Nîmes
Publié il y a 11 mois - Mise à jour le 26.03.2023 - Anthony Maurin - 6 min  - vu 1020 fois

NÎMES Le symbolisme de Raysse et 200 ans de collections au Musée des Beaux-Arts

Une partie de l'expo Martial Raysse (Photo Anthony Maurin).

Le Musée des Beaux-Arts organise une double exposition jusqu'au 3 décembre.

Martial Raysse, vous connaissez forcément l'artiste à défaut de son nom. Si vous aimez vous balader dans les rues de la cité des Antonins, c'est à lui que l'on doit les places du Marché et d'Assas.

Une partie de l'expo Martial Raysse (Photo Anthony Maurin).

"C'est le premier feu du feu d'artifice !", sourit Pascal Trarieux, conservateur du Musée des Beaux-Arts. Et pour cause, en deux expos, son musée offre de belles choses à voir. "1823-2023 / 200 ans de collections" dans le cadre de la candidature de la Maison carrée au patrimoine mondial de l’Unesco et "Martial Raysse" dans le cadre des 30 ans de Carré d’Art Jean Bousquet.

Pascal Trarieux (Photo Anthony Maurin).

Commençons par Raysse. Le Musée des Beaux-Arts, avant que Carré d'Art ne soit créé, accueillait les expositions d'art contemporain. Mais avec l'arrivée de Bob Calle et des programmations ambitieuses comme l'exposition James Turrell, on est monté d'un cran. "Martial Raysse a été l'un des artistes les plus importants de 'l'expérience Nîmes' que le maire de l'époque, Bousquet, voulait faire vivre aux visiteurs." Aujourd'hui, sept oeuvres majeures de l'artistes sont ainsi proposées.

Le Musée des Beaux-Arts (Photo Anthony Maurin).

Un artiste dans la ville, tel était l'intérêt d'une telle commande. Surtout pour les places de la ville. D'ailleurs et si vous voulez en savoir plus sur la symbolique des deux places, rendez-vous cet été avec l'office de tourisme et ses visites guidées de juillet et août.

1988, la place du Marché

La fontaine de la place du Marché, commandée en 1986 par la ville de Nîmes, est inaugurée le 14 février 1988. Réalisée avec la collaboration du sculpteur italien Vito Tongiani et reprenant les armoiries de Nimes (le crocodile et le palmier), cette fontaine en marbre est composée d'une colonne tronquée, symbolisant le palmier, d'un crocodile en bronze qui pleure (ayant brisé sa chaine, il a quitté le palmier et s'est ainsi libéré de la symbolique originelle des Armoirie), d'une aigrette et d'un échassier qui porte un petit enfant sur le dos (disparus).

Le musée maintenant et avant... (Photo Anthony Maurin).

Cette fontaine s'est faite autour d'une lecture des armoiries de Nîmes à un degré symbolique plus avancé. Le palmier signifie touiours le jaillissement, la lumière, la montée, l'aspiration ; il correspond à une vision supérieure de l'individu. Le crocodile est un animal qui, depuis la plus haute Antiquité, par son habitude de vivre de cadavres et pourritures, est associé aux idées de mal et de mort.

Les armoiries ont pour cela une très belle signification, celle de l'instinct bestial, qui a pour corollaire la mort de l'esprit et la mort tout court. L'instinct bestial est bridé au sens propre du terme par la chaîne à l'élévation de l'esprit. Au centre de la fontaine s'inscrit une colonne tronquée, image de la mort, mais l'eau jaillit de la colonne en signe de résurrection. Le cycle dénoué se renoue, la fontaine devient un acte positif.

En bas, Sur la route de Perdroux (1976)et Le joyeux moissonneur (1980) de Martial Raysse (Photo Anthony Maurin).

Cette fontaine est à l'image des paysages de Camargue, où d'immenses marécages abritent des oiseaux aquatiques et des échassiers, et s'inspire des légendes avec un elfe posé sur les ailes d'un oiseau. Sur la base de la colonne est disposée une ceinture de métal qui porte des signes, dont deux termes grecs placés en exergue

Le premier « adiaphoria », est en quelque sorte la devise des stoïciens, c'est la confiance en soi appréhendée comme valeur essentielle, mais dans la mesure où cette confiance en soi ne vise pas au profit personnel. Le second « arete », est un terme qui sous-tend toute l'histoire grecque. Il exprime la notion d'avoir à agir en toutes circonstances avec excellence.

Tunnel, une oeuvre sombre, des débuts de l'artiste (Photo Anthony Maurin).

Mais il dit aussi, soucieux de ne pas trahir la lecture du langage symbolique: "Le propre de la symbolique c'est de demander un effort personnel afin d'apprendre dans un sens bénéfique. Donner une lecture ex-abrupto risque souvent de dénaturer le sel efficace de l'aventure."

1989, la place d'Assas

Pour Pascal Trarieux : "C'était ambitieux, l'essentiel était de donner des références de la culture savante pour évoquer les connaissances. Toutes ces références créent de la culture, c'est un espace urbain à part entière. C'est aussi un point de transition entre la source de la Fontaine et le Carré d'Art, Raysse y laisse de nombreux symboles." La place d'Assas, dont l'aménagement avait été commandé à Martial Raysse en 1987 par la ville de Nîmes, est inaugurée en 1989.

