Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 01.09.2024  - 5 min  - vu 609 fois

TRIBUNE Julien Devèze, Les Centristes : "Personne n'a envie de payer plus de taxe en France"

Julien Devèze
Photo Objectif Gard

"Personne n'a envie de payer plus de taxe en France. Et pourtant, si un impôt permettait de financer notre système social, tout en renforçant la compétitivité de nos entreprises et la rémunération de notre travail, ne devrait-on pas le développer ? Alors, ouvrons le débat sur la TVA sociale et écologique."

Julien Devèze, secrétaire national délégué au projet Les Centristes pour la présidentielle de 2027, vient de publier une tribune sur le rapport de la France à l'impôt et aux taxes.

"L'heure est arrivée en France où nous devons faire des choix. Des choix difficiles. De ceux qui, dans un pays habitué depuis de nombreuses décennies à partager les fruits de la croissance, nous amène à devoir répartir les efforts.

Dans un pays au taux de prélèvement obligatoire record (45.4% du PIB en 2022 selon l'INSEE), il serait naturel de commencer par reconsidérer les dépenses avant de songer à vouloir agir sur les recettes.

Mais, l'ampleur des enjeux doit nous amener à envisager les deux bouts de la chaîne pour approcher du but ; à ne pas nous focaliser sur des mesures symboliques (dont on connait la capacité à bloquer le pays), mais à chercher des solutions correspondant aux ordres de grandeur auxquels nous avons à faire face.

 Sur le volet recette, nos prélèvements obligatoires représentaient en 2022, 1197Mds d'€ dont la destination était pour 55% le financement de notre régime social, pour 28.4% l'État, pour 14.5% les collectivités locales, et pour 0.6% l'Europe.

Ils étaient constitués pour 33% de cotisations sociales, pour 31.5% d'impôts sur les salaires et sur les revenus (dont l'impôt sur les sociétés), et pour 17% de la TVA.

Si nous voulons accroître nos recettes, c'est sur cette dernière que la France doit s'appuyer. En effet, à la différence des autres prélèvements obligatoires, elle s'assied sur notre consommation et non sur notre travail. Ce faisant, elle peut contribuer significativement à la soutenabilité de nos finances sans mettre à l'arrêt une économie française déjà surtaxée. Elle peut même, associée à une baisse des cotisations sociales, contribuer à relancer notre économie.

On évalue à 273 milliards d'€ le montant collecté par l'État au titre de la TVA en 2022. 70 en auront été remboursés, et in fine, 200 milliards auront été partagés entre l'État (100mds€), les collectivités locales (41mds€), et la Sécurité sociale (57mds€).

C'est un montant relativement faible dans le poids de nos prélèvements obligatoires comparé à nos voisins européens. Pour eux, ont été établis des taux plus importants (le taux normal moyen de l'UE est de 21.5%), soit affectés des taux réduits à un moins grand nombre de produits (39Mds€ de réduction en 2020 en France).

La TVA est donc sous-exploitée alors qu'elle est un levier majeur de nos finances publiques. En témoignent les 7 mds€ de recettes générées par un seul point de taux normal de TVA (1,4mds€ sur le taux réduit). À titre de comparaison, ce serait une hausse moyenne de l'impôt sur le revenu de l'ordre de 10% à laquelle il faudrait consentir pour avoir un tel effet.

Au-delà des postures politiques, qui ont tendance à brider le débat sur l'augmentation de la TVA, la marge de manœuvre et d'acceptabilité politique d'une hausse de la TVA est donc très supérieure à toute autre hausse de prélèvements. C'est d'autant plus qu'elle aurait moins d'impact sur l'économie française.

Certes, une hausse de la TVA aurait le défaut d'accroître la tendance inflationniste à laquelle nous sommes soumis, comme le reste de l'économie mondiale. Simulée par le modèle MESANGE de l'INSEE, une augmentation de TVA de l'ordre de 1% du PIB français révèlerait une augmentation des prix à la consommation de 1,48% lors de la première année d'application, et un recul du PIB de 0,32% générant une destruction de 32 000 emplois. Mais, selon le même modèle, une hausse équivalente des cotisations sociales entrainerait un recul du PIB de 1 point, et la perte de 260 000 à 360 000 emplois.

