Un brindis est un hommage, une déclaration, une déclamation. Francis Wolff, Simon Casas, Zocato, Laure Adler, Éric Dupont-Moretti, Rudy Ricciotti, Nicolas Rey, François Bachy, Jean-Claude Gayssot ou encore Claude Sérillon l’an dernier, les profils sont divers et variés.
Daniel Jean Valade prend la parole, au pied du Temple de Diane et lance la feria. « Nous sommes auprès de la source des origines, au berceau de notre cité. Nous sommes fiers de notre patrimoine désormais labellisé à l’Unesco et donc patrimoine de l’humanité avec des richesses culturelles mondialement connues et reconnues. Madame Georgina Dufoix, intensément Nîmoise, les a valorisées lors de sa présidence de la fondation internationale pour les monuments romains de Nîmes et nous lui en sommes infiniment reconnaissants. Le brindis de cette camisarde dans l'âme, nous fait partager son aficion nîmoise. »
Oui, cette année, c’est Georgina Dufoix qui s’y colle et avec elle l’émotion d’une Nîmoise qui a connu une vie publique et politique pleine, une femme qui a eu une vie pas comme les autres.
À l’organisation de l’événement, l’association des Avocats du Diable. Son président, Eddie Pons (qui expose à l’Atelier de Nicole Bousquet pour la feria mais ne mélangeons pas tout), poursuit, « Au nom des Avocats du Diable qui organisent le brindis depuis tant d'années, je voudrais d'abord remercier le maire, Jean-Paul Fournier, pour sa présence mais aussi à tout ce public qui fait le succès du brindis chaque année. Je suis heureux que Georgina soit là, nous avons pris un café hier elle m’a dit qu’il fallait être folle pour accepter un truc pareil… Je lui ai confirmé car je n’aurais pas accepté ! »
Appelée un peu à la rescousse pour réaliser ce discours important Georgina Dufoix connaît encore suffisamment bien sa ville pour accepter de faire à la dernière minute l’effort d’un texte cohérent avec l’ambiance actuelle.
Moments choisis
« Ma première réaction, quand Jean-Paul Fournier me l'a demandé a été de dire que je ne pouvais pas et puis, au bout de deux jours, je me suis dit je suis complètement cinglée de ne pas dire oui. Cinglée pour cinglée, je suis revenue j'ai dit oui. Je suis vraiment contente d'être avec vous, je suis à la fois contente et honorée, honorée et surprise car je ne m'y attendais pas du tout ! Quand Jean-Paul m'a appelé, il n'y a pas très longtemps, la semaine dernière ou il y a dix jours, je me suis dit que c'était un très grand honneur et une très grande surprise donc je la partage avec vous. »
« Dans la vie, la ville ça bouge, ça se transforme. Mon père est né au 1 boulevard Jean-Jaurès et ma mère aux 2 ! J’ai l'impression d'être un dans leur histoire… À l'époque, le Jean-Jau s'appelait encore l'avenue de Camargue. »
« Avant de commencer, au fond, ce que j'aimerais partager avec vous, je voudrais évoquer trois personnes. D'abord, et c’est normal, Antoine, mon mari. Je pleure un peu mais ce n'est pas grave, il est parti au début de l'année, il a quitté la cité des Antonin pour une vie différente, dans un autre monde, vie que je crois formidable. Mais, il n'est plus là, et ça manque. Heureusement que dans cette famille, celle d’Antoine en plus, ils ont réussi un tour de force extraordinaire ! Dans la même année, 2025, un petit garçon, la semaine dernière, est né au foyer de Camille te Corentin. Ils l’ont appelé Antonin ! La cité des Antonin a perdu un fils, Antoine, elle a gagné un enfant, un autre fils Antonin, ainsi va la vie et la vie est belle, difficile mais belle, merci à la vie ! »
« La troisième personne que je voulais évoquer cher Jean-Paul, c'est toi, simplement toi. Je voulais évoquer cela parce que je pense que ce cette feria des Vendanges est la dernière de ton quatrième mandat. Que de mois, que d'années, que d'heures, que de nuits et que de jours à s'occuper de Nîmes et de nous les Nîmois. À s’occuper de notre bien-être quotidien, de nos petites histoires, de nos grandes histoires, de nos difficultés à vivre ensemble, de nos de nos forces mais aussi de nos faiblesses, car on en a quelques-unes, pas des masses, mais un peu quand même ! Et voilà que tu as réussi ce tour de force à t'occuper de nous pendant tant de temps au détriment de ta vie personnelle, de ta vie familiale, de tes distractions, de ce que peut-être tu aurais pu faire d'autre… Je ne sais pas, dans tous les cas je suis très touchée que la personne Jean-Paul Fournier ait donnée tant de temps à la ville de Nîmes et aux Nîmois ».
