Publié il y a 1 an -
Mise à jour le 10.12.2023 - Sabrina Ranvier - 4 min - vu 1231 fois
FAIT DU JOUR Vanessa Monteillet, 37 ans et doyenne de la faculté de droit d’Unîmes
Pour tout gérer, Vanessa Monteillet a un secret. Elle a toujours ses écouteurs sur elle et écoute de la musique en toute occasion. Sa playlist va de Dalida à Ed Sheran. Quand elle a besoin de se doper, il lui suffit de mettre Sia et son Unstoppable et quand elle est plus dans l’émotion, elle bascule sur Grand corps malade.
- Sabrina Ranvier
Mettre en place un dispositif qui permet aux étudiants d’aider les victimes de violence intrafamiliales, c’est elle. Faire venir Laurent Fabius à Nîmes pour la rentrée, c’est encore elle. Fille d’agriculteurs aveyronnais, elle dirige, à moins de 40 ans, le département Droit-AES de l’université de Nîmes. Ses collègues décrivent une grosse travailleuse qui « valorise les initiatives des autres » et « ne se met pas en avant ».
Le point de situation est tombé mercredi 20 dans l’après-midi. Quatre personnes, dont un homme, sollicitent l’aide des étudiants en droit de l’université de Nîmes. Ces victimes de violences intrafamiliales ont été mises à l’abri par le SIAO (*) de la Croix-Rouge. Toutes ont besoin d’informations sur leurs droits. « Une personne est partie avec son enfant et a des questions sur la garde d’enfants. Une autre a déjà déposé plainte mais cela a été classé sans suite. Elle se demande quel est le process à suivre pour redéposer plainte », résume Vanessa Monteillet, doyenne de la faculté de droit d’Unîmes. Pour les aider, cette grande brune aux cheveux courts a mobilisé deux groupes d’étudiants. Ils vont chercher les réponses et, le vendredi matin, ils se rendront dans les locaux de la Croix-Rouge pour rencontrer les victimes.
Maître de conférence à unîmes depuis 2017, elle a lancé un dispositif innovant, la "clinique juridique d’accompagnement de victimes de violence intrafamiliale". La demande est venue de Sandrine Bonnamich, déléguée départementale aux Droits des femmes et à l’égalité. Sollicitée, Vanessa Monteillet a foncé. Le partenariat avec la Croix-Rouge et la préfecture a été officiellement scellé le 21 novembre dernier.
42 étudiants se sont portés volontaires. Un sourire s’affiche sur le visage de la juriste : « C’est plus qu’espéré. On a même eu quelques candidatures après la clôture des inscriptions. » Les étudiants pourront s’enrichir humainement, avoir une expérience pratique du droit mais aussi une bonification de leur moyenne. Ils peuvent en bénéficier quand ils s’investissent dans des associations ou dans du sport. « J’avais des bonifications sport lorsque j’étais étudiante », sourit Vanessa Monteillet. Elle a longtemps pratiqué le basket. Adolescente, elle a joué au foot : deux ans dans un club aveyronnais et deux ans à l’université d’Albi. Les équipes étaient mixtes. Dans son équipe aveyronnaise, elle était la seule fille. « Cela ne m’étonne pas. Elle ne s’interdit rien, éclate de rire son amie Axelle Duffour, rencontrée en thèse à l’université de Montpellier. Elle est même très bonne en boxe. À son enterrement de vie de jeune fille, elle nous a toutes mises KO. Elle est très combattive. »
Troisième et dernière enfant d’une famille d’agriculteurs aveyronnais, Vanessa Monteillet est la seule fille de sa fratrie. Ses parents élevaient une vingtaine de vaches à Inières, village d’une centaine d’habitants, à 20 minutes de Rodez. C’est par ses lectures que cette jeune fille découvre le milieu juridique. « J’ai toujours aimé lire. J’adore écrire, manipuler les mots », indique-t-elle. Aujourd’hui maman d’une petite fille de trois ans, elle n’a ni le temps de faire du sport ni d’écrire pour le plaisir. Depuis 2021, elle dirige le département Droit-AES de l’université de Nîmes qui rassemble 1 600 étudiants. Elle enseigne une quinzaine d’heures par semaine. Mais elle rédige toujours dans le cadre de ses recherches. « Elle cherche la précision et la poésie. Elle fait partie des auteurs qui arrivent à rendre plus agréables les textes juridiques », souligne son collègue Gustavo Cerqueira. Diantre, comment y parvient-elle ? « Elle fait des métaphores, utilise beaucoup d’exemples qui simplifient et vulgarisent tout en étant très bonne techniquement, décrit son amie Axelle. Elle vient d’un milieu modeste, je pense que cela lui tient à cœur que ce soit accessible. »
