FAIT DU SOIR La chance d’avoir un monument libre d’accès
L’extraordinaire aventure de la Via Domitia en Occitanie, un livre à offrir ou à avoir dans sa bibliothèque !
Beaucaire, Jonquières, Redessan, Manduel, Nîmes, Uchaud sans oublier Codognan ou encore Sommières… Mais voyons plus large que le seul département du Gard. En Occitanie, 89 communes sont cernées et traversées par la Via Domitia. Bon, le Gard compte tout de même 17 communes concernées par l’antique tracé.
La Via Domitia est comme une belle histoire que l’on raconte aux enfants et qui fait briller les yeux. Voir un chemin, quel qu’il soit, emprunté par les Hommes depuis 2 000, avec les traces, indélébiles, qu’ils ont laissé au fil des âges, c’est émouvant.
Ce chemin poussiéreux, caillouteux, se dessine dans le paysage. Non, c’est lui qui a dessiné ses environs ! Long, rectiligne et d’une praticité rare car aujourd’hui encore nous utilisons le même tracé, nous marchons sur les mêmes sillons que nos aînés, la Via Domitia est un monument à part qui mérite d’avoir son livre et d’être narré aux bambins qui s’en occuperont demain.
C’est la tâche que se sont lancé deux amoureux de l’histoire et du territoire, le photographe Jean-Claude Martinez et le président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, Dominique Garcia.
Il y a 70 ans, dans l'Aveyron, un photographe qui allait devenir Biterrois naissait. La photo en noir et blanc allait être son crédo et, même si son sujet de prédilection deviendrait le quotidien de la vie, les grands ensembles, les balades y compris à vélo et l’histoire des territoires ainsi que leurs typicités, l’ont toujours intéressé.
Nous parlons de Jean-Claude Martinez. Depuis plus de deux ans, il a rencontré les acteurs ayant une connaissance de la Via Domitia pour identifier le tracé de la voie romaine et étudier la faisabilité de créer un itinéraire depuis le Rhône jusqu’aux Pyrénées. Donc, le Gard figure en bonne place dans le livre dont il a accouché en octobre dernier.
Oui, un livre ! On peut faire un livre tout à fait pertinent sur la Via Domitia. La preuve. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, Jean-Claude l’a bien compris. C’est pour cela et surtout pour mener au mieux ses projets qu’il créé en 2006 Suerte-éditions, une maison particulière, qui veut bien faire les choses.
Mais revenons au livre. Ce travail de recherche a ainsi permis la réalisation d’images inédites sur des portions de voies oubliées et de faire des propositions aux collectivités pour la création d’une continuité le long de la voie.
Ce livre n’est pas un aboutissement, bien au contraire, c’est un outil à la disposition de tous ceux qui portent le projet de valorisation de la Via Domitia en Occitanie. L’objectif ? Montrer la réalité de la voie aujourd’hui et susciter l’envie auprès du public d’emprunter dès à présent les tronçons accessibles. L’objectif majeur est de mettre en avant l’opportunité patrimoniale que représente la voie pour fédérer les territoires et collectivités concernés afin de poursuivre la dynamique du projet.
« Je me définis comme un photographe humaniste, c’est la relation à l’autre qui m’intéresse et, surtout, que de cette relation naisse une photo qui m’échappe et porte quelque chose ! L’idée, sur ce projet, était de montrer les usages actuels de la Via Domitia, c’était mon fil conducteur. Chaque semaine j’envoyais six photos à Dominique Garcia, ça m’obligeait à travailler. »
Retour en arrière. Il y a trois ans, le Centre des monuments nationaux a demandé à Jean-Claude Martinez de monter une exposition sur le site de Glanum. Le photographe ayant déjà pas mal travaillé sur le patrimoine romain en méditerranée (dix villes réparties dans sept pays), le sujet lui plaît particulièrement.
« C’est alors que je me suis dit qu’il me fallait travailler sur la Via Domitia ! J’ai présenté une dizaine de photos puis j’ai repéré la route en Occitanie. Là, grande révélation, je me suis aperçu qu’à chaque fois que je rencontrais quelqu’un qui la connaissait, cette personne pouvait m’en parler ! Il y a, partout, de véritables passionnés qui ont une bonne connaissance de leur territoire ! »
Mais ces gens n’ont pas forcément une connaissance scientifique ou historique parfaites de la Via Domitia… De plus, la route est longue, plus de 250 km et, souvent, ces personnes ne connaissent spécifiquement qu’un secteur.
Une fois l’expo de Glanum terminée, le photographe monte son nouveau projet pour tenter l’aventure d’unir ces passionnés du patrimoine autour d’un livre sur la Via Domitia.
