Publié il y a 8 mois - Mise à jour le 10.08.2023 - Propos recueillis par François Desmeures - 7 min  - vu 2784 fois

FAIT DU SOIR Laurence Baldit, maire de La Grand'Combe : "On ne sait pas ce qu'on serait devenus sans politique de la Ville"

Laurence Baldit, maire de La Grand'Combe depuis le 4 février 2023

- François Desmeures

Sur les deux Quartiers prioritaires de la Ville que compte La Grand' Combe, celui de Trescol - La Levade pourrait bien être rayé des tablettes du dispositif par manque d'habitants. Tandis que celui du centre-ville reste tout de même en attente d'une dérogation.

La maire, Laurence Baldit, revient ce qu'apporte la politique de la ville et les conséquences qu'entrainerait la sortie du dispositif. La Ville, en lien avec la sous-préfecture, a fait de nouvelles propositions en agrandissant le périmètre du quartier. Elle attend une décision, qui devrait tomber à la fin de l'été. Entretien.

Laurence Baldit, maire de La Grand'Combe depuis le 4 février 2023 • François Desmeures

Objectif Gard : Quels sont les quartiers sous politique prioritaire de la ville et combien d'habitants abritent-ils ?

Laurence Baldit : La Grand'Combe compte deux quartiers prioritaires de la Ville (QPV) : le quartier du centre-ville et de l'Arboux, puis celui de Trescol - La Levade. Ce qui couvre, de fait, près de 65% de notre population. Centre ville-Arboux, ce sont 2 422 habitants, et 806 à Trescol - La Levade. 

Avec les critères correspondant à la loi Lamy de 2014 (*), quand ils avaient intégré le dispositif ?

On avait demandé une dérogation pour l'aire urbaine de 10 000 habitants, parce qu'on n'y était pas tout à fait. Et elle avait été acceptée. 

"Pour 2022, un apport de 300 300 €"

Qu'apporte, dans les quartiers, ce classement en QPV ?

Pour 2022, le financement total de la politique de la Ville nous a apporté 300 300 €. Avec une part de l'État, de la Région, du Conseil départemental et d'Alès Agglo. Ça permet à des associations, de jeunes et de moins jeunes, de proposer des activités multiples, culturelles, sportives, etc. Ça permet aussi de mettre en place des "quartiers d'été". Bientôt, par exemple, on a des ateliers trapèze et cirque. Ça peut donner un coup de pouce à certains jeunes pour trouver un emploi l'été... Au cours de l'année, il y a aussi le soutien à l'éducation. Pour nous, c'est important parce qu'on a toute une population - et ce n'est absolument pas péjoratif - qui n'a pas "d'ambition de réussite" pour ses enfants uniquement parce qu'elle pense que les moyens ne sont pas réunis pour que leurs enfants réussissent. La carte des QPV se superpose avec la carte de l'éducation prioritaire. Ce que le Réseau d'éducation prioritaire (REP) apporte, c'est un effectif de 25 élèves, en moyenne, par classe ; et des primes pour rendre ces postes d'enseignant attractifs. Donc quand, sur une école, on a 60 enfants, on a trois classes. Si on n'est plus dans le réseau, on a deux classes. Donc, on passerait de trois classes de 20 à deux classes de 30 élèves. Ce qui, évidemment, pose un véritable problème. Dans un autre domaine, la maison de santé Simone-Veil a obtenu des subventions parce qu'on est en politique de la Ville. Et heureusement qu'elle est là ! Même chose pour le parc Frida-Kahlo, qui fédère beaucoup de population. Ce sont des lieux assez emblématiques de notre commune. 

Depuis quand La Grand'Combe a-t-elle des quartiers sous régime prioritaire ?

Depuis 1979, avec ce qu'on appelait alors "habitat social". 

"La volonté que nous avons eue d'améliorer le cadre de vie se retourne contre nous"

Trescol - La Levade est passée sous la barre des 1 000 habitants. C'est ce qui bloque le renouvellement du QPV aujourd'hui ?

Oui. Mais parce que, dans le cadre de la politique de la ville, nous avons voulu améliorer le cadre de vie des populations. Et nous avons fait démolir des barres de HLM. Donc, forcément, on a perdu des populations... Et nous sommes désormais en-deçà du nombre attendu d'habitants. D'une certaine manière, la volonté que nous avons eue d'améliorer le cadre de vie se retourne contre nous. 

"Je pense qu'on peut être raisonnablement optimiste"

Quels types de solutions recherchez-vous pour faire repêcher le quartier ? En étant rattachée à l'aire urbaine d'Alès, une dérogation serait-elle possible ? 

L'aire urbaine - La Grand'Combe, Les Salles, Branoux, la Haute-Levade - on a peu de chances de travailler dessus. On aimerait bien être intégré à l'aire urbaine d'Alès... D'ailleurs, Saint-Ambroix en fait partie alors que la commune n'est même pas dans l'agglo d'Alès. Et ce n'est pas pour s'en prendre à Saint-Ambroix ! Mais c'est une logique qui nous échappe, ce sont des critères de l'INSEE. On peut juste espérer, sur ce volet, que la dérogation accordée en 2015 soit reconduite. On a fait cette demande auprès de l'ANCT (agence nationale de cohésion des territoires, NDLR) et on a essayé de revoir le périmètre géographique du quartier, en sachant qu'il ne faut pas qu'il y ait deux cents mètres sans habitants. On a fait des propositions à l'ANCT, qui a réétudié notre proposition. Pour l'instant, elle pense que c'est judicieux, que c'est intéressant. Je pense qu'on peut être raisonnablement optimiste, nos propositions ont été accueillies positivement. Mais il faut qu'on ait une réponse plus sûre, comme ont pu l'avoir Saint-Ambroix et Anduze. 

