VERGÈZE La maire, Pascale Fortunat-Deschamps : « Perrier, moi, j’y crois ! »

Pascale Fortunat-Deschamps, maire de Vergèze.
- Photo Lïana DelgadoÉlue pour la première fois en 2020, la maire de Vergèze, Pascale Fortunat-Deschamps, a été confrontée à une succession de crises. Aujourd’hui, la menace qui plane sur Perrier fait peser un risque majeur sur l’équilibre économique de son territoire.
Objectif Gard : Vous êtes maire depuis 2020. Après la crise sanitaire, puis l’inflation liée à la guerre en Ukraine, vous êtes aujourd’hui confrontée à une nouvelle crise avec Perrier…
Pascale Fortunat-Deschamps : Ça a été d’une violence inouïe, avec beaucoup d’inquiétudes… Et ça continue, car rien n’est encore réglé. Dans la même journée, nous avons appris la fermeture définitive de la verrerie, laissant 164 personnes sur le carreau. En parallèle, la polémique autour de Perrier et de la microfiltration a éclaté… Ici, nous avons une vraie culture du travail : il y a une forme de fierté, un sentiment d’appartenance à cette eau et à ses bouteilles en verre. Les salariés se sont sentis trahis, voire vexés, qu’on puisse imaginer qu’ils utilisent des méthodes de travail opaques.
Le préfet a laissé jusqu’au 7 août à Nestlé Waters pour se mettre en conformité. Les élus du territoire ont régulièrement des réunions avec la direction. Que vous dit-elle ?
La société nous affirme qu’elle est capable de proposer une microfiltration à 0,45 micron, comme dans les Vosges. Mais elle a besoin de l’accord du préfet et de l’ARS (Agence régionale de santé) pour mettre en place ce dispositif, qui reste complexe à déployer.
Toutefois, le préfet s’y oppose… Il impose une microfiltration à 0,8 micron.
Ce qui est compliqué, c’est que la réglementation varie selon les départements : il n’y a ni harmonisation nationale, ni directive européenne sur ce point. Les textes précisent simplement que la microfiltration ne doit pas altérer la nature microbienne, autrement dit la pureté originelle de l’eau, afin de préserver son statut d’« eau minérale naturelle ».
Les puits de Vergèze sont anciens, n’ont-ils pas été trop exploités ? La nature n’a-t-elle pas besoin de se renouveler ?
C’est vrai qu’ils sont anciens. Je ne suis pas spécialiste, mais l’objectif de production était fixé à deux milliards de bouteilles : on ne l’a pas dépassé. De nouveaux forages ont déjà été créés à Uchaud et Vestric. Mais certains sont pollués. En plus, il n’est pas recommandé d’installer des kilomètres de canalisations pour ramener l’eau à l’usine : cela nuit à sa qualité. L’idéal, c’est que le forage soit directement situé sur le site de l’usine.
Départ de Nestlé : « Ce serait dramatique »
Que demandez-vous à Nestlé Waters ?
Qu’ils mettent les moyens pour se mettre en conformité pour pouvoir continuer à exploiter le site. Ce serait dramatique que Nestlé finisse par se désengager et parte avec sa marque Maison Perrier, une eau de boisson qu’ils pourraient produire n’importe où… Il y a tout de même 1 000 emplois qui dépendent directement de cette usine, sans compter les emplois indirects. Perrier, moi j’y crois. L’entreprise a les moyens d’agir : ces dernières années, ils ont investi 50 millions d’euros pour moderniser le site. Quant à l’État, il doit prendre ses responsabilités et harmoniser les arrêtés préfectoraux. Sinon, que va-t-il se passer ? Demain, on achètera de l’eau en bouteille plastique, produite je ne sais où, sans aucune norme.
Comment avez-vous vécu la commission d’enquête parlementaire sur les eaux minérales ?
Les commissions d’enquête, c’est toujours sain. J’étais même plutôt rassurée qu’elle soit présidée par le sénateur gardois Laurent Burgoa. Il connaît le territoire, il prend en compte l’aspect économique… Le rapport est sérieux, responsable. S’il y a une chose que je peux regretter, c’est que le volet économique, humain et social n’ait pas été suffisamment pris en compte.
… Du coup, vous n’êtes pas satisfaite de Laurent Burgoa ?