« C’est un livre qui parle de la Via Domitia dans ses aspects scientifiques mais qui rend aussi possible de l’itinérance et de la découverte. C’est un livre intemporel qui restera longtemps car quasi exhaustif même si nous aurions pu développer et combler quelques petites lacunes mais j’ai opté pour des personnes très présent sur mes images. »
Pour produire ce genre de livre mieux vaut être fada ! L’étant forcément un chouïa, Jean-Claude Martinez avait pigé le truc depuis belles lurettes. Il a créé sa maison d’édition, Suerte éditions et fait lui-même ses maquettes, très réussies. « Chez un éditeur, je me suis toujours senti à l’écart… Alors je suis allé voir un banquier et j’ai commencé. Pour ce livre je suis à nouveau passé par le banquier qui j’ai réussi à convaincre. » Éditer son propre livre a permis à Jean-Claude Martinez d’imprimer ce bel ouvrage en Occitanie et pas en Espagne ou en Italie.
Hélas, le revers de la médaille c’est la visibilité. Avec son livre et son bâton de fervent marcheur, le photographe écume les libraires qui sont à proximité du tracé et tente sa chance avec elles si elles veulent jouer le jeu. « Ils trouvent que c’est un bel objet et les libraires le prennent tous avec plaisir. » À Nîmes, les frères Teissier, bien sûr, mais aussi Goyard et le Musée de la Romanité ont joué le jeu et l’Office de Tourisme semble intéressé. « Je mène mon projet jusqu’au bout, je sais où j’en suis de mes ventes et j’ai fixé un prix abordable à moins de 30 euros. »
Il fallait avoir une continuité du Rhône aux Pyrénées car l’histoire a légèrement modifié le tracé initial de la Via Domitia, le territoire a été aménagé. « Une vingtaine d’associations est impliquée et nos 60 bénévoles, en même temps qu’ils réalisaient les repérages, ont étudié et proposent de contourner des obstacles modernes par une voie de substitution ou une voie de jonction qui permet d’avoir une continuité sur des chemins très souvent ruraux. La cartographie est disponible en ligne et est actualisée tous les jours. »
Sur les quatre départements concernés par la Via Domitia, l’intégralité du chemin est aujourd’hui connue et reconnue. L’association va proposer aux collectivités de prendre en compte cet enjeu selon les domaines de compétences desdites collectivités. Toutes seront, à un moment ou à un autre impliquées.
« Le milieu associatif connaît le terrain et il a une souplesse qui lui permet de faire avancer les choses, d’agir sur le terrain et d’agir rapidement si besoin. De plus, les scientifiques prennent très au sérieux les associations car elles ont des ressources, des connaissances, qu’ils apprécient. Nous discutons bien avec les archéologues » explique Agnès Roy, déléguée gardoise de l’association Via Domitia Collectif Occitanie.
De la Région aux communes en passant par les départements et les agglos… « La Région a bien soutenu car elle a acheté 250 exemplaires du bouquin » confirme Jean-Claude Martinez. Tout le monde peut en partie agir mais, aucune demande de subvention n’a encore été formulé par l’association.
« On a fait une grande réunion technique avec toutes les personnes ayant travaillé sur les relevés terrain au Musée de Narbonne, Narbo Via, qui soutient le projet et qui va bientôt organiser une exposition sur la Voie au sein du parcours permanent de mai à décembre. On avance… Nous avons, dans l’association Via Domitia collectif Occitanie, plus de 85 adhérents dont 13 associations. »
Le travail de terrain est assuré par les associations en s’appuyant sur celui des scientifiques. « Nous apportons la continuité et nous sommes rigoureux. Le livre en est le reflet, il est complet, accessible par tout le monde. » Et l’association peut aussi intervenir directement sur le terrain comme elle l’a fait récemment à Beaucaire, aux Bornes de César, l’un des plus beaux sites de la Via Domitia.
C’était une discussion constructive avec l’entreprise Calcia qui est propriétaire des terrains voisins et qui voulait remanier les lieux. « Nous avons souhaité une étude paysagère d’ensemble, la société va s’en occuper et payer une étude réalisée par un bureau d’étude indépendant qui prendra en compte toutes les contraintes et qui fera des propositions. »
L’asso a écrit un « manifeste pour la valorisation de la Via Domitia » dont les communes et collectivités peuvent s’emparer pour marcher dans les pas de ces âmes bienveillantes. Y adhérer, c’est soutenir le patrimoine local, c’est aussi se poser les bonnes questions pour le faire vivre et pour lui donner une é nième existence en lien, comme chaque époque, avec os usages.
« Nous aimerions que, dans les villes traversées par la Via Domitia, les marcheurs puissent suivre le parcours et savoir où ils doivent aller pour sortir de la ville en utilisant ce cheminement. » La Ville de Nîmes pourrait être intéressée, en tout cas l’écoute est présente.
