Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 04.01.2024 - Thierry Allard - 4 min  - vu 357 fois

FAIT DU SOIR Fernand Dumas, une vie sur les planches

Fernand Dumas, en mai 2022 à Bagnols.

- Thierry Allard

C’est une grande silhouette, longiligne, qui fait partie du paysage bagnolais depuis maintenant 90 ans. Homme de théâtre, Fernand Dumas a monté presque autant d’associations qu’il a joué de pièces, a vu passer « au moins 200 ou 300 gamins » dans ses cours de théâtre et continue aujourd’hui à donner un coup de main les samedis matins, après une vie sur les planches. Cet article est issu du numéro 75 magazine Objectif Gard paru en juin 2023. 

Au départ, il y a bien ce théâtre itinérant, le théâtre Dret, qui passait régulièrement par Bagnols, devant le Café de la Poste. Le jeune Fernand a une dizaine d’années, c’est encore la guerre, il n’y a pas vraiment d’autre distraction et il se régale à voir les acteurs passer de la comédie au drame, en passant par le vaudeville. « Ils jouaient chaque soir une pièce différente », se souvient-il dans un sourire. Il se verrait bien à leur place. « Une fois, le théâtre était vide, je suis monté sur scène pour voir, mais j’étais trop timide », rejoue-t-il.

Le théâtre reviendra plus tard dans la vie de ce garçon distrait, grand et maigre, aux cheveux bouclés, marqué par plusieurs passages en sanatorium au Grau-du-Roi pour y soigner une santé fragile - « À 19 ans, je mesurais 1,87 mètre pour 40 kilos » -, mais « par hasard », dit-il. Nous sommes en 1956, le proviseur du lycée cherche des figurants pour monter George Dandin, de Molière. « Au début, je ne voulais pas jouer, mais j’ai eu un gros rôle. J’ai vu que ça allait, ça m’a donné envie », explique-t-il simplement.

Le voilà contaminé par le virus du théâtre, mais aussi de la poésie. Avec ses copains de l’époque, Fernand Dumas passe du bon temps à la Roque-sur-Cèze chez son ami et poète Palou : « Mon fief. C’était crado, mais à la bonne franquette. Là-bas c’était la bohème. » Dans les ruines du village, sa bande et lui font des soirées poétiques, lisent les textes de leur ami, se font de bonnes bouffes bien arrosées. « On faisait des soirées poétiques dans les restaurants et on se faisait payer les repas », se remémore le nonagénaire, qui à cette époque reprend l’association les Ménestrels théâtre avant, il y a une trentaine d’années, de monter l’Atelier jeune théâtre (AJT), pour transmettre la passion du théâtre aux plus petits.

Fernand Dumas dans George Dandin sur la scène du Mont Cotton, à Bagnols, en 1956. • © DR

« Heureusement que j’avais le théâtre »

« J’ai eu plus de 200 ou 300 gamins qui pour certains me suivent toujours », s’enorgueillit-il. Plus tard, il permettra à ces jeunes de jouer leurs pièces lors du festival Les Jeunes Bagnolais se la jouent, qui existe toujours aujourd’hui. « Je joue à travers eux. Je me suis régalé. Ça m’a plu autant que de jouer moi-même », affirme Fernand Dumas, qui donne toujours des cours aux AJT le samedi matin.

« Heureusement que j’avais le théâtre », affirme-t-il aujourd’hui à l’heure du bilan. Car côté professionnel, Fernand Dumas a moins de choses à raconter. Après une école de tailleur à Lyon, il rentre à Marcoule où il passera toute sa carrière. Au sein du premier site nucléaire français, le jeune homme s’occupe des tenues des salariés du site. « J’avais un travail abrutissant. Je repassais toute la journée. 350 chemises par jour, c’était du travail à la chaîne. » Alors comme son travail n’est pas très prenant intellectuellement, Fernand en profite pour répéter ses rôles.

Parallèlement, il fait rentrer la culture sur le site nucléaire, en prenant la présidence de l’Association culturelle de Marcoule. « C’était le paradis. Je faisais ce que je voulais. Une exposition de peinture chaque mois », se remémore-t-il. Avec Marcoule toujours, il montera plus tard une association pour créer un centre artisanal et artistique « en plein cœur de la brousse au Sénégal », et s'investit dans l’humanitaire. Puis, à Bagnols, il deviendra conseiller municipal du socialiste Gérard Revol, de 1995 à 2001, et adjoint à la Culture de Jean-Christian Rey, de 2008 à 2014. « Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours fait du bénévolat. Je me suis toujours tourné vers l’autre », résume-t-il.

Fernand Dumas dans la Passion, au casino de Bagnols, dans les années 1960. • © DR

« Je suis un peu marginal »

Ce qui ne l’empêche pas d’être « un peu marginal », notamment lorsqu’il part s’isoler dans son cabanon, ou plutôt son « K-banon », dans un bois de Saint-Michel d’Euzet. Un bout de terrain qu’il a acheté lorsque ses deux garçons étaient petits, « pour avoir un coin de bois chez nous » et aller y pique-niquer tranquillement, même si « ça faisait chier les chasseurs ! », s’amuse-t-il encore aujourd’hui. Fernand demande un permis de construire au maire sans trop y croire, mais l’obtient et construit son « K-banon ». Dans son refuge, il s’isole parfois quelques jours, mais organise aussi des fêtes et des repas avec ses amis.

Sans doute y retrouve-t-il aussi un peu de l’ambiance de chez Palou, mort un soir où Fernand Dumas lui consacrait justement une émission sur la radio libre bagnolaise Gard-Antenne, dans les années 1980. « Je disais dans cette émission qu’il ne fallait pas attendre que les gens soient morts pour leur rendre hommage et il est mort ce soir-là », retrace-t-il. La leçon a été retenue par les amis de Fernand, qui ont organisé début mai un anniversaire surprise, avec la complicité de la Mairie, pour ses 90 ans.

« C’était très émouvant », commente-t-il, tout en regrettant de ne pas s’être habillé pour l’occasion, surprise oblige. « Il y avait un gâteau de 18 kilos », précise-t-il, trouvant toutefois que, lui avoir organisé pareille fête, « c’est trop. J’avais un peu l’impression d’assister à mon enterrement ! », rigole-t-il. Il faut dire que Fernand Dumas, qui compte désormais « plus de temps de retraite que de travail », ne compte pas raccrocher. « Je ne l’envisage pas, ça fait partie de ma vie », dit celui qui est désormais deux fois arrière-grand-père : « 90 ans, c’est jeune pour l’être ! »

Thierry Allard

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