Tout ne dépendait pas que de lui. Il y avait aussi d’autres sénateurs, notamment de Paris. Bien sûr, tout le monde est d’accord pour appliquer la loi, pour que l’État comme les multinationales soient transparents, et pour protéger le consommateur. Mais il y a aussi l’enjeu économique et social. L’écoute et la prise en compte des salariés ont manqué dans ce rapport.
Certains élus du territoire n’apprécient pas que Laurent Burgoa soit à la fois critique et force de proposition dans ce dossier… Et vous ?
Je ne fais pas partie de ces élus. Ce dossier est complexe, et chacun essaie de bien faire. Il y a des paramètres parfois contradictoires : d’un côté, sauver l’industrie, et de l’autre, faire en sorte que Nestlé respecte les règles. Mais pour que Nestlé puisse s’y conformer, encore faut-il que l’État définisse ces règles de manière claire.
Finalement, les communes ne sont-elles pas financièrement dépendantes de Perrier, en raison des taxes versées par l’entreprise ?
Une commune est indépendante. En 2015, la surtaxe sur l’eau minérale à Vergèze rapportait 2,5 millions d’euros sur un budget total de 11 millions. En 2020, à mon arrivée, c’était tombé à 1,5 million. Cette année, en 2025, j’ai budgétisé 200 000 euros. Cela signifie que Perrier exporte davantage, qu’il produit moins d’eau minérale naturelle, notamment à cause du développement de la Maison Perrier, qui n’est pas une eau minérale naturelle. Et puis, il y a désormais trois forages sur la commune d’Uchaud : c’est donc elle qui perçoit les taxes que nous avons perdues. Enfin, ce ne sont pas les finances de la commune qui m’inquiètent le plus : ce sont surtout les emplois des gens.
« À Vergèze, on aura fait le job »
Cette première expérience politique vous a-t-elle changée ?
Oui, c’est sûr ! Je m’énerve moins, je suis moins dogmatique même si je ne pense pas l’avoir été au départ. On apprend surtout la patience. Je suis allée, je ne sais combien de fois à la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) pour présenter des dossiers ! Je suis en mairie de 9h à 21h. Comme c’était mon premier mandat, il fallait que je comprenne tout.
Quel bilan tirez-vous de ce premier mandat ?
On est fiers de ce qu’on a accompli ! La plage, par exemple, qui ne coûte presque rien à la commune grâce à l’implantation d’Aqualol. C’était une idée un peu folle, mais on est allés jusqu’au bout ! Nous avons aussi refait de la voirie, aménagé une aire de glisse, réhabilité la place principale… Je suis aussi très fière de la maison de santé : le Carré Vergèze, au cœur même de la commune. Il y aura dix médecins, des logements sociaux, et d’autres appartements en accession. C’est une maison de santé pluridisciplinaire et universitaire : des internes en fin d’étude y sont accueillis. Le laboratoire d’analyses médicales s’agrandit aussi. Avec les déserts médicaux qu’on connaît partout, c’est une vraie réussite. On peut dire qu’on aura fait le job.
À la communauté de communes, quelles sont vos relations avec le président LR Philippe Gras ?
Il m’a battue à la présidence en 2020… mais tout va bien ! Ici, il n’y a pas d’opposition. Chacun représente son territoire. Ça se passe bien. Les grandes orientations sont décidées ensemble, on vote tous le budget. Nous avons mené des projets importants comme le pôle d’échange multimodal, la digue… Des opérations d’envergure qu’une seule commune ne pourrait pas assumer seule.
Et votre bilan au Département ?
La présidente PS Françoise Laurent-Perrigot le dit souvent : le Département est un pôle de stabilité. Dès qu’on a un projet, il est là pour financer. Sans lui, de nombreux maires ne pourraient rien faire. Si je n’avais pas été élue conseillère départementale, je n’aurais jamais eu connaissance de tous les dispositifs dont peuvent bénéficier les dix communes de mon canton. Et bientôt, on pourra même aller à la mer à vélo depuis Vergèze ! Grâce à plusieurs voies vertes : entre Gallician et Saint-Gilles, Vauvert à Vergèze et Vergèze à Calvisson.
Du coup, serez-vous candidate à votre succession en 2026 ?
Je n’ai pas encore pris le temps de consulter l’ensemble des conseillers municipaux. On travaille. Pour l’instant, je ne suis pas en ordre de marche, mais c’est probable. Un deuxième mandat vient souvent compléter le premier.
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