Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 03.05.2022 - marie-meunier - 5 min  - vu 3545 fois

FAIT DU SOIR "Défaut de confiance", contrôles renforcés : ça se tend entre la mairie de Bagnols et la Moba

La Moba, salle de concert à Bagnols-sur-Cèze. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Ce lundi, Jean-Yves Chapelet, maire de Bagnols-sur-Cèze, a tenu à s’exprimer sur la situation avec la Moba. Ne voulant prendre aucun risque sur les normes de sécurité de la salle de spectacle, la municipalité a raffermi les contrôles et modifié la convention triannuelle qui est devenue annuelle. 

« Avant toute chose, je voulais dire que je suis très attaché à la Moba, il y a une très belle programmation », débute le maire. Mais côté sécurité, il est bien moins dithyrambique. « Depuis la création de la Moba en 2017, il y a eu trois visites de sécurité, incendie, accessibilité. Et il y a eu trois avis défavorables. C’est problématique alors que c’est un ERP (Établissement recevant du public, ndlr) 3e catégorie », pointe l’édile. 

La tragédie de la discothèque du 5-7 en tête (un incendie avait ravagé cet établissement isérois et fait 146 victimes; le maire a écopé de prison avec sursis, NDLR), pas question pour lui de fermer les yeux. Après une deuxième visite en octobre 2017, Jean-Yves Chapelet menace la structure de fermeture tant que tout n’est pas conforme. Finalement une autorisation est délivrée le 12 mars 2018. La troisième visite de sécurité est une visite périodique (tous les trois ans) pour les exploitants de salles et se déroule en décembre 2021. « Ça a été un peu la catastrophe. Douze prescriptions ont été émises et pas des moindres : la détection incendie n’avait pas été testée, les habilitations des agents n’étaient plus valables et en plein milieu de la salle de concert a été construit ce studio d’enregistrement. C’est une bonne idée, ça manque sur le territoire mais il fallait demander une autorisation et modifier le statut d’ERP 3e catégorie », poursuit le maire.

Le maire de Bagnols Jean-Yves Chapelet (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

En février, la Moba arrive à lever cinq prescriptions sur douze : « Le 21 février, en tant que maire, j’ai envoyé une lettre de mise en demeure pour effectuer les travaux dans un mois. Sinon, c’est la fermeture administrative. » Finalement, les onze points finissent par être levés, reste seulement « cette construction illégale mais du moment que la salle reste interdite au public, on accorde une dérogation avec les pompiers. Ça prend du temps pour être régularisé. »

La mairie ne veut prendre aucun risque sur la sécurité

Là où le maire est en colère, c’est « que s’il n’y avait pas eu ce contrôle en décembre, toute la période de spectacles se serait déroulée dans un établissement non-conforme et je ne le savais pas. Aujourd’hui, j’ai un doute sur le suivi de la conformité de la salle et un défaut de confiance sur la sécurité. » C’est pourquoi la mairie a placé la Moba en contrôle renforcé : il se fera tous les ans, en septembre avant le début de la programmation, au lieu de tous les trois ans. 

Jusqu’à présent, la Ville donnait des subventions promises dans une convention trianuelle (8 000 € en 2019, 12 000 € en 2020 et 15 000 € en 2021, soit 35 000 € en trois ans). Au lieu de renouveler cette convention, la mairie a décidé de la réduire à une année : « Si à la commission de sécurité, il n’y a pas de prescription majeure, on versera la subvention. Ce n’est pas une histoire d’argent, on veut être sûrs de la sécurité du bâtiment, surtout quand entre 300 et 400 personnes viennent par soirée. »

Malgré ce serrage de vis, le maire tient à garder cette unique salle de spectacle de Bagnols-sur-Cèze (la Pyramide n'ayant pas été encore reconstruite, NDLR). Pendant la crise sanitaire, la municipalité avait aussi attribué une subvention exceptionnelle de 5 000 € à la salle de spectacle : « On prend aussi des prestations chez la Moba. Entre les subventions, les prestations, c’est 92 509 € qu'on leur a donné en trois ans. »