« Je voulais vous dire, en fait, je n'avais qu'une seule chose à vous dire, c'était que je vous aimais ! Mais c'est un peu court et une fois que je vous l'ai dit… C’est dit. Comment faire pour dire que j’aime Nîmes et les Nîmois ? A peu près 2 000 idées me sont venues en tête, parfois un peu farfelues ou difficiles à amener jusqu’au bout. Comment ordonner tout ça et finalement je suis tombée sur l’affiche des festivités de la feria ! »
« L’esprit de la fête… Alors je me suis dit qu’au fond, c’était ça mon fil rouge, c'est l'esprit de la fête. Pas seulement une fête car une fête, c'est quoi ? Une fête, quelquefois, c'est bien, quelquefois c'est un peu excessif quand on abuse d'un certain nombre de choses, c'est parfois une certaine violence mais ce n'est pas du tout ça l'esprit de la fête voulu à Nîmes. Qu’est-ce que le fondement de la fête ? »
« Pour moi, l'esprit de la fête c'est d'abord un truc qu'on fait ensemble, on ne fait pas la fête tout seul, c'est triste une fête tout seul, ça n'existe pas d'ailleurs. La fête c'est ensemble, la fête est porteuse d'un vivre ensemble, elle est porteuse d'une joie à être ensemble, ça sera mon premier point. La fête a un esprit d’unité. »
« Ma deuxième direction sera l'esprit de la feria. L'esprit de joie qui va se répandre dans toute la ville et pourtant… Pourtant, le monde est un peu compliqué, pourtant les guerres et les bruits de la guerre sont là, pourtant les gens souffrent, pourtant les peurs s'accumulent. Sommes-nous capables de vivre la joie ? »
« L’esprit d’unité ? Aïe, aïe, aïe… Dans quoi est-ce que je m’embarque ? Dans une ville où on a tous un peu l’esprit de rebroussier ! Est-ce bien, commode ou facile d’être rebroussier et d’être dans un esprit d’unité ? Pas forcément ! Mais c’est ce qui va se passer pendant les quatre jours de feria. On va oublier, peut-être pas complètement car on les gardera un peu dans la tête, nos querelles. On va oublier qu'on s'est battu avec Pierre et Paul, on va oublier qu'on est d'origine de communautés différentes, on va oublier ça, et on va, ensemble, danser dans la rue. Pour moi c'est le symbole de la feria, c'est de pouvoir danser dans la rue danser dans la rue ! C'est se lâcher, c'est oser ne pas marcher à petits pas, c'est oser, vraiment, danser dans la rue. Danser avec qui ? Avec ceux qui sont là, ce ne sont pas les meilleurs amis du monde. Les moments de rythme de la feria, c'est des moments où l'unité est possible. »
« Sur Nîmes, il y a des unités plus difficiles que d'autres. J'en suis issue. Il y a des communautés catholiques et protestantes dont on dit qu'elles se sont bien entendues mais dont je sais qu'elles ne sont pas tout à fait dans un esprit apaisé l'une avec l'autre. Bien sûr, je parle plus avec la communauté dans laquelle je suis née, c'est-à-dire une communauté réformée. C’est vrai qu'il y a encore des cœurs qui souffrent, c'est vrai qu’il y a encore des gens qui ont pris comme identité la souffrance de leurs ancêtres. Ceci est vrai et donc je souhaite et je ferai en sorte que l'esprit qui va souffler sur la feria soit l'esprit d'unité, l'esprit de la joie à être ensemble pour que cela contribue à guérir les cœurs et les mémoires. Je l'appelle de mes vœux et je souhaite que toutes les petites graines d'unité qui vont être semées pendant ces quelques jours qui viennent, deviennent des graines d'unité pour la guérison du cœur. »
