Publié il y a 1 an - Mise à jour le 17.09.2023 - Anthony Maurin - 5 min  - vu 2258 fois

NÎMES EN FERIA El Juli pour l’éternité, Rufo pour réfléchir et Solalito pour l’avenir

Sortie en triomphe par la Porte des Consuls pour El Juli et par celle des Cuadrillas pour Tomás Rufo, Solalito est reparti à pied mais avec le sentiment du devoir accompli (Photo Anthony Maurin).

Corrida de Victoriano del Rio pour l'alternative de Solalito (vuelta et oreille), la despedida d'El Juli (oreille et deux oreilles) à Nîmes et Tomás Rufo (deux oreilles et salut). Après 51 paseos dans cet amphithéâtre El Juli est sorti une 12e fois par la Porte des Consuls.

C’est fini… La feria des Vendanges cru 2023 a tiré sa révérence et l’on devra attendre plusieurs longs mois avant de revoir des toros sur le sable nîmois. Pour assurer une belle clôture il faut des toros qui servent ou qui cognent. Simon Casas, jour de despedida mais aussi d’alternative, a opté pour les premiers. Les Garcigrande devaient venir mais l’épisode sanitaire a empêché le voyage. Alors Simon Casas a dû se rabattre sur des Victoriano del Rio de belle tenue et de bon comportement. Autre manquant au cartel originel, Morante de la Puebla, blessé au poignet, a laissé sa place à Tomás Rufo, moins taquillero mais tout aussi agile les trastos en mains.

Pecho de Solalito sur son toro d'alternative (Photo Anthony Maurin).

Solal Calmet, Solalito est devenu un matador de toros. Un rêve se réalise pour le jeune nîmois. Un rêve qui s’est concrétisé grâce au travail et qui ne prendra tout son sens que grâce au travail qu’il reste à fournir à Solal. Un enfant de Nîmes est devenu grand, il veut l’être encore plus et il a les moyens de ses ambitions. Avec son toro d’alternative nommé Candidato, Solal essaie de montrer sa tempérance d’un côté et sa fougue d’un autre. La schizophrénie des toreros ! Solal joue maintenant dans la cour des grand, son parrain n’est autre que le Juli (qui devait être son témoin). Un travail sérieux, un tercio de banderilles dont il s’occupe lui-même et une faena sérieuse mais sans étincelle. Deux envois à l’épée et le trophée s’envole. Les étagères auraient pétitionné mais les mouchoirs sont arrivés trop tardivement. Vuelta largement méritée.

Entame de faena dans le dos pour Solal au sixième de la course (Photo Anthony Maurin).

Son deuxième toro, le dernier de la course, permet autre chose et Solal ne le laisse pas passer. Il sait qu’il doit être constamment irréprochable, qu’il doit se montrer plus que jamais pour s’assurer quelques places aux cartels des ferias 2024. L’hiver vient et Solal doit étaler son savoir-faire pour marquer les esprits des empresas comme de l’aficion. C’est ce qu’il fait en coupant enfin cette précieuse oreille. Il aura bataillé pour la faire tomber du palco ! Solal est allé gagner ce trophée à fore de labeur et de ténacité. On l’a vu à son aise au capote, plein d’alegria aux banderilles et appliqué avec la muleta. Le jeune écoute son apoderado, Luisito, avec intérêt et prend nombre de ses conseils. Solal débute. Le chemin fut long pour le passionné qu’il est mais pour le matador de toros qu’il est devenu le but des temporadas à venir sera de faire toujours mieux. Mucha suerte, Nîmes sera là !

El Juli à droite dans la verticalité (Photo Anthony Maurin).

Le Juli a marqué Nîmes plus que bon nombre de maestros. L’enfant chéri de la cité des Antonin y a connu aussi de terribles moments et quelques broncas mais dans l’ensemble on ne se souviendra que des bons souvenirs.

