Publié il y a 6 mois - Mise à jour le 13.10.2023 - Stéphanie Marin - 4 min  - vu 2233 fois

FAIT DU JOUR Crise aux Restos du coeur : "Dire non à des familles, les bénévoles ne sont pas prêts"

Le centre intercommunal de Remoulins a enregistré une hausse de demandes de bénéficaires de 32 % entre janvier et octobre 2023 par rapport à 2022. 

- Stéphanie Marin

Pour la deuxième année consécutive, l'antenne gardoise des Restos du coeur organise une collecte complémentaire à celle organisée tous les ans à l'échelle nationale au mois de mars. Une opération nécessaire - une soixantaine de tonnes de produits collectés en 2022 - pour permettre aux centres d'éviter la rupture de stocks en pleine campagne d'hiver. Au centre intercommunal de Remoulins, une soixantaine de bénévoles sera mobilisée. 

Depuis sa création en 1985 par Michel Colucci dit Coluche, l'association n'avait connu une telle situation. Grave au point d'envisager les Restos du coeur mettre la  clé sous la porte d'ici trois ans, si elle devait perdurer. Le président Patrice Douret lançait au début du mois de septembre un appel à l'aide. Entendu semble-t-il puisque l'élan de solidarité qui s'est formé depuis, l'exercice financier de l'association, fortement impacté par la hausse des coûts de fonctionnement et des denrées alimentaires, a pu être sauvé.

Alain Mauger, 66 ans, co-responsable du centre intercommunal de Remoulins. • Stéphanie Marin

Mais le problème en profondeur n'est pas résolu, d'autant qu'une autre augmentation a été observée partout en France : le nombre de demandes de bénéficiaires. +33 % dans l'ensemble des 23 centres que comptent les Restos du coeur dans le Gard entre janvier et octobre 2023 par rapport à 2022, +32 % au centre intercommunal de Remoulins. Créé il y a quatre ans, cette antenne locale est passée d'une dizaine à près de 100 bénéficiaires en provenance des 16 communes du territoire du Pont-du-Gard et au-delà puisqu'une convention a été signée avec Sernhac, par exemple. Des personnes qui n'ont plus les moyens, ni les ressources, pour joindre les deux bouts. "60 % des familles accueillies aux Restos du coeur se trouvent en-dessous de la moitié du seuil de pauvreté​​​​​​​", indique Alain Mauger, co-responsable du centre intercommunal de Remoulins. 

"Il y a un mal-être chez les bénévoles vis-à-vis des familles"

Chiffres connus car, ouverte à tous à sa création, l'association a, au fur et à mesure de son évolution, mis en place des critères d'éligibilité sur justificatifs : nombre de personnes au sein d'une famille, revenus (y compris aides sociales), charges dont le loyer et cette année la facture d'électricité. "Mais jusqu'à présent, on s'accordait une petite marge. Si le bénéficiaire dépassait de 10, 20, 30 € notre barème, en fonction du niveau d'endettement, on l'acceptait", explique Alain Mauger.

Le centre intercommunal de Remoulins a enregistré une hausse de demandes de bénéficaires de 32 % entre janvier et octobre 2023 par rapport à 2022.  • Stéphanie Marin

Si le sexagénaire fait usage du passé, c'est parce que cette année, cette marge - bénéfique à plus de 20 % des familles accueillies à Remoulins - a été gommée. S'ajoute un ajustement de barème. "On va devoir les refuser cette année, je vous le dis clairement, les bénévoles ne sont pas prêts. Ce sont des personnes qui viennent par bienveillance et devoir dire non à des personnes dans le besoin, c'est terrible, se désole le responsable. Il y a un mal-être chez les bénévoles vis-à-vis des familles, on a l'impression que le contrat moral est rompu."

