NÎMES EN FERIA Perera s’impose et Clemente s’arrime

Miguel Angel Perera, malgré la blessure de Clemente, a voulu sortir par la Porte des Consuls (Photo Anthony Maurin)
Corrida de Robert Margé pour Miguel Angel Perera (vuelta, oreille, deux oreilles), Juan Pablo Sanchez (silence et vuelta) et Clemente (blessure oreille).
Voilà une corrida que l’aficion locale attendait. Oui, les amateurs du beau geste voulaient assister à l’alternative de Marco Pérez, oui les soucieux des détails désiraient voir le paseo du dimanche matin mais les baroudeurs, les aficionados tout-terrain, aiment ce genre de cartel d’où peut émerger une oasis d’inspiration issue de la bravoure et de la caste du toro.
Avec ces opposants solides, mobiles et classieux dans leur charge, les toreros devaient s’appliquer à flirter avec la limite. Leurs limites.
Miguel Angel Perera, chef de lidia de luxe pour un tel exercice, ouvre le bal. Le natif de Badajoz est à son aise dans l’amphithéâtre où il vient depuis plus de 20 ans mais cela faisait bientôt cinq ans qu’il n’était pas revenu pour triompher devant ces pierres bimillénaires. Pour ce premier de la course, Perera fera sa petite vuelta après une faena appliquée face à un premier toro de Margé au look spécial et à la caste fadasse. Perera relève la recette, assaisonne et lance la course sur de bons rails et devant des arènes plus remplies que pour la corrida des artistes du matin.
Quatrième combat et les pensionnaires du fer de Margé, d’origine Cebada Gago, Nuñez del Cuvillo et Santiago Domecq, ne donnent pas encore le jeu espéré. Le ganadero de Fleury (Aude mais un peu Hérault) a-t-il envoyé 3 et 3 ? En tout cas et si le premier de Perera n’était pas marqué du sceau du panache, celui-là avait plus de qualités et de répondant. Un brave qui baisse la tête mais donne le change. Perera sait faire, il se place idéalement et entame fort une faena qu’il finit sans brio. Une oreille.
Clemente étant finalement parti à l’hôpital, le chef de lidia devra donc combattre le sixième exemplaire de la tarde. Et il ne tombera pas sur le pire du lot ! Clemente aurait vu en lui la possibilité de triompher, Perera aussi et il ne le laissera pas passer. Autant sur son deuxième l’Espagnol était sur une pente décroissante, autant pour finir cette course il monte crescendo dans les tours et libère sa créativité dans les terrains restreints mais aussi sur la longue distance. Ses naturelles de droite, ses luquecinas, ses détails que l’on n’a pas l’habitude de voir chez lui font que, malgré la situation, Perera va triompher grâce à un toro qu’il n’aurait jamais dû toucher… Telle est la vie d’un torero. Une grande épée à l’effet immédiat et les deux mouchoirs blancs tombent du palco. Deux oreilles de plus et une sortie par la Porte des Consuls. Qu’aurait pu faire Clemente ? Nous ne le saurons jamais.
Le Mexicain Juan Pablo Sanchez a mûri. L’aficion Nîmoise l’a vu pour le sacrer matador de toros en 2010. Il est revenu jusqu’en 2012 et depuis ? Rien. Son toreo de sentiment est dans le vrai, sa gestuelle, moins fleurie que les habituels maestros américains, demeure ferme et précise tout en laissant quelques fois la douceur et le temple se lier au poder et à la transmission. Hélas pour lui et malgré une envie de bien faire, il ne pourra rien tirer du deuxième exemplaire de la tarde. Un toro plus que compliqué, incompréhensible, cherchant tout le temps et exigeant un placement impeccable. Silence pour Juan Pablo Sanchez que l’on a apprécié revoir.
Cinquième toro, deuxième essai pour Juan Pablo Sanchez qui aimerait appuyer sur le champignon. Ce nouvel exemplaire marqué du fer des Monteilles n’est pas le même que ses trois premiers congénères. Un toro plaisant à voir, un bicho à la charge vibrante et douce, sans genio mais avec un fond de caste bien présent. Sanchez décide de se lancer, exécute une série, la seule de l’après-midi, au capote et se remet en confiance. Il ne veut pas décevoir, il veut se faire plaisir et faire plaisir. Son attention est celle-là et il y arrive en liant une paire de séries d’intérêt. Juan Pablo fait une entame de faena au centre de la piste à genoux. Les gradins le suivent enfin, le Mexicain retrouve le sourire. Une épée et deux descabellos plus tard, le public demande une oreille que le palco refuse car non majoritaire. En effet, le nombre de mouchoirs blancs n'était pas lourds comparé aux vociférationx… Mais dans les arènes, les cris ne servent à rien ! Sanchez fera tout de même une belle vuelta.
Clemente enchaîne sa deuxième corrida… De la journée à Nîmes ! Rappelons ici que lors de la dernière sortie nîmoise des pupilles de Margé, Clemente était déjà là pour confirmer son doctorat. Il avait d’ailleurs triomphé en ouvrant brillamment la Porte des Consuls pour la première fois. On y prend goût paraît-il. Premier toro de Margé, mais troisième pour Clemente en ce 8 juin 2025. Un troisième qui sera finalement son dernier. Comme toujours avec ce torero, on s’attend à quelque chose en piste. Ce toro n’est pas beau, manso sin casta en violent. Ça fait beaucoup… Mais Clément ne se démonte pas et assume sa place. Droiture d’esprit, vision claire, poder rare, rondeur dans le geste, Clemente récite en improvisant. Les étagères ne sont pas dupes et savent cde que ça coûte. Clément va le payer cher dans sa chair. Le toro le prend à l’aine ou au scrotum après une énième série vaillante et esthétiquement plaisante. La blessure ne semble pas le gêner alors que la localisation est spéciale. Clément se fait mettre un bandage serré, il chipe un short en jean et revient en piste pour « défoncer » celui qui l’a blessé. Il revient et pose les genoux à terre en déployant la muleta. Il ne boite pas encore, il fait le job et plus encore. Rien ne laisse paraître qu’il ne reviendra pas et qu’il ira à l’hôpital. Clemente, en héros, prend l’épée de mort, tue son adversaire d’une belle épée dans les règles de l’art. Le public fait chavirer les arènes, une oreille est demandée. Clément ressent la douleur, prend l’oreille sans chichi, salut rapidement, ne fait pas la vuelta et file à l’infirmerie en laissant son trophée sur l’estribo devant le palco (endroit où Perera, brindera son toro « de trop » en mettant sa montera ici en écho à la blessure du Français parti des arènes). Clément, entre ses faenas du matin et cet acte inhumain, s’est gagné sa place à Nîmes et sans doute ailleurs.