Jean Rampon, sous-préfet d'Alès, qui se disait un peu moins optimiste pour La Grand'Combe, restait très étonné de cette remise en cause du classement en QPV...

Personne ne comprend. On était un peu dubitatifs, avant d'avoir mené tout ce travail avec les services de l'État. On a fait une réunion de concertation avec la population, qui a vu une forte mobilisation de 140 personnes. On a expliqué ce qu'était la politique de la Ville, les enjeux si on en venait à en sortir. Puis, les gens ont travaillé en atelier pour écrire ce qui était important pour eux dans la politique de la Ville. 

Le départ du sous-préfet Jean Rampon, alors qu'il s'était engagé sur le sujet, ne risque-t-il pas d'handicaper votre requête ?

Je fais confiance aux personnes qui arrivent sur leur mission. Et puis, on est vite dans le bain et je pense que le nouvel arrivant sera vite saisi par les problèmes locaux. Et on va vite demander à faire connaissance. 

"Je ne sais pas où seraient les enfant s'ils n'étaient pas avec les associations, ça serait terrible"

Pour vous, personnellement, est-ce tout simplement imaginable de perdre ce "label" ?

C'est inimaginable. Et puis, avec ce qui s'est passé dans le pays suite au décès du jeune Nahel... C'est très symptomatique. Ce qui est clair, c'est que la fin de politique de la Ville voudrait dire la fin des REP, donc une éducation très complexe à gérer. Et toute la prise en charge des enfants pendant l'été, pendant les vacances, à la sortie de l'école, disparaîtrait. Je ne sais pas où seraient les enfants s'ils n'étaient pas avec les associations, ça serait terrible.

Vous avez senti une prise de conscience de la part des populations concernées ?

Je pense, réellement. Je crois que c'était la première fois qu'on leur expliquait ce qu'est la politique de la Ville. On a eu la bonne surprise de voir toutes les associatons concernées venir, mais surtout beaucoup d'habitants. 

Vous vous attendiez à gérer une tuile pareille juste après votre prise de fonction de maire ?

Non, pas du tout. En plus, j'ai été directrice des deux écoles, donc je touche bien le problème du doigt... Mais ce qui a été rassurant pour moi et les élus, c'est d'avoir été très bien accompagnés par le sous-préfet et les services de l'État. On a vraiment eu une réflexion collective, intelligente et constructive. 

Pour quand attendez-vous une réponse ?

On n'a pas de date. Mais les nouveaux contrats de Ville seront signés en janvier. 

"C'est que je sens, c'est une volonté de fonctionner à moyens constants "

D'après vous, n'est-ce pas une volonté gouvernementale de renouveler les quartiers, pour essayer de faire passer la politique de la Ville sur tout le territoire ?

C'est que je sens surtout, c'est une volonté de fonctionner à moyens constants - je ne sais pas si on peut dire de réduire les crédits. À moyens constants, ça veut dire qu'on prend quelque part pour mettre ailleurs. Mais on ne sait pas ce que serait La Grand'Combe s'il n'y avait pas eu de politique de la Ville. On peut se féliciter d'avoir un vivier culturel et éducatif extrêmement important ; on a des enseignants fidèles au territoire. Sans politique de la Ville, je ne sais pas où on en serait. Elle a clairement contribué à cette réussite. 

D'un point de vue personnel, comment se passent vos premiers mois de maire ?

C'est intéressant. C'est sportif aussi, parce que je suis principale du collège de Vialas. Donc, je gère mon temps entre les deux, en bonne intelligence. Et je suis entourée de collègues élus bien ancrés dans leurs missions. Succéder à Patrick Malavieille, c'est un enjeu qui n'est pas des moindres mais j'ai été très claire lors de la passation : j'ai dit que je ne ferais pas du "Mala", ce serait un plantage assuré. Donc, je serai juste ce que je suis, mais aussi tout ce que je suis. Ce qui me guide, c'est d'être dans la continuité des projets, parce que Patrick Malavieille et moi appartenons à la même famille politique. De par mon métier - je n'ai jamais quitté le service public - être au service du public est quelque chose de fondamental. Mon ambition, actuellement, est d'être en proximité avec la population, sur le terrain, près des gens. On a mis en place des réunions de quartier, on sait qu'on va être la cible des critiques. Et c'est normal, on est là pour les écouter, tant que tout se passe gentiment. Les habitants ne sont pas compliqués. Ils veulent que leur ville soit agréable, que ce soit débroussaillé, que les déchets soient ramassés, qu'ils puissent aller faire leurs courses, etc. Le tout est de réussir à mener les deux - comme le disait Patrick Malavieille, le microscope et la longue vue - ne pas s'obturer la vue pour mener les grands projets mais que ceux-ci n'occultent pas les relations avec la population. 

Saint-Ambroix et Anduze en attente de réponse formelle

"Le sous-préfet et la préfète ont laissé entendre que le périmètre augmenté du centre-ville devrait passer", rassure Jean-Pierre De Faria, maire de Saint-Ambroix. "On est optimiste, dit en écho Geneviève Blanc, maire d'Anduze. Mais on attend le décret ministériel qui devrait intervenir fin août... ou début septembre, je ne sais pas, avec le changement de ministre..."

(*) au moins 1 000 habitants, dans une aire urbaine d'au moins 10 000, avec une part significative de revenus inférieurs à 11 250 € par an. La Grand'Combe possède sa propre aire urbaine et n'est pas comprise dans celle d'Alès, relire ici.

Propos recueillis par François Desmeures

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