« J’espère qu’on va pouvoir tenir dans le temps mais je commence à douter »

Du côté de la Moba, la nouvelle est très mal accueillie par l’équipe, ses sept salariés et ses bénévoles. Arnold Metrot, co-directeur de la structure, assure qu’il « n’y a aucun problème de sécurité par rapport à la salle de spectacle. On n’a jamais mis qui que ce soit en danger. C’est du chipotage administratif sur un changement car une salle multiactivités devient un studio fermé. » Il reconnaît qu’il y a pu y avoir des retards, des petits soucis de calendrier du côté de la Moba, mais tout est désormais planifié.

Le co-directeur trouve regrettable cette révision forcée de convention et estime qu’elle remet en cause la légitimité même du lieu, pourtant installé depuis cinq ans à Bagnols et tenant la place de deuxième structure de musiques actuelles du Gard, derrière Paloma. « Pour moi, c’est mélanger deux choses qui n’ont rien à voir. Les normes de sécurité, c’est une chose, tout est réglé, c’est une histoire de planning. La convention entre la Ville et la Moba concerne la culture. On n’a pas les mêmes réalités, ni le même calendrier devant les yeux. J’espère qu’on va pouvoir tenir dans le temps mais je commence à douter », lance Arnold Metrot, qui déplore aussi que cette nouvelle convention n’ait pas été révisée avec les deux parties.

Il donne aussi sa version : « Depuis le mois d'avril 2021, avec Michel Cegielski, adjoint à la Culture, on réécrivait une nouvelle convention avec un montant de 30 000 € la première année, 40 000 € la suivante, et 50 000 € la troisième. » En janvier dernier, ne voyant pas poindre la nouvelle convention et en proie à des difficultés financières, les deux co-directeurs de la Moba alertent le maire. Ce dernier se serait montré rassurant avant de se raviser quelques jours plus tard et d’imposer cette nouvelle convention d’un an seulement à 12 000 € (contre 20 000 € en 2021, en comptant la subvention exceptionnelle). La convention prévoit aussi six dates où la salle est mise à disposition pour les spectacles de la mairie, soit six soirées de manque à gagner pour la Moba.

Un "désengagement culturel" de la municipalité ?

Pour l’équipe de la salle de spectacle, le coup est rude et les conséquences multiples. En baissant le montant de la subvention, c’est le risque de voir les autres soutiens diminuer également : « Ça va nous mettre mal avec les autres institutions (DRAC, Département, Région) car elles donnent en fonction de ce qu’avance la Ville. (…) On estime que cette baisse va nous coûter entre 30 000 et 40 000 € de subventions plus basses des institutions prévues au départ. C’est encore de l’argent qu’on n’a pas, qu’il va falloir trouver sachant que les gens ne fréquentent plus les lieux culturels autant qu’avant. »

Un soutien sur un an au lieu de trois, c’est aussi une garantie en moins aux yeux des banques, comme l’explique Arnold Metrot : « Ce n’est pas ça accompagner une structure, surtout quand on veut qu’elle soit pérenne et carrée. Pour financer les 40 000 € pour SSI (système de sécurité incendie), on va être encore obligé d’emprunter de l’argent. Si on avait eu cette convention de trois ans avec la Ville, ça nous aurait permis d'obtenir un accord de prêt plus facilement. Tandis que là, je ne sais pas comment on va pouvoir faire. »

La salle de spectacle serait-elle sertie dans un cercle vicieux ? Pour Arnold Metrot, la question n’est même plus sécuritaire mais marque « un désengagement culturel de la mairie » qui aurait déjà commencé avec le Bagnols reggae festival, qui ne se tiendra pas au parc Rimbaud cet été. Et Arnold Metrot de conclure : « On n’est pas récompensé pour tout le travail effectué sur cinq ans dans la ville. On est en train de s'occuper de la programmation de la fête de la musique, des jeudis musicaux (...) Il n'y a plus de spectacles à Bagnols, les budgets sont énormes, et on nous donne des cacahuètes, c’est vraiment dommage. »

Marie Meunier

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