« Et puis, il y a un autre domaine où les divisions sont quand même quelquefois assez difficiles, c'est en politique. Comment faire l'unité ? D'ailleurs l'unité, qu'est-ce ça veut dire ? Je crois que la réconciliation, je crois que l'unité est possible. Je suis un peu utopique, peut-être, ou bien un peu rebroussière, je vais un peu contre l’esprit général. Le fait que je sois là, c'est un symbole parfait que la réconciliation est possible. Jean-Paul Fournier a été pour moi un adversaire politique et j'ai été pour lui une adversaire politique, et voilà que je suis ici aujourd'hui à sa demande n'est-ce pas un effet de la réconciliation ? C'est donc possible, pas certain, ça prend du temps, il y a un temps pour tout, mais c'est possible. Je vois dans la salle plusieurs personnes que j'aime et que j'admire, des personnes qui seront candidats aux prochaines municipales, j'aimerais énormément qu'elles n'oublient pas que la réconciliation est toujours possible. On peut ne pas avoir la même idée, on peut s'engueuler carrément, mais la réconciliation est possible. Si les Nîmois sont capables de véhiculer ce genre de d'informations et de réalité, s'ils sont capables de semer ces graines, je crois qu'ils auront un impact beaucoup plus important qu’ils ne le croient. »
« Le goût de l'unité est un goût que nous portons en nous, chacun d'entre nous, que nous voyons se déliter devant nos yeux en France à l'heure actuelle et dans le monde, nous pourrions être porteurs de cette espérance de l'unité et elle ne sera pas vaine, elle rendra des services. L'unité, dans le domaine politique et à Nîmes, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas une diversité ! Il y a une diversité mais pourquoi faire de la diversité une division ? C'est ça que nous apprenons quand on fait la fête ensemble, c'est ça qu'on apprend quand on danse ensemble dans la rue avec des gens qui ne vous sont pas du tout favorables ! Et dans ma vie politique, j'ai eu plein de gens qui ne m'étaient pas favorables… mais c'est tellement agréable de pouvoir boire un coup, de chanter avec eux, de pouvoir danser avec eux. Après, les querelles n'ont pas la même couleur, elles sont différentes, donc, esprit d'unité. »
« Second esprit, l’esprit de joie. On ne peut pas dire que notre pays soit dans la joie, c’est un fait. Je sais que je franchis quelques étapes mais est-ce qu'on peut, face à ça, affronter ces circonstances avec un esprit de joie ? Pas une joie superficielle mais un cœur en joie. Ma réponse est oui ! La rouspetaïre que je suis, la rébroussière que je suis, elle dit que non seulement c'est possible mais qu’en plus c'est souhaitable. Que toutes ces petites graines deviennent des grandes fleurs très belles et très fortes ! Parce que la joie ça va en face de la peur. La joie tue les peurs or, la peur est un poison, c'est un poison complet on en fait plein d'histoires mais c'est un poison. Si vous opposez le cœur en joie à la peur, vous avez une force que les gens qui sont dans la peur n’ont pas ! »
« Il nous faudra célébrer à la fois la possible unité que nous appelons et que nous portons mais aussi célébrer la fête et la profonde joie que nous apporte le fait d'être ensemble dans une ville aussi belle. Merci à Fournier, à ses équipes d’élus et aux fonctionnaires d’avoir été capable de permettre qu'une ville aussi magnifique puisse être aujourd'hui celle de chacun d'entre nous. »
« J’en termine avec une anecdote. Un jour, je suis allée chercher à la gare une Américaine qui venait donner de l’argent pour nos monuments romains. Nous remontions l’avenue Feuchères et j’ai vu cette dame bien habillée et avec ses jolies valises, les yeux pleins de larmes. Je lui ai demandé si ça n’allait pas et elle m’a répondu qu’au contraire elle voyait la résurrection de la ville. Résurrection est un mot énorme qui ne s’emploie pas pour une ville mais je suis reconnaissante de tout cela. Cela nous renvoie à une autre image de nous-même. Nous allons vivre, pendant ces quatre jours tous ensemble, un esprit de joie, un esprit d’unité, alors, les amis, que vive la fête ! »