L’INTERVIEW Claire Lapeyronie : « Valère Segal enterre petit à petit la ville »

L'ex-maire de Pont-Saint-Esprit Claire Lapeyronie
- Thierry AllardIl y a un an, Claire Lapeyronie était sèchement battue à l’élection municipale partielle intégrale de Pont-Saint-Esprit.
Depuis, la conseillère régionale est devenue élue d’opposition au maire Valère Segal, qu’elle n’épargne pas, l’accusant de « prendre les Spiripontains pour des idiots. » L’ancienne maire de Pont-Saint-Esprit a aussi pris le temps de tirer les enseignements de sa défaite et se livre à un mea-culpa, sans écarter l’idée de jouer un rôle aux municipales de 2026. Interview.
Objectif Gard : Nous sommes un an après votre défaite dès le premier tour de l’élection municipale partielle intégrale de Pont-Saint-Esprit. Dans quel état d’esprit êtes-vous, un an plus tard ?
Claire Lapeyronie : Même si être maire, c'est à 200 %, 24/24h, 7/7j, ce n’est pas un métier, c’est une fonction. La vie continue. J’ai plus de temps personnel, je me suis remise au sport, je consacre plus de temps à ma famille, à mon métier, que j’ai toujours continué même quand j’étais maire, j’ai repris plus d’heures de cours (Claire Lapeyronie est professeure d’anglais au collège George-Ville, NDLR). Et j’ai toujours mon engagement politique à la Région en tant que conseillère régionale dans la majorité de Carole Delga, je suis présidente de l’Établissement public foncier Occitanie et je suis fortement mobilisée au sein du conseil municipal. Je vis à Pont-Saint-Esprit, moi, et je vis la ville, je suis une vigie en faveur des Spiripontains.
Quel bilan tirez-vous de ce qu’il s’est passé il y a un an ?
J’ai analysé le scrutin, pour comprendre ce qui a péché. Ce scrutin s’est joué sur la sécurité, la propreté et la santé. Je ne pense pas qu’on ait sous-estimé ces problématiques. Sur la sécurité, je persiste et signe, la ville était déjà très bien dotée, avec une gendarmerie neuve, 51 caméras quand je suis partie, nous en avions prévu deux de plus, et 12 policiers municipaux. La majorité actuelle a annoncé de nouvelles caméras, mais le maillage est suffisant. Et sur les embauches pour la brigade de nuit de la police municipale, je me pose la question : que font ces policiers municipaux de minuit à 3h, alors qu’à ces heures, c’est plutôt calme. C’est de l’affichage sur le dos du contribuable Spiripontain.
Sur les poubelles, je pense que là, j’ai manqué de vigilance dans la préparation de la redevance incitative, j’ai fait confiance à l’Agglomération. Sur cette problématique, on n’a pas été bons, et quand ça ne marche pas sur les poubelles, l’administré ne va pas voir le président de l’Agglomération, mais le maire.
Et sur la santé, nous avons travaillé de longue date avec la Région, je me suis battue pour avoir cette solution de médecins salariés au sein de l’hôpital. C’était une solution toute faite, que l’équipe d’après n’a pas souhaité mettre en œuvre. Valère Segal a eu une position dogmatique et a préféré aller piquer les médecins de Saint-Julien-de-Peyrolas. C’est un choix.
« Valère Segal avait un tapis rouge. C’est un mystère »
On a aussi beaucoup parlé d’un projet que vous aviez initié, le nouveau collège, dont l’équipe en place refuse de payer le terrain.
Ce qui est incompréhensible, c’est que nous avions travaillé d’arrache-pied pour préparer les gros dossiers et assainir les finances. En 2024, elles étaient enfin saines à Pont-Saint-Esprit, alors qu’on partait de loin. Les projets étaient prêts à être lancés, comme le collège et l’arrivée de médecins, et Valère Segal n’avait qu’à dérouler. Il avait un tapis rouge, et il a dit non à ces solutions qui étaient prêtes. C’est un mystère. On perd du temps et Valère Segal enterre petit à petit la ville, il a déjà réussi l’exploit de s’isoler de tous nos partenaires. Pont est dans une position de repli. Le maire n’a pas de projet.
Lui dit que ces solutions étaient, l’une comme l’autre, trop chères.
Il y a un mensonge global, une mascarade sur les finances de la ville. Ça a commencé lors de la réunion publique fin octobre, lorsque le maire a fait peur, a tétanisé les Spiripontains en leur disant que la ville était ruinée, que les caisses étaient vides. Or, on l’a vu au dernier conseil municipal avec le vote des comptes administratifs, il y a un résultat de plus de 6 millions d’euros en 2024. Ce mensonge lui coûtera. Il faut qu’il arrête de prendre les Spiripontains pour des idiots. Si j’ai une fierté, c’est d’avoir assaini une bonne fois pour toutes les finances de la ville, d’avoir valorisé la culture et le patrimoine, les animations. Mais ce qui explique aussi les résultats de 2024, c’est que je n’ai pas assez communiqué sur le récit global du projet que je portais avec mon équipe. Les projets, comme l’Hôtel-Dieu, sont de plus en plus complexes, c’est du temps long, c’est parfois difficile à expliquer.
Avez-vous des regrets concernant l’éclatement de votre majorité fin 2023, qui a provoqué cette élection municipale de 2024 ?
Oui bien sûr, mais on ne peut pas refaire l’histoire. Il y avait des tensions importantes au sein de l’équipe, autour notamment du directeur général des services. Avant le retrait des délégations aux « dissidents », en 2023 des élus étaient partis car ils n’en pouvaient plus de cette atmosphère. Je n’ai pas assez fait de management d’équipe. Manager une équipe avec 25 caractères bien trempés, ce n’est pas simple, et quand il y a des tensions, les egos prennent le dessus sur le collectif et ça ne passe plus. Il y a eu des incompréhensions, des maladresses, des erreurs de ma part. Avec le recul, je pense que ce qui a créé les tensions a été le niveau d’engagement de chacun, qui n’est pas forcément le même, même si je pense que j’avais une équipe engagée. Il s’est passé ce qu’il s’est passé, mais ce qui me désole aujourd’hui, c’est que les spiripontains n’auraient sans doute pas imaginé qu’en votant pour la liste de Gérome Bouvier, on en arrive à un tel désastre aujourd’hui.
« Je ferai tout pour qu’il y ait une alternative en 2026 »
Quand vous pensez aux municipales de 2026, vous voyez-vous y jouer un rôle ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il faut une alternative à Valère Segal. En tant que conseillère régionale, je tourne pas mal sur le terrain, et on me pose régulièrement la question en grimaçant : « Mais qu’est-ce qu’il se passe à Pont ? » On assiste à un recul délétère de la ville, et il ne faut pas dégrader la fonction de maire comme Valère Segal la dégrade, comme lorsqu’il traite un maire du canton de « sourd ou d’incompétent ». Un maire ne devrait pas dire ça. Mais cette alternative ne peut pas être le RN qui désespère les gens et n’apporte pas de solution. Personnellement, je ne serai pas un obstacle, je ferai tout pour qu’il y ait cette alternative en 2026. Il faut un projet réaliste, capable de répondre aux enjeux de 2030, un projet solidaire, où les egos et les personnes passent derrière le projet. Je ne ferai pas obstacle à ça, et si je peux jouer un rôle dans cette deuxième renaissance de Pont, je prendrai toute ma part.