La source... de Martial Raysse bien sûr (Photo Anthony Maurin).

De part et d'autre de la place, l'artiste a placé deux fontaines, deux têtes géantes en pierre : Nemausa (le principe féminin, la source, la nymphe) et Nemausus (le principe masculin, le dieu guérisseur, la force mâle de la ville).

L'entrée du Musée des Beaux-Arts de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Au centre, situé entre ces deux sculptures reliées par une circulation d'eau, apparaît le monument principal : le portique de la Source de l'Étoile, composé de quatre colonnes de marbre portant une étoile de bronze à cinq branches, inclinée, d'où la source découle, et de deux statues de bronze, homme et femme également, qui symbolisent le Jour et la Nuit, les bras en avant tournés vers le couchant ; l'homme reçoit l'eau du sommet du portique dans ses mains tandis que la femme la fait naître de sa paume gauche et rebondir sur sa paume droite.

Au nord de la place se trouve un tumulus de pierres sèches planté d'oliviers sur son sommet, et parsemé de petites têtes, moulages de statues celtes et romaines du patrimoine nîmois. Assis sur ce tumulus un petit personnage en bronze lit un Livre de sagesse.

Pascal Trarieux (Photo Anthony Maurin).

Sur les parapets qui délimitent la place sont inscrits de nombreux signes et symboles dont ceux de l'Effort (un homme qui gravit des marches) et de l'Equilibre (un homme dans un cercle), les mots "SATOR" et "ROTAS", le carré magique dit de Mars (pour Martial) et l'équerre de la Loi maçonnique. Sur les parapets des trémies sont disposées les figures d'un bestiaire symbolique nîmois propres à l'artiste.

La suite de l'exposition...

Après quelques centaines de mètres en ville, retour à l'exposition du Musée des Beaux-Arts. D'une autre grande exposition parisienne de Raysse en 1968 et nommée 3 jours, 3 Martial Raysse sont tirées sont exposées à Nîmes deux des plus importantes. Monik I et Guézé I.

Guézé et Monik (Photo Anthony Maurin).

"Raysse a commencé dans les années 1960 à Nice en voulant remettre la société à plat en contestant les musées. Il s'empare de la modernité courante et utilise des néons, des poubelles, des conditionnements en plastique.... Avec la volonté de trouver une figure passe-partout, un humain. En tout cas avec ce carton serti c'est le cas mais d'autres y voient la coupe d'un rail de chemin de fer", explique Pascal trarieux.

Nemausa... le coeur dans la main (Photo Anthony Maurin).

"Nous avons choisi de présenter une reproduction du néon pour sa durabilité dans l'exposition. Mais il y a un autre néon, encore plus ancien car réalisé en 1964 dans l'oeuvre intitulée Tunnel. On y voit une toile de lin, de la peinture à l'huile très sombre pour Raysse mais nous sommes au début de sa carrière. Il y a greffé un tunnel en néon que nous vous présentons."

1823-2023, 200 ans de collections

Plus petite mais aussi intéressante, cette exposition est faite d'alcoves qui font remonter le temps. On démarre dans les années 1980 avec l'informatique et la sauvegarde numérique des oeuvres que compte le musée nîmois dans ses fonds. C'est Pascal Trarieux himself, accompagné d'une collègue disparue depuis, qui s'en charge. Les jeunes rigoleront un peu en voyant les outils informatiques de l'époque !

Aïe aïe aïe... Le temps passe ! (Photo Anthony Maurin).

Puis, place à la mosaïque, pièce majeure du musée qui a été construit pour et autour d'elle. "Le mariage d'Admète a été mise au jour sur le chantier des Halles à la fin du XIXe siècle. Vous voyez une photo de l'état d'origine, puis une photo alors que la mosaïque est restaurée. Vous les avez aussi en gouache.."

Le musée de la Maison carrée (Photo Anthony Maurin).

Parler de musée à Nîmes impose d'évoquer le plus célèbre... Non, pas le Musée de la Romanité, mais bel et bien la Maison carrée elle-même. Ennfin, on poursuit et termine sur les débuts de l'actuel musée. Une chaise d'époque, une peinture représentant les lieux et, sur la chaise, posée une veste signée Cacharel et qui était arborée, sous Bousquet, par les agents du musée. Le règlement intérieur vous réservera quelques belles surprises, alors lisez-le ! 

L'histoire du Musée (Photo Anthony Maurin).

Enfin et pour terminer en beauté cette visite, passez par la table tactile qui met à disposition toutes les ressources iconographiques et l'histoire de tout ce que vous aurez vu... Bonne visite ! 

La table tactile (Photo Anthony Maurin).

Le Musée des Beaux-Arts, rue Cité Foulc à Nîmes du mardi au dimanche de 10h à 18h. Ce dimanche 26 mars à 15h est prévu un concert baroque avec pour thématique "Les mots sensibles ou le mouvement des émotions" avec Scarlatti, Campra ou encore Haendel en voix, flûtes à bec et violes de gambne par l'ensemble Hypothesis trio (réservation au 0466767182 pour un tarif de 5 euros).

Anthony Maurin

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