Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 07.09.2021 - marie-meunier - 5 min  - vu 1635 fois

FAIT DU JOUR Moustique-tigre : "Cela fait une dizaine d'années qu'il s'est installé dans le Gard"

(photo libre de droits / James Gathany)

Yvon Perrin est entomologiste à l'EID Méditerranée et travaille spécifiquement sur le moustique-tigre. (DR)

Ils s'invitent à nos dîners en terrasse. Ils s'engouffrent par les fenêtres de nos logements. Les moustiques-tigres gâchent parfois nos retrouvailles estivales entre amis ou en famille. Cet insecte originaire d'Asie a franchi les frontières françaises depuis 2005 et il se plaît bien dans l'arc méditerranéen qui lui offre un climat très propice à la reproduction. 

Yvon Perrin est entomologiste à l'EID Méditerranée (Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen) et travaille spécifiquement sur cette espèce encore inconnue en France quelques années en arrière. Il en dit plus sur l'évolution de sa population et surtout, file quelques astuces pour se prémunir des piqûres et éviter des soirées entières à se gratter jusqu'au sang.

Objectif Gard : Cette année, beaucoup de personnes se plaignent des moustiques-tigres. Y en a-t-il plus que d'habitude ?

Yvon Perrin : On a effectivement beaucoup de retours nous disant cela cette année. Sur certains projets, nous effectuons des captures et c'est vrai que l'on a des densités de moustiques qui sont très élevées. Depuis 3-4 semaines, on en voit beaucoup. C'est à partir de la mi-août que l'on commence à en avoir beaucoup et ça continue jusqu'en octobre.

Vous travaillez sur tout l'arc méditerranéen. Y a-t-il des communes qui sont particulièrement touchées dans le Gard ?

Non, c'est plutôt homogène. Tout dépend de l'urbanisme des communes. Là où on en trouve le plus, c'est souvent dans les quartiers pavillonnaires, avec maisons et jardins, où le moustique va trouver tout ce qui faut pour sa survie. Donc des coins d'eau pour pondre, un peu de végétation pour la survie des adultes et des personnes à piquer à disposition. Le gîte et le couvert comme on dit...

Quand les moustiques-tigres sont-ils arrivés dans la région ?

Ces moustiques sont originaires d'Asie. Mais ils ont colonisé les cinq continents assez rapidement à partir du XIXe siècle. Pour ce qui est de la France, on a eu une première détection en 1999 chez un importateur de pneus usagés. Le commerce de marchandises a beaucoup contribué à sa diffusion et notamment les pneus usagés qui sont de très bons gîtes pour ce moustique. Il va pondre à l'intérieur quand les pneus accueilleront un peu d'eau et ces derniers seront revendus libérant ainsi la population. C'est en 2005 qu'on a vu la véritable installation des moustiques à Menton. Ils étaient présents depuis les années 90 en Italie, on se doutait bien qu'ils allaient rentrer tôt ou tard en France. C'est ce qui a fini par arriver, et depuis ils colonisent régulièrement des nouveaux territoires. Jusqu'à avoir plus de soixante départements où des populations de moustiques sont installées. Dans le Gard et l'Hérault, c'est au début des années 2010 qu'on a eu les premières populations.

Pourquoi le moustique-tigre se plaît-il dans le Gard ?

Le climat est très favorable, comme tous les département littoraux. Et cela fait maintenant une dizaine d'années qu'il s'est installé dans le Gard. Au début, c'est une petite nuisance, mais à partir de 5-6 ans d'installation, on commence à en avoir beaucoup.

Quelles sont les conséquences de ces insectes sur les hommes ? Ils peuvent être vecteurs de maladie...

Oui. C'est en grande partie pour cela qu'on surveille de près son arrivée. C'est avant tout un moustique nuisant, très agressif, qui pique à des heures où on est plutôt à l'extérieur. Il y a un pic au lever du soleil mais le gros de son activité, c'est entre 17h jusqu'à la tombée de la nuit. Il est peu actif la nuit. Il peut aussi être vecteur de plusieurs virus comme la dengue, le chikungunya ou le zika. Il y a des transmissions autochtones, c'est-à-dire des personnes qui ne se sont pas déplacées et qui ont été piquées par un moustique local qui a lui-même été infecté par une personne porteuse du virus. On a quelques petits cas sporadiques chaque année, essentiellement sur le littoral méditerranéen. Dans le Gard, il y a eu en 2015 un petit foyer de dengue dans une quartier de Nîmes. On avait eu un peu moins d'une dizaine de cas. Ce sont des choses qui arrivent exceptionnellement sur lesquelles il y a un système de surveillance régionale qui permet une intervention rapide sur les personnes malades.

Est-ce que ces cas sont amenés à se poursuivre, voire à augmenter ?

Sans doute puisqu'avec le réchauffement climatique annoncé, on devrait avoir plus de cas. Car les conditions seront plus favorables à l'apparition des moustiques. Le réchauffement va favoriser la période d'activité du moustique qui va tenir de plus en plus longtemps. Les températures vont aussi jouer sur la vitesse de réplication du virus à l'intérieur des moustiques : plus il va faire chaud, plus la réplication va être rapide, plus il y a des chance que le moustique vive suffisamment longtemps pour transmettre le virus à quelqu'un d'autre.

Sur quelles solutions travaillez-vous à l'EID pour lutter contre ce moustique ?

On est à la recherche de solutions concernant ce moustique qui est là depuis pas longtemps et qui a un peu perturbé nos habitudes de travail. Je travaille au laboratoire où on a un projet qui s'appelle VECTRAP qui vise à évaluer une stratégie de piégeage de masse. En gros, on a trois communes test où on a mis en place dans certains quartiers des pièges dans les jardins. On va comparer la dynamique dans ces quartiers avec des quartiers témoins pour voir si on a un impact sur les populations. Le projet s'étend sur trois ans, au bout desquels on espère pouvoir proposer aux communes une stratégie de piégeage.

Que conseillez-vous aux habitants qui sont envahis de moustiques-tigres pour s'en prémunir ? Quelles astuces peut-on mettre en place ?

Le coeur de la lutte, c'est empêcher l'accès à l'eau. Il faut penser aux coupelles sous les pots de fleurs ou tout autre objet dans un jardin recueillant l'eau. Pour les points d'eau qui ne peuvent être vidés comme les récupérateurs d'eau de pluie, il faut s'assurer qu'ils soient totalement hermétiques aux moustiques. Dans le moindre petit espace libre, les femelles pourraient s'infiltrer et venir pondre. C'est un des défis principaux en zone urbaine et péri-urbaine car ça peut poser beaucoup de problèmes à l'échelle de tout un quartier. Il faut que chacun s'y mette, si vous êtes le seul, vous n'aurez qu'un impact limité. Pour se protéger des piqûres autant que possible, on peut se doter de produits répulsifs, porter des vêtements couvrants, installer des moustiquaires... Il n'y a pas de solution miracle, mais tout un tas de petites mesures qui peuvent éviter les piqûres.

Pour se rendre la vie un peu plus facile... Car les démangeaisons peuvent parfois pousser à se gratter jusqu'au sang !

Ça dépend des personnes. Vu que c'est une espèce récente, l'organisme n'est pas forcément habitué à ses piqûres et certains individus réagissent davantage. Chaque espèce de moustique a une composante différente dans sa salive. On remarque quand même qu'au fur et à mesure des années, les réactions sont de moins en moins fortes.

Propos recueillis par Marie Meunier

Marie Meunier

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