Sur son CV, les mentions « bien » ou « très bien » se succèdent. « Major de promotion » revient avec récurrence. « J’étais une élève moyenne au lycée et quand j’ai commencé en droit à l’université d’Albi, j’ai eu des notes que je n’avais jamais eues. L’argumentation me plaisait », se souvient l’intéressée. Elle grimpe jusqu’au doctorat. À l’université de Montpellier, elle choisit la contractualisation du droit de l’environnement. Elle fait ses recherches, donne des cours de travaux dirigés et perçoit un salaire. « Auparavant, je cumulais bourse sociale et bourse au mérite. Mais je n’ai pas eu besoin de travailler à côté comme le font beaucoup d’étudiants d’Unîmes car mon conjoint, décédé il y a deux ans, m’a soutenu à maints égards », reconnaît-elle. À Unîmes, université qui compte un nombre de boursiers au-dessus de la moyenne nationale, elle veille à limiter les cours le samedi matin pour que les étudiants puissent, si besoin, avoir un petit boulot. Certains peuvent bénéficier de contrats d’aménagement.
Depuis qu’elle est devenue doyenne de la fac de droit, à 35 ans, de grands noms du monde juridique sont venus assurer une conférence inaugurale de rentrée à Nîmes : François Molins (*) en 2021, Chantal Arens en 2022, Laurent Fabius cette année…. Est-ce que c’est simple de faire venir le président du Conseil constitutionnel dans la plus jeune université de France métropolitaine ? « Il suffit de demander, assure-t-elle avec simplicité. Ce n’est rien d’autre qu’envoyer un courrier. » Pour elle, ces leçons inaugurales de prestige, permettent « de donner de la visibilité » sur le travail de l’université mais aussi de fédérer l’équipe. C’est Gustavo Cerqueira, professeur d’université, qui lui avait suggéré de relancer cette tradition. « J’ai du mal à trouver un défaut à Vanessa », assure-t-il. Il décrit une femme « très élégante », « très bien élevée », qui valorise les initiatives des autres : « Elle ne se met pas en avant, ne s’approprie pas le travail des autres. » Aurore Fournier, maître de conférence en droit, confirme : « Ce n’est pas la meneuse qui décide. C’est la cheffe d’équipe qui arrive à faire émerger en chacun le meilleur. Elle nous valorise pour nous donner confiance. » Tous deux dépeignent une femme lumineuse. L’université collabore avec le barreau de Nîmes. Khadija Aoudia, la batonnière, était présente lors du lancement de la clinique juridique : « J’ai pu constater que Vanessa Monteillet est profondément humaniste, soucieuse d’accompagner ses étudiants vers l’excellence et l’excellence ne peut pas faire l’économie de l’humanité. » Son amie Axelle confirme cette analyse. En doctorat, elles étaient toutes deux chargées de travaux dirigés à Montpellier : « Vanessa était très appréciée de ses élèves. Même le dernier des derniers, elle arrivait à lui faire atteindre la moyenne. Elle ne lui mettait pas la pression. Elle allait chercher ses qualités. Elle se mettait à sa place pour voir comment il raisonnait et le poussait. »
*SIAO : service intégré de l’accueil et de l’orientation.
** Chantal Arens a occupé les fonctions de première présidente de la Cour de cassation du 6 septembre 2019 au 30 juin 2022. François Molins a été nommé procureur général près la Cour de cassation en 2018.