forêts, et ainsi contribuer à préserver l’environnement et la sécurité des biens et des personnes.