C'est donc la logique même du financement de notre système social que nous touchons du doigt. Il s'agit désormais de réduire l'impact de son financement sur notre travail, dont manque cruellement notre économie, pour le déporter vers notre consommation, dont une part, de plus en plus conséquente, est importée. Cela revient à dire, que financer une partie de nos dépenses sociales par une taxe sur la consommation, non seulement n'affecte pas, en première intention, nos entreprises, mais y fait contribuer la production des entreprises étrangères, comme la consommation des touristes.

Afin de démultiplier cet effet, nous avons soutenu, depuis 2007, l'idée d'une augmentation du taux normal de TVA en échange d'une baisse des cotisations sociales. Cette combinaison, lorsqu'elle est neutre sur le niveau de prélèvement, permet en effet de booster le PIB de 0,2 points et créerait 200 000 emplois sur 5 ans.

Là encore, vis-à-vis de nos voisins européens, la marge de manœuvre est importante. Les prélèvements sur le travail en France en 2022 étaient de 12,3% du PIB, quand la moyenne européenne se situait à 8%, et l'Allemagne à 6,9%.

Alors pourquoi la France se prive-t-elle de cette "transition fiscale" de bon sens ?

D'abord parce que l'effet psychologique d'une hausse de TVA est accru par le rappel, à chaque ticket de caisse, du renchérissement du coût de la vie. Chacun voit ainsi précisément ce qu'il paie au fonctionnement de la société.

Ensuite, parce que cet impôt est considéré comme "injuste". Contrairement aux impôts dits "progressifs" dont le taux augmente au fur et à mesure des tranches de revenus, chaque citoyen est prélevé du même taux sur les produits qu'il achète. C'est ce point qui conduit systématiquement une partie de la classe médiatico-politique à qualifier "d'antisocial" tous les défenseurs de la TVA et à clore le débat. Dans le pays disposant du système le plus redistributif au monde, l'argument ne manque-t-il pas un peu de souffle pour être définitif, face aux avantages précités sur l'économie française ? Si, idéologiquement, valoriser le travail gène la partie la plus égalitariste de la classe politique, nous ne pouvons priver les Français d'un véritable débat.

Ce d'autant plus que trois éléments viennent contredire l'argument majeur des opposants à TVA.

Le premier est l'existence de taux réduits, permettant de cibler les produits de première nécessité dont la part prépondérante impacte les ménages les plus pauvres. Ces taux réduits permettent également de valoriser les produits et services vertueux. Nous avons vu que la France en usait particulièrement.

Le second est basé sur les dernières études de consommation des ménages menées par l'INSEE qui démontrent que l'impact de la TVA sur les différents déciles est avant tout lié au taux d'épargne des ménages, supérieur parmi les plus hauts revenus. Ce taux évolue cependant aussi avec l'âge des membres du ménage et vient réduire l'écart de prélèvement de l'impôt entre les différents déciles. À bien y regarder, « l'injustice » n'est pas si injuste, et le taux de prélèvement assez équivalent.

Enfin, dans le cadre de la mise en place d’une TVA Sociale, la baisse de cotisation sociale permise par la hausse des recettes sur la consommation revaloriserait le travail et les salaires nets, diminuant l’impact de la hausse des prix TTC pour nos concitoyens.

Conclusion : sortir des postures démagogiques et ouvrir enfin un véritable débat fiscal en France.

Si ce type de dispositifs est nécessaire pour aider à mettre en place une telle évolution du financement de notre modèle social, alors allons-y.

Nous sortirons alors de l'hypocrisie politicienne et feront enfin face à nos réalités.

Celles de comptes publics qui mélangent, depuis des décennies, la logique assurantielle qui devrait être financée par les cotisations sociales et la solidarité nationale (assurance maladie, allocations familiales, RSA), par les impôts.

Celles, surtout, de situations déficitaires qui font entrer l'économie française dans le cercle vicieux des prélèvements sociaux dont les taux pénalisent la compétitivité de nos entreprises, réduit le nombre de nos emplois, et rend les mécanismes de solidarité encore plus nécessaires et coûteux.

Le débat fiscal doit avoir lieu dans notre pays, les institutions actuelles doivent le permettre ou elles témoigneront une nouvelle fois, comme nous pouvons le craindre, de leur dangereuse inefficacité."

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