FAIT DU JOUR Laurent Passe, ébéniste designer, élevé au rang de Maître artisan d'art
Laurent Passe, ébéniste designer spécialisé dans le recyclage de bois anciens - précurseur même en la matière - défend depuis plus de 20 ans un savoir-faire singulier et la nécessité de le transmettre.
"Pourquoi est-ce que je suis installé à Beaucaire ? Parce que je suis Beaucairois. Je n'allais tout de même pas m'installer à Tarascon !" L'homme est rieur et taquin. Jolie parade en réponse au principe de répétition qu'il pardonne assez facilement, toujours sur le ton de l'humour : "Il est vrai que je suis plus connu à Paris qu'à Beaucaire !" Ni chauvin ni prétentieux, Laurent Passe, 50 ans, a dû se retrousser les manches pour faire de sa petite entreprise une référence dans le monde de la décoration et du design.
Ce Beaucairois - donc - crée son premier atelier de restauration de mobilier à l'âge de 16 ans, avec pour seuls bagages, un certificat d'aptitude professionnelle et un brevet d'études professionnelles en menuiserie. Trois ans plus tard, il rejoint un Compagnon du devoir à Raphèle-lès-Arles et se spécialise dans la restauration de matériaux anciens, avant de créer, à l'entrée de la vingtaine, sa première société, en s'associant à l'entreprise Provence matériaux anciens, installée à Comps. Laurent Passe se spécialise alors dans la rénovation de portes anciennes. Mais en 2003, "j'ai tout perdu lors des inondations, il a fallu tout recommencer", se souvient-t-il.
"Une vraie démarche intellectuelle, celle d'ouvrir les consciences au recyclage"
Tout seul cette fois-ci, même s'il conservera d'excellents rapports avec ses anciens associés. L'artisan lance un nouvel atelier, toujours à Comps, développe une nouvelle activité, la rénovation de mobilier. S'ensuivra la création de cuisines et d'ameublement intérieur à partir de matériaux anciens recyclés et avec le bois comme matière principale.
Des pièces uniques qu'il dessine en fonction des envies, des demandes de ces clients. Ce qui fait de cet homme un artisan, de part sa maîtrise de la gestion de la matière, mais aussi un artiste, "car cette matière, je la fait rentrer dans un dessin". Le quinquagénaire poursuit : "Chaque projet demande une réflexion très particulière en termes de création." Pour s'inscrire parfaitement dans un cadre spatial précis mais aussi et presque surtout sublimer la matière première en stock, plus difficile à dénicher que ce que l'on pourrait penser.
Face aux difficultés, l'homme n'est pas de ceux qui se laissent abattre. Ces bouts d'arbres transformés en planches à fromages, en planchers pour wagons, de granges, etc., il se les procure grâce à un solide réseau de partenaires constitué au fil des années. "Au-delà de la création, mon travail est le résultat d'une vraie démarche intellectuelle. Celle d'ouvrir les consciences au recyclage, de lui donner une identité visuelle autre, plus qualitative que celle des années 80 qui se rapprochait plus de la brocante améliorée", défend Laurent. Le message semble passé aujourd'hui - quoique -, mais il y a 20 ans en arrière, le recyclage n'était ni à l'ordre ni au goût du jour.
Et pourtant, pour l'ébénéniste, fils d’antiquaires, c'était déjà une évidence. Le voilà, plongé dans ses souvenirs d'enfance. "Mon grand-père venait me chercher à l'école et nous allions aux escoubilles (à la déchetterie, NDLR). On ramassait plein de choses et il me fabriquait des jouets comme ça." lI n'en faut pas plus pour susciter des vocations même si elles ne correspondent pas à l'air du temps. Il suffit d'y croire et d'un peu de patience. La preuve.
Depuis quelques années, l'artisan perfectionne la technique shou sugi ban (*) qui permet de teinter et protéger le bois par le feu et non par des produits synthétiques. On lui prête désormais des inspirations aux œuvres de Pierre Soulage, pour présenter ses aménagements de cuisine au bois brut noir, devenus très tendances. "Seul le temps peut donner à la matière cette texture si particulière, marquée de reliefs. Nous pouvons aussi travailler le bois, pour ne laisser apparaître que les veines en le rabotant", explique Laurent.
Très bonne presse dans toutes les revues spécialisées
Depuis 2012, le Beaucairois a installé un hall d'exposition dans lequel il présente une partie de ses créations, sur ses terres natales, le long du canal du Rhône à Sète, côté Quai de la Paix, tout près de la passerelle dont il a d'ailleurs utilisé les planches qui avaient été retirées pour en faire une commode. Désormais son entreprise compte sept salariés et trois apprentis.
Sa clientèle se situe un peu partout sur toute la partie sud du pays, parmi laquelle figure l'animatrice de télévision Karine Le Marchand, propriétaire du domaine des Belles âmes à Aix-en-Provence. Quelques-unes de ses réalisations, des portes anciennes, ont aussi fait le voyage jusqu'à Paris, Londres, Copenhague, New York ou encore Hong Kong, etc., pour les besoins des magasins de la marque de prêt-à-porter Ba&sh.
Laurent Passe Design a très bonne presse dans toutes les revues spécialisées. Une belle reconnaissance pour un savoir-faire qui a quasiment disparu, notamment à Beaucaire "où on comptait 35 d'ébénistes dans les années 70". Les ateliers Aillaud, devenus une friche aujourd'hui au cœur d'un projet de rénovation mené par la communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence, employait une trentaine de personnes. "L'industrie a pris le dessus sur le fait à la main", commente notre interlocuteur. Sans qu'elle ne soit inversée, la tendance s'équilibre. La vigilance reste, quant à elle, toujours de mise.
Mais ce trophée posé sur la commode nommée Mademoiselle K devrait peut-être le rassurer. Il s'agit du titre de Maître artisan d'art qui lui a été remis par le président de la chambre de métiers et de l'artisanat du Gard, Xavier Perret, en ce début d'année 2024. Laurent Passe, qui n'aura eu à candidater qu'une seule fois, fait donc partie des 598 artisans à avoir décroché la plus haute distinction de l'artisanat à l'échelle régionale. Une belle récompense pour tout le travail accompli jusque-là par ce chef d'entreprise et son équipe.
Un précieux passe aussi, qui ouvre certaines portes et pourrait lui permettre "d'aller chercher des subventions". Notamment le prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la main dont la dotation est fixée à 50 000€. Une des créations du designer pourrait également figurer dans la sélection de Mobilier National, établissement public qui vient en soutien des métiers d'art et de la création depuis le XVIIe siècle, et ainsi se retrouver pourquoi pas à l'Élysée ou dans un autre patrimoine immobilier de prestige appartenant à l'État. Touchons du bois...
* Le yakisugi ou shou sugi ban en Occident est une technique de protection du bois originaire du Japon. Elle s'obtient en brûlant profondément la surface d'une planche de bois. Le matériau ainsi obtenu est réputé plus résistant au feu, aux insectes et aux champignons.
Fédérer, un autre projet
Regrettant un manque de communication entre chaque ébéniste, Laurent Passe aimerait, dans les années à venir, créer comme cela est le cas par exemple pour les marbriers, une confédération. "Le but serait de pouvoir échanger entre nous, pour apprendre à se connaître, à s'entraider plutôt que de rester chacun dans notre coin, avec chacun nos problèmes", explique l'artisan beaucairois.
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