Publié il y a 1 an - Mise à jour le 29.10.2022 - marie-meunier - 4 min  - vu 2191 fois

GARD Risque inondation à L'Ardoise : la nouvelle étude ne satisfait pas habitants et entreprises

Une réunion publique s'est tenue mercredi soir pour présenter la nouvelle étude menée pour réduire le risque inondation dans le bourg de L'Ardoise. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Yves Cazorla, le maire, était présent lors de cette présentation entouré de sa première adjointe, Manon Crouzier, de Pierre-Émile Van Laere, directeur du bureau AquaGéoSphère, et de Laury Sohlier, directeur du syndicat ABCèze. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Deux années de suite, en 2002 et 2003, le bourg de L'Ardoise a subi des inondations. La première fois, c'était à cause du ruissellement des eaux, la deuxième en raison du débordement du Rhône. Pour essayer de réduire le risque et limiter les dégâts dans le premier cas de figure, une nouvelle étude a été menée conjointement par le syndicat mixte ABCèze et par le bureau d'études AquaGéoSphère. Les conclusions ont été présentées mercredi soir, lors d'une réunion publique, et ont suscité un certain mécontentement chez les habitants.

Ce n'est pas la première étude menée à ce sujet sur le bourg de L'Ardoise. Depuis pas mal d'années, un projet de bassin d'écrêtement est envisagé pour intercepter les eaux de ruissellement et éviter qu'elles ne pénètrent les habitations. Mais cette nouvelle étude a la particularité d'être ACB (Analyse coût/bénéfice). À l'issue des analyses, si un projet a une efficience positive, alors il peut s'inscrire dans le PAPI III (programme d'actions de prévention des inondations) et prétendre à des subventions. Car construire un bassin d'écrêtement ou autres équipements coûte cher et une commune seule, aura du mal à le payer avec son budget. Le bureau d'étude a donc réétudié, selon cette méthode ACB, les projets antérieurs pour mesurer si leur "rendement" était suffisant (en conjuguant plusieurs données comme le nombre de personnes protégées par rapport au coût du projet).

Le premier scénario date de 2006 avec un bassin d'écrêtement de 106 000m3 et deux fossés de collecte capables de protéger une très grande majorité des habitants, même en cas de crue centennale. Coût de l'opération : 14 millions d'euros selon le bureau d'études. Trop cher par rapport au montant des dommages qui pourraient être évités en cas de crue. Le projet n'est donc pas "efficient" sur un horizon de 50 ans, comme l'exigent les critères de l'État, et donc pas susceptible d'être subventionné. Le deuxième scénario formulé en 2019 revoit les dimensions à la baisse avec un bassin d'écrêtement de 35 000m3, ce qui correspond à l'absorption d'une crue décennale. Il en coûterait 2 millions d'euros mais son efficacité est très faible. Toujours pas "d'efficience".

"Réaliser des protections au niveau que l'on veut, c'est hors-de-prix"

Le bureau d'étude a imaginé un 3e projet intermédiaire, capable de protéger d'une crue trentennale avec deux bassins qui absorberaient 78 000m3, pour un coût de 4 millions d'euros. L'efficience requise n'est toujours pas atteinte et donc "réaliser des protections au niveau que l'on veut, c'est hors-de-prix", en déduit Yves Cazorla, le maire. Que faire alors ? Pierre-Émile Van Laere, directeur du bureau d'études, a alors parlé de désimperméabiliser les parkings pour permettre une meilleure infiltration de l'eau dans les sols et surtout de réduire la vulnérabilité des bâtiments. Cela passe par l'installation de batardeaux qui protègent jusqu'à 80 cm d'eau. Le coût total est estimé à 500 000€.

Le diagnostic avant installation dans l'habitation est gratuit et les occupants peuvent obtenir jusqu'à 80% de subventions sur les travaux, sans condition de revenus (même s'ils doivent avancer la totalité des frais avant, ce qui peut constituer un frein, ndlr). "Ces mesures sont rendues obligatoires par le PPRI (Plan prévention inondation) : chaque propriétaire en zone d'aléa fort ou modéré a l'obligation de les mettre en oeuvre dans un délais de 5 ans. Dépassé ce délais, ce sera à la charge de chacun", précise Laury Sohier, directeur d'ABCèze.

Dans la salle, l'annonce n'est pas très bien accueillie. Pour les entreprises, un diagnostic spécifique doit être mené. "C'est encore aux entreprises de dépenser des sommes. Si ça continue, elles vont quitter la zone de L'Ardoise", grogne Jean-Marc Rouméas, PDG du groupe éponyme. Thierry Vezinet, directeur de l'entreprise Fouré-Lagadec à L'Ardoise et président de l'association Port l'Ardoise, rebondit : "Pour les entreprises qui n'ont pas les moyens, quelles sont les conséquences ? Si une inondation survient, l'assurance rembourse-t-elle ?" Le chef d'entreprise l'atteste, il a déjà eu connaissance de contrats d'assurance rompus à cause d'une implantation en zone inondation. "Les assurances pourraient appliquer des majorations en situation de non-prise en compte", concède le directeur d'ABCèze.

Habitants et chefs d'entreprises mécontents

Jean-Marc Rouméas, qui s'était intéressé au problème quelques années en arrière avec le directeur des services techniques de l'époque avance : "Pourquoi ne pas faire des pentes inversées de terrain, des microbassins qui retiennent l'eau ? Il faut la garder sur les terres pour qu'elle aille dans les nappes. Il faut qu'on change de méthodologie. L'Ardoise prend toute l'eau de Laudun." Un habitant suggère également de terminer la 2e tranche des travaux du pluvial sur L'Ardoise. Quant à Thierry Vezinet, il tonne : "Quand on parle de sécurité, la protection collective doit primer sur l'individuelle. Là, on nous contraint et en plus, on paye." Ce à quoi ajoute Patrick Scorsone, conseiller départemental et directeur de Techni'Mat : "Vous pensez vraiment que chaque personne en état de stress, face à l'eau qui monte, est capable de mettre en place son batardeau ? Et si elle est absente ou malade ?"

Dominique Griotto, président du comité de défense des habitants du hameau de L’Ardoise, était présent lors de la réunion publique et est intervenu à plusieurs reprises. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Même s'il n'y a pas eu de victimes à L'Ardoise lors de l'inondation de 2002, le phénomène a laissé un traumatisme chez les habitants. Dominique Griotto, président du comité de défense des habitants du hameau de L’Ardoise, était là pour le rappeler : "On a parlé beaucoup d'argent mais on oublie le drame humain. (...) Beaucoup d'anciens qui ont été stressés sont décédés dans l'année." Un autre riverain de L'Ardoise a aussi fait remonter le sentiment d'être considérés comme "des gens de seconde zone" par rapport à Laudun. Face à tous ces retours, le maire a proposé d'organiser des groupes de travail et de faire remonter des éléments, des documents qui pourraient nourrir la réflexion. Le but étant d'essayer "de trouver un projet raisonnable".

Marie Meunier

(*) Selon les données avancées dans cette nouvelle étude, le bourg de L'Ardoise compte 238 habitations soumises au risque de ruissellement, 89 industries, 18 établissements publics et des parcelles agricoles.

Marie Meunier

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