Publié il y a 1 h - Mise à jour le 13.12.2025 - Julia Razil - 4 min  - vu 101 fois

FAIT DU JOUR Agriculteurs, manadiers, éleveurs : en Camargue, la colère monte

Parti de Gimeaux, le cortège a déambulé dans la ville jusqu'au parvis des arènes.

- J.Rz.

Gestion de la dermatose nodulaire, accord du Mercosur, désengagement des assurances pour les manadiers… Ce vendredi 12 décembre, plus de 300 professionnels du monde agricole se sont rassemblés à Arles pour interpeller les pouvoirs publics et dire stop aux menaces qui pèsent sur leurs élevages, leurs terres et leurs traditions. 

Les images des affrontements entre agriculteurs et gendarmes en Ariège, où les forces de l’ordre ont pris le contrôle d’une ferme contaminée par la dermatose nodulaire après des heurts avec des manifestants, ont marqué les esprits ce vendredi matin. "Demain, ce sera chez nous", lance un éleveur, résumant l’angoisse qui traverse le monde agricole face à ce virus qui touche les bovins. En Camargue, territoire encore épargné, la menace n’est plus lointaine. Les manadiers, par précaution, ont décidé d’arrêter la saison prématurément, mais la réalité reste implacable : "L’hiver ne suffira pas à éradiquer ce virus", reconnaissent les professionnels. La mobilisation s’organise, et les revendications s’amplifient.

200 cavaliers ouvraient la marche. • J.Rz.

Ce vendredi 12 décembre, environ 300 agriculteurs, manadiers et éleveurs - dont 200 cavaliers - ont répondu à l’appel des syndicats FNSEA et Jeunes Agriculteurs, ainsi qu’à celui d’autres organisations du monde agricole, pour une journée de protestation à Arles. Le rassemblement a débuté au Centre français du riz à Sonnailler, avant de se poursuivre par une déambulation symbolique à travers la ville, jusqu’au parvis des arènes. L’objectif : être entendus -- "le problème, c’est qu’aujourd’hui il n’y a pas d’écoute, pas d’empathie, pas de discussion possible avec l'État", déplorent les manifestants -- et réclamer des actions concrètes des pouvoirs publics.

Les revendications ne concernent pas uniquement la dermatose nodulaire, mais bien "la défense de l’agriculture au sens large", comme le soulignent trois professionnels. "Vous avez vu le menu des revendications ? À ce niveau-là, on est sur entrée, plat, dessert, fromage, trou normand et les 13 desserts", ironisent-ils, illustrant l’ampleur des doléances. Dans le viseur des manifestants : une "accumulation de crises". Entre autres, le Mercosur, le désengagement de Groupama auprès des manadiers, les difficultés du foin de Crau, des réglementations inadaptées, ou encore la ligne aérienne THT. "Toutes les filières agricoles vont mal !", martèle Laurent Deville, représentant de la FDSEA 13.

Le risque de voir des décennies de travail génétique réduites à néant

Mais ce qui cristallisait tout particulièrement les tensions ce vendredi, c’était bien la gestion de la dermatose nodulaire. Les professionnels dénoncent une "stratégie du dépeuplement" imposée par le gouvernement : dès qu’un cas est confirmé, l’abattage intégral du troupeau est ordonné. Si à cette date aucun cas n'a été détecté dans la région, tous réclament la possibilité de pouvoir vacciner leurs troupeaux même en zone non-contaminée, et tout particulièrement les taureaux de race Camargue et de combat. Races reconnues spécifiques et dont les cheptels sont le fruit d’un long et précieux travail de sélection génétique. 

Emmanuel Lescot, président de la Fédération des manadiers. • J.Rz.

"Demain, si un cas de dermatose est détecté chez nous, nous nous mobiliserons pour sauver le troupeau d’un collègue. Mais on serait vite dégagés, comme en Ariège. C’est toute une vie de travail qui disparaît. Est-ce qu’on en mesure vraiment l’ampleur ?", lâche l’éleveur Pierre-Henry Callet. Et dans le cas de taureaux Camargue ou de toros espagnols, "ce serait un trésor génétique qui disparaît, ajoute Mathieu Vangelisti, lui aussi ganadero. C’est inenvisageable." Le risque de voir des décennies de sélection génétique partir en fumée est grand.

Ligne THT : une piste émerge-t-elle ?

Parmi les nombreuses revendications du monde agricole ce vendredi : la question de la ligne THT entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer. Les professionnels, déjà confrontés aux aléas du changement climatique, refusent de payer le prix fort d’une transition énergétique mal pensée. "Participer à décarboner, oui, mais pas à n’importe quel prix", a martelé Laurent Deville, maraîcher et représentant de la FNSEA 13. "Quand on parle d’impact environnemental, arrêtons les grandes théories, a-t-il ajouté. Des décisions de justice ont déjà confirmé les effets néfastes de ces lignes sur l’élevage." Et Laurent Deville de pointer du doigt l'absence d'une étude sérieuse quant à la création d'emplois nets. "Nous représentons une force économique sur ce territoire. Nous ne sommes pas contre la THT, ni contre la décarbonation, mais pas au détriment de notre activité et de notre environnement."

Pour les manifestants, le vrai débat n’est pas l’utilité du projet, mais sa réalisation. "Asseyez-vous autour de la même table avec nous. De grâce, cessez de nous répéter l’importance de ce projet : personne ne la remet en cause. Le vrai sujet, c’est sa mise en œuvre." Leur exigence est claire : une THT enterrée, respectueuse des paysages et des activités locales. Une piste émerge selon Laurent Deville. "Le préfet Leclerc aurait récemment donné instruction de renforcer une ligne THT existante de 225 000 volts du côté du Pays d’Aix. Une solution qui, à court ou moyen terme, pourrait répondre aux besoins énergétiques de Fos-sur-Mer, laissant le temps d’étudier une solution enterrée pour la future ligne", a-t-il avancé lors de la manifestation de ce vendredi 12 décembre.

Pour les manadiers, la situation est particulièrement critique. Ils font face à une crise sans précédent. En plus du danger de la dermatose, le désengagement de Groupama met en péril l’avenir des spectacles taurins de rue. "Nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête", confie l’un d’eux. "On a fait le choix de confiner nos bêtes, preuve de notre bonne volonté, explique Emmanuel Lescot. Au moins jusqu’au 31 décembre, et plus s’il le faut. Mais à un moment, on a besoin d’un coup de pouce." Des assurances et du législateur. Et le président de la Fédération des manadiers de revenir sur l’impact économique, environnemental et sociétal qui pourrait découler de la disparition de ces spectacles de rue, voire de ces élevages en Camargue. La saison prochaine qui débutera le 1ᵉʳ mars laisse, pour l’instant, craindre le pire si la situation sanitaire ne venait pas à s’améliorer.

Elus du Pays d'Arles et du Gard avaient également répondu présents. • J.Rz.

Alors que les manifestants donnaient une visibilité à leur combat à travers les rues de la ville, une délégation était reçue en sous-préfecture pour exposer en détail les revendications. "Aujourd'hui nous sommes venus avec des chevaux pour interpeller les pouvoirs publics. Si nous ne sommes pas entendus, demain nous reviendrons avec les chevaux sous le capot !", a lancé Laurent Deville. Déterminés, les professionnels du monde agricole assurent qu'ils "ne lâcheront rien". La mobilisation, déjà bien engagée, s’annonce durable.

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