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Publié il y a 1 an - Mise à jour le 31.01.2023  - 7 min  - vu 850 fois

FAIT DU SOIR Les Gardois de plus en plus nombreux à défier la réforme des retraites

Le départ à la retraite à 64 ans c'est non !

- Yannick Pons

Ce mardi 31 janvier, plusieurs manifestations se sont tenues dans le Gard. Cet acte II est marqué par une progression de la longueur des cortèges. Ce matin, plus de 3 500 personnes étaient à Bagnols selon les organisateurs (1 800 selon la préfecture contre 1 500 lors de l'acte I). Même constat à Nîmes où les syndicats ont annoncé 25 000 personnes alors que la préfecture annonce 10 000, contre 9 000 lors de l'acte I. 

À Bagnols-sur-Cèze

"Pendant que Bernard Arnault touche des milliards, on veut nous user au travail", lance au micro Patrick Lescure, secrétaire de l'union locale CGT Gard rhodanien. Il se réjouit de la très forte mobilisation à Bagnols-sur-Cèze. Encore plus forte que le 19 janvier où déjà plus de 2 000 personnes avaient manifesté. Ce niveau de participation a rarement été atteint. "La colère est grande. Les gens ont dû mal à boucler les fins de mois, qu'ils soient jeunes, salariés ou retraités. (...) On oublie que ceux qui remplissent les caisses, qui travaillent, qui cotisent, c'est nous alors que c'est eux qui décident. Mais ils n'arrivent plus à tromper personne", poursuit-il.

Son confrère de la FSU, David Crunelle, était aussi présent ce mardi matin. Ce professeur au collège du Bosquet à Bagnols-sur-Cèze raisonne : "Pour être prof, c'est bac+5, ce qui fait commencer à 23 ans. Si on veut avoir nos 43 années de durée de cotisation, ça fait 66 ans. À condition de ne pas s'arrêter de travailler." Il préfèrerait largement voir l'application de l'égalité salariale homme-femme "qui ferait rentrer 6 milliards dans les caisses".

“Le travail, c’est nécessaire pour faire fonctionner le pays mais ce n’est pas la finalité de la vie"

La CFDT était aussi bien représentée dans le cortège pour lutter contre cette réforme "injuste et brutale". Le maire, Jean-Yves Chapelet, était présent encore, tout comme les représentants de la Nupes. "C'est inadmissible que l'on revienne sur nos "conquis"", s'insurge Michèle Oromi du PCF. Dans le cortège, on voit de tous les âges, toutes les professions. Il y a Mireille, 55 ans, qui travaille de nuit dans le transport de presse. Elle n'en démord pas : "Travailler jusqu'à 64 ans, ce n'est pas possible

Son amie retraitée, Juliette, 68 ans, rebondit : “On est là aussi pour nos enfants, nos petits-enfants et arrière-petits-enfants. On se fait du souci pour leur avenir. On n’a pas envie qu’ils se cassent le dos pour des clopinettes. (…) On veut que toutes les générations soient respectées, écoutées et comprises par le Gouvernement.” Même son de cloche chez Bertrand, un papa de 32 ans venu de Barjac manifester avec ses enfants : “Le travail, c’est nécessaire pour faire fonctionner le pays mais ce n’est pas la finalité de la vie. Il faut avoir du temps pour faire autre chose. 64 ans, ça me semble trop loin.” 

Le recul de l’âge de départ ne passe vraiment pas auprès des manifestants. “Quand j’ai commencé à travailler, c’était 60 ans, après 62 ans, maintenant 64. Ce sera quoi après jusqu’à 70 ans ?”, tonne Fabien, 47 ans, venu de Saint-Julien-de-Peyrolas. Son camarade, Alain, regrette que les entreprises n’aient pas participé au projet de réforme alors que beaucoup de seniors ne sont plus en entreprise au moment de partir à la retraite. Quelques lycéens bagnolais ont aussi pris part à la manifestation à la fin de leurs heures de cours : “C’est notre avenir qui est en jeu. Si cette réforme passe, d’autres passeront. Où on va ?” 

