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Publié il y a 1 an - Mise à jour le 09.10.2023 - Sabrina Ranvier - 3 min  - vu 267 fois

LE DOSSIER Cévennes : cet internat où on se met au garde-à-vous (partie 1)

Le vendredi démarre par le levée des couleurs, suivi de la cérémonie de mise à l'honneur. les pensionnaires font le point dans chaque section puis effectuent des TEC (des travaux d'entretien). Cyprien nettoie ici les abords de l'établissement. 

- Sabrina Ranvier

Ils ronchonnent à propos des livres trop longs à lire, s’emportent contre les emplois du temps trop chargés. Chaque année en septembre, la très grande majorité des ados de 17 ans retournent au lycée. Mais que deviennent ceux qui ont décroché ? Après avoir lâché un bac pro commerce, Yanis a cumulé des petits boulots. Arthur, Andréa ou Sirine possèdent un baccalauréat. Mais ils ont dévissé en BTS ou dans l’enseignement supérieur. Déboussolés, déscolarisés, parfois empêtrés dans des situations familiales compliquées, ils ont tous choisi volontairement d’intégrer l’Epide à La Grand'Combe. Dans cet internat de la deuxième chance, les 17-25 ans portent un uniforme, chantent la Marseillaise le vendredi. Mais, surtout, ils comblent leurs lacunes scolaires, passent leur permis et construisent des projets d’insertion.

Sur mesure

Mais le but de cet internat n’est pas forcément de former des futurs membres des forces de l’ordre. Arthur Coulin partage la chambre de Yanis et Cyprien, pas leurs projets professionnels. Ce jeune homme élancé de 24 ans aimerait devenir monteur-réparateur vélo. Mais il creuse aussi une deuxième option : travailler dans l’environnement. Son regard part vers les collines de châtaigniers qui enserrent La Grand'Combe : « J’ai besoin de la nature. Je m’en rends compte maintenant. »

Arthur possède un bac pro économie du bâtiment obtenu au lycée Mistral à Nîmes. Il a ensuite tenté un BTS mais a lâché après deux premières années. « Après, je n’arrivais pas à faire grand-chose. J’ai fait de l’intérim. Je n’avais pas le permis. C’était laborieux… », reconnaît-il. Suite à une rupture amoureuse, il se retrouve dans la rue et se refuse à retourner chez sa mère : « Je voulais me débrouiller seul, en autonomie. » On lui vole son téléphone, son ordinateur. Il passera 4 mois dehors. La compagne de son père lui parle de l’Epide. Il est séduit et quitte l’hébergement en camping qu’il avait trouvé à Anduze. Ce jeune homme à l’air posé et apaisé reste à l’Epide le week-end. Les volontaires y sont pris en charge par une association Koalia.

Andréa Armand ne va pas non plus rentrer ce week-end. Cette jeune fille réservée de 20 ans est dans la même section que Cyprien, Yanis et Arthur. Cette jeune femme menue est native de Madagascar. Comme sa mère ne voulait pas que ses enfants grandissent dans un climat d’insécurité, elle est venue à Nîmes où elle travaille dans la logistique. Andréa, 20 ans, est arrivée en France il y a 10 mois. Elle avait obtenu un bac littéraire à Madagascar. « J’ai commencé quelques trucs puis j’ai arrêté du jour au lendemain, résume-t-elle. Je n’ai rien fait pendant deux ans ». Le point d’information PIMMS de Nîmes, l’a aiguillée vers l’Epide. Elle y affine un projet pour « être dessinatrice de bâtiments ».

Nettoyage tous azimuts

Même s’ils ont été mis à l’honneur ce vendredi, Andréa, Yanis, Arthur et Cyprien, doivent filer exécuter les « tec » qui leur ont été attribuées. Les « tec » ce sont des travaux de nettoyage et d’entretien des locaux. Cyprien et Yanis récupèrent un souffleur pour dégager les amas de feuilles mortes qui encombrent les trottoirs devant l’Epide. Arthur file vers le deuxième étage de l’internat. Il doit nettoyer les douches collectives de leur étage. A 10h, des polos rouges s’agitent de tous les côtés. De la musique et des effluves de produit ménager s’échappent des pièces. Certains volontaires arpentent la cour pour ramasser papiers, bouteilles vides... D’autres nettoient les salles, le foyer. Un jeune homme passe une raclette dans les escaliers en soufflant.

« C’est le « tec » le plus pénible », reconnait Camille Laffut, 20 ans. Elle ne vit plus à l’Epide et a décroché un CDI au Lidl de Tamaris à Alès. Elle a son propre appartement à 12 minutes à pied de son travail. Ce vendredi, elle est en repos. Elle s’est pourtant levée tôt. À 7h45, elle a pris le bus direction La Grand'Combe pour revoir ses anciens cadres et ses amis restés à l’Epide. Arrivée à 8h15, elle a raté la levée des drapeaux. C’est la seule « civile » dans une marée d’uniformes. Mais, on ne la remarque pas vraiment. Elle a gardé de vieux réflexes : elle porte un pantalon rouge et une chemise bleue et rouge. « Ce n’est pas fait exprès », sourit cette titulaire d’un bac STI2D. Quand on lui demande de raconter son meilleur moment à l’Epide, cette Alésienne cale : « C’est difficile. Il y a eu beaucoup de bons moments. » Elle finit par évoquer le stage de cohésion effectué à Lyon avec sa section, les parties de Uno avec les amis avant le couvre-feu de 22h30. Elle concède avoir quand même vécu des moments difficiles comme lorsqu’elle n’a pas été retenue par la SNCF pour devenir chauffeur de train. « Les cadres de l’Epide m’ont aidé et après c’est reparti. Ici, j’ai pris confiance », avoue-t-elle. Quand elle avait dit à sa mère qu’elle voulait intégrer l’Epide, cette dernière était « limite pas rassurée » : « Elle me disait on dirait une secte ». Aujourd’hui, Camille est presque nostalgique de l’ambiance des « tec » effectués tous ensemble le vendredi matin. Et elle le reconnaît, ça l'a bien préparée au travail de nettoyage parfois demandé au Lidl. « La tenue Epide imposée, cela ne me dérangeait pas. Cela a un côté professionnel. Au Lidl, on porte aussi une tenue et des chaussures de sécurité », analyse-t-elle.

Sabrina Ranvier

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