Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 22.07.2023 - Coralie Mollaret - 4 min  - vu 2606 fois

QUE SONT-ILS DEVENUS ? Damien Alary, son parcours, ses réussites et ses regrets

Damien Alary, ancien président du Département et de la Région Languedoc-Roussillon

Damien Alary, ancien président du Département et de la Région Languedoc-Roussillon

- (Photo : Coralie Mollaret)

Damien Alary est le témoin d’une histoire révolue. Président du Conseil départemental, son ascension a été favorisée par les finances confortables de sa collectivité et la surpuissance de la Gauche dans les Cévennes. Retour sur une carrière politique que pléthore de ses contemporains rêveraient d’avoir.

C’est dans sa demeure à Pompignan, devant les vignes familiales, que Damien Alary, 72 ans, revient sur son demi-siècle de carrière politique. Une carrière qui a débuté à ses 19 ans, lorsqu'il rencontre fortuitement à Paris le député socialiste Michel Rocard. Le jeune homme est fonctionnaire à la direction départementale de l’Agriculture à Nîmes où il interprète des photographies aériennes. Marié à une Parisienne, Evelyne, qui deviendra la mère de son fils Yannick, le Gardois enchaîne les allers-retours dans la capitale.

Celui qui a ramené l'eau au village 

« Michel Rocard avait des ambitions présidentielles. Il m’a conseillé d’adhérer au PS et de le soutenir », se souvient-il. La politique ne lui est pas étrangère : son père et son grand-père ont été membres du conseil municipal de Pompignan. Un petit village à dominante catholique. Une exception dans les Cévennes protestantes. Le Gardois suit les conseils de Michel Rocard. Il rencontre plusieurs camarades comme Simon Sutour qui deviendra sénateur. « J’avais envie d’être un homme public », reconnait-il, pas peu fier de rappeler : « Je me suis présenté à 19 élections et je n'en ai perdu aucune ! »

Conseiller municipal de son village, il devient maire en 1979. L’une des ses promesses de campagne consiste à ramener l’eau au village : « Nous souffrions de pénurie. D’août à septembre, nous étions totalement rationnés. » Avec l’aide de sourciers, l'édile tire l’eau depuis Conqueyrac. Un projet à plus d’un million de francs, financé en partie par la Communauté européenne, grâce à ses relations dans le monde agricole. Tel un messie, Damien Alary voit désormais s’ouvrir les portes d’une longue carrière publique. 

« Une époque presque bénie »

En 1986, il est élu conseiller régional. Deux ans plus tard, il devient conseiller général (aujourd’hui départemental, NDLR) sur le canton de Saint-Hippolyte-du-Fort. Acquise à la Gauche, la multitude de cantons et leurs élus permettent à la mouvance de régner en maître sur le Département. « C'est une période presque bénie où il suffisait à Gauche de montrer le bout de son nez pour être élu et où l’argent coulait à flot », pointe un élu gardois qui participera en 2015 au tour de vis budgétaire, dû à l'explosion des dépenses sociales.

Cette époque, où il était possible de brûler la vie par les deux bouts, donnait envie de s'exonérer des conventions. Au Département, Damien Alary occupe alors la vice-présidence à l’Agriculture, principale activité économique du Gard. Sa carrière politique est favorisée par ses pairs comme le Valleraugois Francis Cavalier-Bénézet. En 2001, c’est « dans l’ordre naturel des choses » que le Pompignanais s'empare de la présidence de la collectivité : « Je n’ai jamais été un tueur politique. D’ailleurs, à la maison, ma famille m’a appris à ne dire du mal de personne ! » 

Tueur, il n'avait, en réalité, pas besoin de l'être. Toutefois ce caractère lui jouera parfois des tours. À la mort de Georges Frêche, le Gardois, vice-président à la Région, demande aux élus socialistes de le porter à la tête de la présidence du Languedoc-Roussillon. Damien Alary est battu de quelques voix face à Christian Bourquin. Sa première défaite électorale ? « Non, non », balaie-t-il, comme pour  se rassurer : « Ce n’était pas une élection où les administrés votaient. Et puis, Frêche avait dit que c’était au tour des Pyrénées-Orientales. » Si Frêche l'avait dit... 

L'épisode des municipales nîmoises 

Pour ce même Georges Frêche à la gouaille bien connue, Damien Alary n'était pas très bosseur. « Ce n’est pas vrai, se défend de nouveau Damien Alary, il voulait surtout dire que je n’avais pas assez de punch. » A-t-il manqué de "punch" aux municipales nîmoises de 2014 ? Quelques mois avant le scrutin, il annonce sa candidature à la candidature depuis les Jardins de la Fontaine. Une ambition rapidement douchée par la nouvelle députée PS de Nîmes, qu'il a lui même lancé en politique, Françoise Dumas.

Damien Alary à l’ombre des Jardins de la Fontaine
Damien Alary à l’ombre des Jardins de la Fontaine • (Photo : Gérard Laudinas)

« Je me souviens encore de Christophe Borgel, chargé des élections, qui est venu en personne dans mon bureau me demandant de me retirer (…) Je l’ai fait, j’ai toujours respecté la discipline de parti », justifie-t-il. À Nîmes, la légende dit que Damien Alary n’a jamais voulu se présenter. D’autres que les conditions de l’union de la Gauche n’étant pas réunies, pas question d'accuser une première défaite électorale. À chacun son récit. Enfin, l’autre regret de Damien Alary sera, peut-être, de n’avoir jamais obtenu de secrétariat d’État : « Si Jospin gagnait je devais m’occuper de l’Agriculture et si DSK l’emportait, peut-être de l’Éducation ».

Un politique qui a su s’arrêter

Damien Alary n’a pas eu trop de mal à faire le deuil des municipales nîmoises. À la mort de Christian Bourquin, le Gardois devient président du Conseil régional Languedoc-Roussillon. Une fonction qu’il n’occupe qu’une année, en raison de la fusion de la Région avec Midi-Pyrénées pour créer l’Occitanie. C’est là qu’il fait la rencontre de Carole Delga, destinée, en cas de victoire, à présider la grande région : « Je l’ai rencontrée plusieurs fois. Elle est venue passer des vacances ici, dans ma maison. »

Là-aussi, Damien Alary n'exprime pas de grande résistance : « Comme moi, Carole Delga est très fidèle en amitié, elle a horreur des trahisons et des magouilles. » Damien Alary a su cette fois s'arrêter. Ça n'a pas été toujours le cas. À 35 ans, il est victime d'un infarctus à cause de la cigarette. Cette fameuse époque où la vie se brûlait par les deux bouts... Mais loin d'abandonner, il s'accroche : « On commençait à voir arriver les vautours... J’ai organisé une conférence de presse à l’hôpital en disant : J’ai déjà eu mal au cœur avec l’infarctus, ne me faites pas mal au cœur en me battant ». 

Quelques décennies plus tard, au Département, un cancer des cordes vocales met son existence à l'épreuve : « Je n’ai jamais abandonné. Je présidais le Département sans parler, en donnant par écrit mes instructions. » Nul doute que pour Damien Alary le passage dans le monde des retraités n'aura pas été simple. Aujourd’hui, il profite de ses amis, avec qui il joue à la belote, tous les soirs au Cabanon. Son épouse, Évelyne, est toujours à ses côtés. La compagne d’une vie qui continue, amoureusement, de lui faire la guerre sur sa consommation de cigarette... 

Coralie Mollaret

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