L’INTERVIEW Mathieu Manetti, secrétaire adjoint SUD : « Pas d’économie sur le dos des pompiers ! »

Mathieu Manetti
- Coralie MollaretSuite à l’interview du président du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours), le syndicat majoritaire Sud tire la sonnette d’alarme. Dans son viseur : le respect des accords sur la hausse du nombre de pompiers professionnels, et leur implication dans l’élaboration du règlement opérationnel.
Objectif Gard : Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous vous présenter ?
Mathieu Manetti : Je suis secrétaire adjoint du syndicat Sud chez les pompiers du Gard, responsable des relations publiques. J’ai 35 ans, je suis né à Nîmes. Arrivé chez les pompiers en 2006, je suis devenu professionnel quatre ans plus tard. Je suis un pompier de terrain. Mon engagement syndical avec Sud remonte à 2011. Les valeurs comme l’équité et l’égalité entre collègues sont essentielles pour moi.
En tant que secrétaire adjoint, êtes-vous destiné à prendre la relève à la tête du syndicat ?
Aujourd’hui, le poste est occupé par Samuel Besson, un copain. Nous partageons le travail. Le syndicat n’appartient à personne : c’est un outil pour défendre nos acquis sociaux et garantir un service public de qualité. Le Gard est le 4ᵉ département le plus pauvre de France. Les pompiers sont un rempart. On nous demande de faire toujours plus avec moins, notamment face aux déserts médicaux.
Votre ancien responsable syndical, Nicolas Nadal, est devenu directeur de cabinet du président Pissas. Le syndicat s’est-il assoupi depuis son départ ?
Pas du tout. Nicolas Nadal est parti, il faut tourner la page. Il a un autre rôle aujourd'hui. Le syndicat n’a jamais cessé de vivre : de nouveaux collègues nous rejoignent régulièrement. Un accord est en cours. Tant qu’il est respecté, nous n’avons pas de raison d’être dans la rue. Cela dit, vu les dernières déclarations du président Pissas, nous avons envoyé des courriers. Si une mobilisation doit avoir lieu, elle interviendra après l’épuisement des discussions.
« On est censé atteindre 751 pompiers en 2028 »
Suite au vote du budget 2025, le président Pissas a déclaré que le SDIS ne pourrait pas nommer tous les jeunes ayant décroché le concours en 2022. Cela vous inquiète ?
Oui, clairement. Les manifestations dites « Casa de Papel » et « Jeanne d’Arc » ont permis l’embauche de 10 pompiers professionnels par an jusqu'en 2028 afin d'atteindre l’objectif final de 751 pompiers. Cet accord permettait de renforcer les casernes en difficulté, tout en préparant l’ouverture de la caserne de Bagard en 2027. À l’époque, il n’était pas du tout question d’ouvrir d’autres casernes... Là, on nous parle de Quissac, Cornillon ou Bellegarde. Si la mairie de Bellegarde finance les locaux, c’est au SDIS de fournir les effectifs... Mais sans déshabiller les autres.
Que comptez-vous faire ?
Nous avons envoyé un courrier au président Pissas. Il n’est pas question que des pompiers perdent leur concours en mai 2026 (un concours étant valable quatre ans, NDLR). On tire la sonnette d’alarme.
Toutefois, le SDIS fait face à des difficultés financières…
On ne comprend pas les difficultés financières du SDIS... Le budget de fonctionnement augmente chaque année et, en plus, il y a une enveloppe spéciale pour embaucher 10 pompiers professionnels par an. Elle ne doit pas servir à autre chose… Alors pourquoi créer de nouvelles casernes ? On ne comprend pas cette stratégie... Les casernes sont payées grâce au budget d’investissement, mais une fois ouvertes, elles engendrent des frais de fonctionnement. En plus, on fait des nouvelles casernes alors que certaines, déjà ouvertes, sont vétustes ou dans un état déplorable… Je pense à celles du Vigan ou du Grau-du-Roi. D'ailleurs, les saisonniers vont arriver. Ils seront 25 à dormir dans une caserne prévue pour 7 !
« On a le sentiment que la direction favorise une certaine catégorie de personnel »
Quand vous dites "servir à autre chose", sous-entendez-vous que cette enveloppe servirait aux recrutements d’encadrants, d’officiers ?
On a le sentiment que la direction favorise une certaine catégorie de personnel, au détriment des autres. Notre syndicat représente toutes les strates. Mais des engagements ont été pris après nos mobilisations, et ces engagements concernaient bien l’embauche de pompiers de terrain. On reste très vigilant : il ne faut pas que les économies se fassent sur le dos des pompiers, sur nos acquis sociaux ou la qualité du service public.
Il semble d’ailleurs que le président Pissas et le colonel Carret n’aient pas la même vision sur l’embauche de cadres…
Le SDIS du Gard, qui est de catégorie B, n’est pas moins bien doté en officiers que les autres départements de catégorie B.
Au sujet des nouvelles constructions de casernes, la direction explique que le Gard est moins bien couvert que le Vaucluse ou les Bouches-du-Rhône. Cela s’entend, non ?
C’est un faux procès : s’il y a plus de casernes ailleurs, c’est souvent parce qu’elles ont été construites avant la création des SDIS, par les communes. C’est un héritage. Aujourd’hui, construire de nouvelles casernes, c’est un gouffre. Et on ne va pas vider les casernes existantes pour en remplir de nouvelles ! Pire : on nous parle de recruter des pompiers d’astreinte. Mais s’ils ne sont pas sur place, chaque minute perdue à appeler d’autres centres peut coûter cher, notamment pour des arrêts cardiaques. Ça n’est pas ça, améliorer le service public.
Les élus, eux, sont très attachés à l’idée de construire de nouvelles casernes…
Qu’ils soient tout aussi attachés à avoir des pompiers dedans ! Et qu’ils ne soient pas déplacés contre leur gré. D’ailleurs, la répartition des effectifs entre casernes fait partie du règlement opérationnel : un document que le SDIS est en train de mettre à jour… Sauf que nous ne sommes pas associés à son élaboration. Là aussi, nous avons alerté le président Pissas. Il est plutôt d’accord avec nous, mais ce n’est pas le cas de tout le monde…
« Il y aura peut-être un pot de départ ! » pour le colonel Carret
Pensez-vous au colonel Carret, directeur du Sdis ?
On représente énormément de personnels. Après les élections de 2022, le syndicat Sud est ultra-majoritaire avec un taux de syndiqué de 75 % chez les pompiers qui montent dans les camions et 65 % chez les personnels administratifs et autres pompiers, tous grades confondus. On a aussi le soutien de la population. Et on n’hésitera pas à dire ce qu’on pense à tout le monde. Nous sommes à un an d’élections municipales d’ailleurs…
Enfin, le colonel Carret devrait partir à la retraite l’an prochain. Visiblement, il ne va pas vous manquer…
On l’a appris grâce à votre article. Après, comme pour tous les collègues, il y aura peut-être un pot de départ !