Évelyne fait partie de ces bénévoles, elle accuse le choc péniblement. "Ici, c'est un centre familial, on prend le temps avec les personnes, on échange des recettes, on parle de choses et d'autres. Ce n'est pas seulement distribuer ou recevoir à manger, c'est un lieu de vie, ça fait du bien aux bénéficiaires, ça fait du bien aussi aux bénévoles. Alors vraiment c'est difficile de se dire qu'on va devoir refuser des personnes, qu'on connaît très bien pour certaines d'entre elles, pour quelques euros en trop dans leur dossier.

L'aide à la personne

Les Restos du coeur, ce n’est pas seulement l’aide alimentaire, mais aussi l’accompagnement des personnes en difficulté notamment dans leurs démarches administratives pour l’accès à un logement, aux aides sociales, au droit, à la santé, aux loisirs aussi. Remoulins compte même un référent micro-crédit. Un service ouvert sans critère d’éligibilité.

La campagne d'inscription pour la campagne d'hiver sera lancée à Remoulins le 28 octobre. 30 bénévoles se passent le relais pour acccueillir et assurer la distribution de denrées dans un local étroit dont le loyer charges comprises est fixé à 800 €. "L'aide des communes nous permet de payer un peu plus de la moitité, le reste est à la charge du siège." Rappelons que lors du dernier conseil municipal, les élus remoulinois ont voté une subvention exceptionnelle de 1 500 € au profit des Restos du coeur. Reste à approvisionner les stocks, et espérer ne pas se trouver en situation de rupture "comme ça a pu être le cas l'été dernier."

Les produits sont distribués en fonction d'un système de points.  • Stéphanie Marin

Et là encore, pour assurer un service en continu, Les Restos du coeur ont anticipé et modifié leur processus de distribution organisé sous forme de points. Prenons l'exemple d'une personne seule. Elle bénéficie de 9 points par semaine pour chacune des quatre familles de produits proposées : les protéines, les accompagnements, les produits laitiers, les desserts. Dans chacune de ces familles, chaque produit vaut un nombre de points, 4 points pour un paquets de pâtes de 500gr par exemple. Pour cette campagne d'hiver, le système a été revu... à la baisse en nombre de points. Le bénéficiaire n'aura plus que 6 points. Toutefois la cotation des produits restera, elle, inchangée. En résumé, les paniers seront moins importants. 

D'où proviennent les denrées alimentaires ? 

Il y a d'abord les dons structurés à l'année, mais aussi les occasionnels, les invendus d'un agriculteurs, d'un fromager par exemple. Et puis, les commandes achetées et négociées auprès de fournisseurs. "Dans ce cas-là forcément, les négociations ont été revues à la hausse. Ça représente plus de 2 000 tonnes de produits par an pour le département", insiste Alain Mauger. S'ajoutent la dotation de l'Europe, pour un certain nombre de produits, désormais sous forme d'enveloppe financière. Mais, là encore, l'inflation a un impact sur la quantité. Les dons de particuliers sont donc essentiels.

Une grande collecte départementale est organisée ce week-end dans les petites, moyennes et grandes surfaces.  • Stéphanie Marin

À la collecte nationale du mois de mars, s'ajoute une opération organisée par les antennes départementales. Dans le Gard, elle se déroule ces vendredi 13 et samedi 14 octobre. "En 2022, nous avons ainsi pu récolter une soixantaine de tonnes de produits, c'est considérable", souligne le co-responsable du centre de Remoulins. À cette occasion, une soixantaine de bénévoles sera mobilisée sur son secteur, dans les commerces suivants : Lidl de Remoulins et Rochefort-du-Gard, Intermarché de Montfrin, Carrefour du Pont des Charettes à Uzès.

Les magasins Utile de Sernhac et Marcel & fils d'Uzès participeront également à cette opération tout au long du week-end. "Nous avons bien sûr besoin de tous les produits, mais la priorité est à l'alimentaire, avec les boîtes de pâtés, les conserves de poissons etc. Les protections féminines et les produits pour bébé sont aussi intéressants. Ce qu'il faut se dire c'est que ça n'arrive pas qu'aux autres, il suffit d'un rien parfois pour tomber."

Stéphanie Marin

Beaucaire

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