Une mobilisation en hausse à Alès

Dans la capitale des Cévennes, on ne change pas une recette qui gagne. Ce mardi 31 janvier, l’intersyndicale avait choisi de proposer le même trajet aux manifestants qu’il y a une dizaine de jours. "Avec ce parcours, quand il y a du monde, ça se voit !", justifiait Martine Sagit, secrétaire générale de la CGT alésienne. Ainsi, après avoir été reçus par le sous-préfet en début de matinée, les représentants syndicaux ont lu un communiqué rappelant à quel point le premier acte de la mobilisation avait été une réussite. "850 000 personnes ont déjà signé notre pétition contre la réforme des retraites", a fait savoir le porte-parole de l’intersyndicale, avant de céder le micro à Pierre Thomas, représentant des "jeunes lycéens".

Comme le 19 janvier, le camion-sono de l’Union locale (UL) de la CGT conduit par l’inusable Alain Martin a fendu la foule pour ouvrir la voie. Derrière lui, drapeau en main, tous les représentants locaux des organisations syndicales mobilisées (CGT, CFDT, FO, FSU, CFE-CGC, CFTC et Solidaires) ont fait corps pour tenir la grande banderole réclamant "le retrait de la réforme". "La rue est à nous ! On prend les deux voies", s’égosillait Alain Martin, invitant les manifestants à investir la totalité de la largeur du quai Boissier de Sauvages. En très grande forme, rasséréné par l’ampleur de la mobilisation du 19 janvier qui lui a valu plusieurs interventions télévisées, le membre de la commission exécutive de l’UL CGT a multiplié les slogans dont il a le secret. "Élisabeth, nous aussi on est bornés et on tiendra jusqu’au bout", a-t-il lancé en référence aux récents messages de fermeté distillés par la Première ministre. Ou encore : "Les annuités pour la retraite, c’est comme la température. 37,5 c’est bien, 42 tu es mort !" 

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Nouvelle forte mobilisation à Alès à l'appel de l'intersyndicale. (photo Corentin Migoule)

Comme lors du premier acte, la mobilisation a réuni des dizaines de professions, du monde ouvrier aux greffiers du tribunal judiciaire d’Alès, en passant par le secteur médico-social. Certains battaient du pavé pour "la toute première fois", convaincus par l’envergure du premier round qu’ils avaient manqué. "Sachez qu’on est encore plus nombreux que les chiffres que vous verrez dans les médias", avait prévenu Alain Martin, un brin taquin avec ceux qu’il accuse d’être "aux ordres du gouvernement". Le dernier nommé n’appréciera guère le chiffre communiqué par la police locale après un "triple comptage" : 7 000 manifestants dans les rues d’Alès ce mardi matin, ce qui signifierait que la mobilisation s’est stabilisée, voire même a chuté. L’impression visuelle donnait pourtant à croire que celle-ci dépassait allègrement celle, déjà "historique", du 19 janvier. Au point de dépasser assez largement les 10 000 personnes comme l’ont laissé entendre de nombreux présents ? Une source émanant d’un syndicat enseignant, réputée pour la précision de ses comptages, chiffre la mobilisation du jour à 9 500 manifestants, soit "près de 2 000 de plus".

Toujours est-il que le début du cortège avait déjà sérieusement entamé le quai de Kilmarnock et s’approchait du Jean-Jaurès, quand la voiture-balai derrière les derniers manifestants s’élançait tout juste de la sous-préfecture, soit près d’un kilomètre et demi plus loin. En poste fixe depuis un giratoire de l’avenue Carnot, nous avons relevé près de 20 minutes d’écart entre les premiers et les derniers marcheurs (notre vidéo). Comme le premier, ce deuxième acte majeur de la mobilisation contre la réforme des retraites s’est déroulé sans heurt, dans une ambiance bon enfant bien que disparate selon où l’on se trouvait dans le cortège. Les cheminots de la CGT ont sans doute été les plus bruyants, à grands renforts de fumigènes et de bombes agricoles. À leur arrivée peu après 12h15 sur l’avenue du Général de Gaulle, les représentants syndicaux, sourires jusqu’aux oreilles, se préparaient à rejoindre les camarades nîmois et savaient qu’il allait falloir très vite "remettre ça".