Un autre exemple ? Nous sommes à Uchaud et à Uchaud on sait qu’un sentier de randonnée part du village, qui fait quelques kilomètres mais qui propose une découverte du patrimoine. « Nous voulons essayer de structurer et de cartographier toutes les boucles de randonnées qui viennent ou passent par la Via Domitia. L’idée est que la Via Domitia devienne un axe structurant, de référence, et qu’il permette de découvrir le patrimoine. Nous allons aussi cartographier toutes les gares pour que les visiteurs puissent préparer leur randonnée. »
Quand les premières collectivités qui joueront le jeu verront les bénéfices pour leur territoire, les autres devraient suivre et la Via renaîtra dignement.
L’association fera le cahier des charges soumis à la DRAC qui l’a adapté et, en dix actions, le site pourra être valorisé et tout le monde sera content ! Le but de la manœuvre est de multiplier ce genre de partenariats tout au long du tracé initial.
Le livre étant sorti, place à l’animation au cœur des territoires. « Nous comptons aller voir les collectivités avec des propositions précises et avoir la possibilité de recréer des tronçons complets de plusieurs kilomètres. Nous voulons mettre en route un itinéraire qui labellisera des tronçons en y impliquant acteurs locaux, économiques et des opérateurs touristiques pour une vraie bonne dynamique ! »
Ainsi, les tronçons les plus actifs seront les premiers à être mis en valeur et serviront d’exemple au reste du tracé. Les marcheurs, promeneurs, familles et passionnés pourront aussi contribuer à l’entretien du monument car oui, c’est un monument même si c’est un chemin !
Quand Jean-Claude Martinez et les membres de l’association Via Domitia Collectif Occitanie évoquent les mots de Via Domitia, qu’observent-ils chez leurs interlocuteurs ? « De la fascination. Dès qu’on en parle, quelque chose scintille, elle est ancrée dans l’inconscient collectif, tout le monde en a entendu parler mais peu sait où la trouver ! »
Parmi les bénévoles, dans le Gard, c’est donc Agnès Roy, déléguée de l’association Via Domitia Collectif Occitanie, qui fait vivre les animations.
« La dynamique est partie du Gard ! Michel Gaini, un ancien collaborateur de Philippe Lamour, était maire de Manduel et a remis la machine en marche notamment pour le tronçon. Beaucaire-Manduel (NDLR peut-être le plus beau reste de la voie antique). C’est là que tout a redémarré et il faut que cela se propage. »
Au-delà de Philippe Lamour, véritable visionnaire territorial, personne n’a jamais saisi l’opportunité de faire vivre une telle voie historique dans une région où s’élèvent encore quelques-uns des édifices romains les mieux conservés au monde.
« Il y a encore des fouilles qui sont en cours. Récemment sur la digue du Rhôny par exemple. On parle avec eux, on échange. Pour parler collectivité, c’est sans doute les PETR et les communautés de communes qui vont pouvoir s’emparer de ce projet car leur strate est idéale. »
Le Gard ne fait pas défaut au bon vouloir de ce nouveau projet de vie. Le territoire doit saisir toutes les opportunités de se faire connaître pour son patrimoine et sa douceur de vivre. « Des municipalités ont montré de l’intérêt à ce projet. Dans le Gard il y a déjà la fête du mois de septembre à Jonquières-Saint-Vincent par exemple. En 2025 la fête aura lieu dans les quatre départements le week-end suivant les Journées européennes du patrimoine. Il y a aussi des projets comme celui de l’implantation d’un moulage d’une borne à Milhaud. Il doit y avoir d’autres actions mais il faut arriver à le fédérer et à leur donner une envergure régionale. »
N'oublions pas non plus que la Via Domitia est le monument romain le plus imposant d’Occitanie et qu’il serpente parmi quatre de ses départements, offrant à la région une option supplémentaire pour unir ses peuples modernes.
« C’est un beau livre, un témoignage vivant du patrimoine du passé que l’on peut offrir en cadeau. Il est consultable à plusieurs niveaux, c’est rare ! C’est passionnant et quand on met le doigt dedans… La Via Domitia a donné son nom à bon nombre d’appellations, objets, lieux, c’est parfois gênant car certains trichent et valorisent des fausses bornes bien loin du tracé initial. »
Hélas, une association n’a jamais les moyens financiers de ses ambitions patrimoniales. C’est alors que, depuis le terrain, elle fait remonter à qui de droit, ce qu’elle sait ou ce qu’elle a remarqué.
Allez, espérons que les collectivités vont s’emparer de ce beau projet que Philippe Lamour voyait déjà, il y a près de 45 ans, comme un attrait touristique régional et patrimonial… Mais, en attendant, c’est à vous de jouer, à vous de vous investir pour votre territoire !
L’extraordinaire aventure de la Via Domitia en Occitanie au format 22X24cm pour 132 pages, 98 images en noir et blanc. Imprimé en France, prix de vente en souscription à 24 euros (hors frais d’envoi (jusqu’au 24 octobre), prix de vente public à 28 euros.
Pour adhérer à l’association ou pour de plus amples informations sur le projet : Via Domitia, collectif Occtanie, 140 avenue Robert de Joly 30 620 Uchaud ou par mail à viado(a)myyahoo.com
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