Sur le papier, le duel doit avoir lieu. Trois toros de Bohorquez chacun, c’est synonyme de plusieurs trophées si on fait les choses bien. En ce lundi matin, la tradition des joutes sur le canal de la Fontaine intéresse moins les amateurs de rejoneo, d’art équestre.

Ici, dans les arènes, les chevaux virevoltent comme barques des jouteurs mais les cavaliers n’ont pas droit à la chute arrosée. Le public est différent de celui que l’on rencontre lors de corridas formelles, il est là pour passer du bon temps, pour voir du dressage, du spectacle.

Les codes, stricts et cadrés, du rejoneo ont été largement bousculé depuis trois décennies par et avec Pablo Hermoso de Mendoza. Maintenant qu’il s’est retiré des ruedos européens, la révolution continue.

Cette révolution est portugaise et s’appelle Diego Antonio Espiritu Santo Ventura. Nous ne gardons que les premiers et derniers. Avec plus d 25 ans d’ancienneté dans le métier, Diego Ventura connaît tous les tuyaux, les moyens de parvenir au triomphe de plus. Avec son premier, pour ouvrir le bal, Diego Ventura se montre comme à son habitude très professionnel et c’est aussi pour cette raison que les arènes passent la barre des 10 000 entrées en ce lundi matin. Ventura sait toréer, ses chevaux sont splendides et dressés de manière à faire un travail de qualité. Les appuyés, les quiebros et les banderilles sont dans les bons sitios. Oreille.

Deuxième possibilité pour le Portugais et deuxième duel coloré. Né à Lisbonne en 1982, Ventura n’est pas venu si souvent que ça à Nîmes. Avec une corrida portugaise, sa première ici, il a défilé à 14 reprises. Il faut dire que pendant neuf années l’empresa et le cavalier ne trouvaient pas de terrain d’entente. La bouderie finie, Nîmes renoue avec un des meilleurs centaures du circuit. Et les tendidos suivent car ils demanderont les deux oreilles à l’issue d’un duel d’intérêt. Ventura sait faire monter la sauce. Une oreille et un toreo classique sur son premier, deux oreilles et une tauromachie plus spectaculaire maintenant, que va-t-il se passer après ?

Bingo, le rabo pardi ! Dernière sortie de Diego Ventura et de ses chevaux, tous magnifiquement apprêtés et d’une élégance incroyable quand ils se grandissent et se déploient en piste. Le public aime regarder ce genre de choses et voir l’union entre l’homme et l’animal lui plaît. Ici, pour cette ultime faena, c’est avec l’outil « quiebro » que Ventura se gagne les trophées. Les banderilles sont également placées à l’étrier et les chevaux parfaitement aux ordres du cavalier. Avec ou sans la bride, avec ou sans les rênes, avec ou sans les mains… Ventura fait briller son art de dresser et torée, aujourd’hui, dans des terrains d’exception. Deux oreilles et la queue, sortie en triomphe par la Porte des Consuls.

Léa Vicens a fort à faire pour tenir la dragée haute à Diego Ventura. Dans un mano a mano équestre, les trophées comptent mais ce qui reste, ce sont les images, les sensations, les émotions. La Nîmoise, pourtant sur la bonne ligne de conduite et sur la distance idéale pour ne pas blesser ses montures tout en faisant briller le toro, torée à sa manière, simplement, doucement, de manière précise et millimétrée. Pas assez pour faire tomber un mouchoir blanc sur ce passage, la mort en plusieurs envois lui ôte la possibilité de faire un tour de piste. Alors, Léa revient sur scène et salue, le public la suit et l’applaudit.

Cela fait déjà 12 ans que la Nîmoise Léa Vicens a pris son alternative dans ces arènes des mains de Paco Ojeda, Diego Ventura, Ángel Peralta et Marie Sara ! Oui Diego était déjà là. Pendant quelques années et c’est encore vrai aujourd’hui, les deux larrons se partagent les premières places de l’escalafon avec le petit Guillermo Hermoso de Mendoza. Mais, à Nîmes, Léa et la reine dans l’arène. Les tendidoss l’applaudissent, l’encouragent, la soutiennent. Ils lui rappellent en pétitionnant pour une seconde oreille à couper sur un nouvel et excellent exemplaire de Bohorquez. Deux oreilles données avec un peu de largesse comme souvent en corrida de rejon mais deux oreilles qui contentent tout le monde et qui ne font de mal à personne !

Ultime rendez-vous à ne pas manquer pour Léa. Le public la soutient, elle sent cette présence rassurante et veut montrer toujours plus en respectant ce que les frères Peralta lui ont inculqué et qu’elle conserve précieusement en elle pour la vie. La cavalière sait qu’une sortie en triomphe est toujours un moment important dans une carrière et pour sortir avec Ventura par la « bonne » porte, il faut encore couper un appendice. Elle s’emploie et torée avec alegria mais en évitant les risques. En se replaçant constamment, Léa fait montre de classe et d’exactitude sauf aux aciers. Une oreille est demandée, elle est accordée par le palco présidé par Daniel Jean Valade. Une oreille et donc une double sortie en triomphe par la Porte des Consuls.