Forte mobilisation dans le privé aussi

Un piquet de grève était organisé en fin de matinée devant le site Haribo d'Uzès, à l'appel de la CGT et de la CFDT. Sur place, des salariés d'Haribo, mais pas que : on y retrouvait aussi des représentant de l'hôpital local et du Mas Careiron, des fonctionnaires territoriaux ou encore un ancien cheminot. 

Ce matin, sur le piquet de grève devant le site Haribo d'Uzès • Photo : Thierry Allard

Au sein du site Haribo, c'est peu dire que le mouvement a pris, ce mardi : "Nous avons 85 % de grévistes chez les ouvriers et 90 % chez les techniciens, c'est un peu plus que le 19 janvier", note le délégué syndical CGT d'Haribo Uzès, Guillaume Brante. La plupart ont préféré manifester à Alès ou à Bagnols ce matin. Le site, qui compte 260 salariés en CDI, tournait au ralenti ce matin, avec "un seul module sur quatre qui tourne", précise le syndicaliste. 

Plus largement, l'exemple d'Haribo illustre, d'après Guillaume Brante, "un secteur privé où ça se mobilise, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu ça." Du reste, l'union locale CGT d'Uzès a doublé son effectif envoyé à Nîmes cet après-midi "de 32 personnes le 19 janvier à 59 aujourd'hui", se félicite le secrétaire de l'union locale CGT d'Uzès Philippe Alby, qui espère désormais organiser une manifestation à Uzès lors de la probable prochaine journée de mobilisation. 

À Nîmes, le cortège s'est étiré sur plus de deux kilomètres

L’intersyndicale du Gard a encore frappé fort à Nîmes ce mardi et annonce 25 000 personnes contre 20 000 le 19 janvier. La préfecture du gard annonce également une progression du nombre de manifestants de 9 000 à 10 000 aujourd'hui. Un cortège de plus de 2 kilomètres s’est mis en branle aux jardins de la Fontaine par le cours Jean-Jaurès et a bifurqué à gauche juste avant le lycée Dhuoda. Il a terminé sa course devant la préfecture de Nîmes après être passé par l’avenue de la République.

Les grandes entreprises étaient présentes à Nîmes. Ici le groupe Nestlé Waters • Yannick Pons

" Contrairement à ce que dit le Gouvernement, 90 % des travailleurs rejettent cette réforme injuste et brutale. Ils aspirent à partir à la retraite en bonne santé, et avec un niveau de retraite qui permette de vivre dignement. Le Gouvernement doit renoncer à la fois à l'âge de départ à la retraite à 64 ans et à l'accélération de l'augmentation de la durée de cotisation. Nous sommes unis et déterminés à faire retirer ce projet de réforme des retraites", a lancé Jean-Pierre Da Ros, président du syndicat CFTC Gard-Lozère, avant de donner le top départ. CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Solidaires et Unsa, la plupart des syndicats étaient présents main dans la main, rejoints par des grandes entreprises gardoises comme Haribo, Perrier ou Merlin-Gérin.

 

La manifestation dans le Gard en images

Les plus jeunes étaient de la partie à Nîmes • Yannick Pons

Le CHU gardois a manifesté en nombre • Yannick Pons

Métro, boulot, caveau, maître mot à Nîmes • Yannick Pons

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"64 ans, non c'est non". Simple, efficace. (photo Corentin Migoule)

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Dans le cortège alésien, parfois on ne s'embarrasse pas avec la poésie. (photo Corentin Migoule)

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Ce manifestant alésien espère mettre la réforme des retraites à l'échafaud. (photo Corentin Migoule)

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Face à l'Ermitage, la lutte contre la réforme des retraites s'amorce dès le plus jeune âge. (photo Corentin Migoule)

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Le recto... (Photo Corentin Migoule)

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Et le verso ! (Photo Corentin Migoule)

À Nîmes, même les mamies sont en colère • Yannick Pons

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