Par exemple celui de le voir défiler tout petit sous la bulle ou encore le jour de son alternative le18 septembre 1998 ici même des mains de José María Manzanares père, avec José Ortega Cano et des toros de Daniel Ruiz. Cet élevage l’a suivi tout au long de sa carrière. El Juli, en 2022, c’est 40 corridas toréées, 48 oreilles et 2 queues coupées. En piste et vivement salué par les tendidos, le Madrilène tombe le masque et montre qu’il demeure humain, sensible. Il est ému. Avec son premier et malgré les conditions complexes, Julián López Escobar « El Juli » coupera deux oreilles pas franchement imméritées. Face à lui le mansito de Victoriano demande les papiers et il ne fallait pas moins qu’El Juli pour faire décanter la situation. C’est dans ce genre de moment qu’on se rend compte du savoir illimité du maestro… Et pour ceux qui s’apprêtent à chambrer en parlant de la mise à mort, chut… Pas de Julipié pour cette fois ! Un plaisir de retrouver le Juli dans les bons terrains et tout au long d’une faena. Quoi qu’on en dise, il va forcément manquer à l’aficion.

El Juli aux banderilles ! Olé maestro ! (Photo Anthony Maurin).

Dernier toro pour El Juli en tant que matador de toros à Nîmes. Dernière vision d’un aigle qui fond sur sa proie. Derniers bruits, dernières images, dernière course ici. C’est le film d’une vie entière qui défile aussi bien chez l’aficionado qui a voulu être présent que chez le maestro qui se remémore les bons et les moment plus chaotiques (notamment avec le vent) de la carrière de l’Espagnol. Mais tout cela est maintenant du passé. Avec ce toro de Victoriano El Juli composera comme il peu mais n’arrivera pas au même résultat que tout à l’heure. Plus heurté et moins suave, son toreo retombe un peu dans les travers qu’il a connu ses dernières années. Mais le public nîmois se souvient et ne laisse pas son maestro sortir par la porte des Cuadrillas, non, El Juli sortira bien une dernière fois par celle des Consuls en coupant une oreille de plus, celle de l’amour d’un peuple entier.

L'accueil par Tomás Rufo de son premier Victoriano del Rio (Photo Anthony Maurin).

Tomás Rufo qui, nous vous le rappelons, ne devait pas figurer au cartel de cette course même s’il avait indulté un toro à Nîmes en 2022 s’y retrouve finalement et fait fort d’emblée. Nul ne l’avait vu venir mais le diestro est chaud comme le sable de la piste. Intelligent et techniquement abouti, son toreo permet de la transmission et offre à voir de belles choses, notamment avec la muleta. À droite comme à gauche, dans les terrains éloignés ou dans les cornes, Rufo devient peu à peu un torero de Nîmes. Il touche un toro qui est fait pour le triomphe et il ne le laissera pas passer, signe des grands. Deux oreilles sérieuses pour un travail d’orfèvre et une épée… Quelle épée ! Remarquez, pour un natif de Tolède c’est normal ! Un vrai plaisir de revoir ce jeune qui sera sans doute appeler à revenir au moins une troisième fois pour un nouveau triomphe.

La classe de Tomás Rufo (Photo Anthony Maurin).

Tomás Rufo aura droit au second sobrero, un de Virgen Maria car El Juli avait déjà pris un sobrero du fer de Victoriano à son premier passage. Un toro français compliqué, malin et à la tête chercheuse. C’est aussi dans ce genre de situation qu’on se rend compte du calme et de l’aplomb qu’il faut pour être matador de toros. Rufo comprend que la guerre débute mais le bon soldat part au feu. Il se met dans les cornes, tire une à une le maximum de passes et avance toujours un peu privant de réflexion son adversaire qui se retrouve acculé. Salut mérité pour un maestro au toreo varié.

Sortie en triomphe par la Porte des Consuls pour El Juli et par celle des Cuadrillas pour Tomás Rufo, Solalito est reparti à pied mais avec le sentiment du devoir accompli (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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