Publié il y a 1 an - Mise à jour le 06.03.2023 - Anthony Maurin  - 4 min  - vu 645 fois

FAIT DU JOUR La filière viticole acte un accord inédit avec l’INRAE

La filière viticole acte un accord inédit avec l’INRAE en faveur du déploiement de neuf "variétés Bouquet" dans le vignoble sur une grande partie de la frange occidentale du Gard (Vignobles du Languedoc).

Dans notre région, les cépages sont bien souvent en stress : manque d'eau, températures élevées, sols complexes, maladies, pollution... Les "variétés Bouquet" sont naturellement tolérantes aux maladies de la vigne (oïdium, mildiou) et sont aussi la promesse de grands vins adaptés au climat méditerranéen grâce aux vignobles du Languedoc. Décédé en 2009, Alain Bouquet n'en saura rien mais ses recherches font une percée dans le domaine.

Artaban, Vidoc, Floréal, Voltis, Sirano, Coliris, Lilaro, Opalor ou encore Selenor sont ces doux petits noms qui débarqueront bientôt dans nos vignobles. Que demander de plus que des cépages résistants ? Qu’on soit consommateur, producteur ou simplement citoyen soucieux de la préservation de l’environnement, les "variétés Bouquet" ont tout pour plaire ! Neuf d’entre elles pourront le prouver à partir de 2025. C’est l’accord conclu entre l’INRAE (Institut national de recherche sur l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement), qui en est l’obtenteur, et la filière viticole occitane (CIVL, InterOc, IVSO).

La filière viticole représente la majorité des surfaces cultivées dans le Gard. (photo d'illustration : Anthony Maurin).

Les représentants de la filière étaient au rendez-vous, le lundi 27 février 2023, à Paris au Salon international de l’agriculture, pour apposer leur signature en bas d’une lettre d’intention qui prévoit les conditions de mise à disposition aux vignerons, à partir de 2025, de neuf variétés de vignes, emblématiques du Languedoc et communément appelées "variétés Bouquet."

"Convaincue des atouts des variétés Bouquet, la filière languedocienne s’est investie depuis des décennies en faveur de leur déploiement dans le vignoble", explique Christophe Bousquet, président du Conseil Interprofessionnel des Vins du Languedoc.

Et de reprendre : "Au travers de contrats de recherche lancés en 2013 avec l’INRAE de Pech Rouge, le CIVL a investi beaucoup de temps, d’énergie et de budget pour améliorer notre connaissance de ces variétés. Aujourd’hui, c’est chose faite et une nouvelle ère s’ouvre."

Si vous voulez rencontrer de vrais bons vignerons... Ce livre à lire, évidemment, et à conserver comme un bon vin ! (Photo Archives Anthony Maurin).

Aux côtés de Philippe Mauguin, président directeur général de l’INRAE et de Bernard Angelras, président de l’IFV (Institut français de la vigne et du vin), ce sont les trois interprofessions viticoles occitanes (CIVL, InterOc et IVSO) qui étaient réunies et représentées par les vignerons Christophe Bousquet et Jean-Benoît Cavalier, respectivement président et président de la commission technique du Conseil Interprofessionnel des Vins du Languedoc (CIVL) Richard Planas pour les vins IGP Pays d’Oc et Joël Boueilh, viticulteur gersois et co-président de l’interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO).

Des nouveautés qui ouvrent des portes 

Ces neuf "variétés Bouquet" sont intégrées dans la liste officielle française des cépages déployés dans le vignoble hexagonal pour la production de vin. Jusqu’à aujourd’hui, ces variétés ne pouvaient pas être plantées librement, ni être destinées à la production de vin : matériel végétal "jeune", il leur fallait franchir des étapes de validation avant un tel déploiement.

"Cet accord va permettre d’intégrer ces variétés au classement français dès 2025", explique Richard Planas, représentant d’InterOc. "C’est une réelle satisfaction car elles sont une réelle réponse aux défis contemporains auxquels nous sommes confrontés. Ce sont d’authentiques variétés durables : elles préservent à la fois l’environnement, l’équilibre économique des exploitations et sont la garantie de grands vins et de plaisir à venir pour des générations de consommateurs."

Avant d’acter du déploiement d’une variété dans le vignoble français, il fallait l’évaluer. L’INRAE a débuté ce travail pour les variétés Bouquet, dans l’Aude, depuis 2006. Mais un vrai coup d’accélérateur fut donné avec le projet expérimental Oscar Oc qui, a permis, dans un cadre réglementaire très strict, de tester neuf variétés Bouquet sur l’ensemble du bassin viticole languedocien.

(Photo d'illustration : Anthony Maurin).

Jean-Benoît Cavalier, président de la commission technique du CIVL : "Ces cépages produisent des vins qui nous ressemblent. Ils sont la promesse de grands vins languedociens. La singularité des variétés Bouquet est d’être une innovation ancrée dans la tradition. Et ce, à deux titres : par la méthode d’obtention utilisée et par leur parenté avec nos cépages régionaux. Ces obtentions variétales n’ont aujourd’hui pas d’équivalent sur le marché."

Débutées en 2018, ces expérimentations "grandeur nature" sont inédites par leur ampleur et le montage du projet fondé sur l’engagement collectif et financier des professionnels et d’une collectivité territoriale, la région Occitanie. Aujourd’hui, ce sont plus de 28 hectares de plantation qui ont permis de démontrer le potentiel d’adaptation de ces variétés aux différents terroirs de la région.

Une petite dégustation (Photo Archives Anthony Maurin).

Au-delà d’un suivi agronomique, ces expérimentations ont permis aux professionnels de multiplier les dégustations et de valider tout le potentiel qualitatif de ces variétés. Là encore, elles ont été au rendez-vous en confirmant leur haut niveau qualitatif au fil des millésimes.

"Des variétés qui cochent toutes les cases"

Telle était l’ambition de leur sélectionneur, le chercheur Alain Bouquet qui a débute ses travaux en 1974. Son objectif ? Sélectionner des variétés de vignes qui répondent simultanément à trois critères : faculté d’adaptation aux terroirs languedociens, qualité organoleptique et tolérance aux maladies cryptogamiques permettant de réduire substantiellement l’usage des produits phytosanitaires. "L’objectif est de créer des variétés résistantes aux maladies et non aux consommateurs", avait coutume de dire le père de ces cépages, aujourd’hui disparu.

Dégustation de vin (Photo Archives Anthony Maurin).

Le pari fut gagné. En s’appuyant sur les principes de la sélection paysanne, après trente-cinq ans de croisements naturels avec des cépages traditionnels du Languedoc, Alain Bouquet produisit plus de 32 variétés de vignes nettement moins dépendantes au cuivre et au souffre pour se protéger des attaques de mildiou et d’oïdium. Résultat : un environnement préservé avec significativement moins d’intrants. C’est également une baisse des coûts pour le vigneron (-52 %) et moins d’émission de carbone (-57 %), selon les données publiées par l’Inrae.

On compte en tout plus de 113 cépages résistants, dont 300 hectares sont actuellement plantés en Europe..

Anthony Maurin

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