FAIT DU JOUR Secrétaires de mairie, une revalorisation tant attendue
Le 14 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté à la majorité la proposition de loi sénatoriale sur la revalorisation de ces travailleurs de l'ombre. Qu'en est-il réellement ?
Régulièrement comparées à des couteaux suisses en raison de leur polyvalence, ces professionnels de l'ombre, à 94 % féminin, sont les chevilles ouvrières des vies communales, jonglant avec une palette de responsabilités allant de l'administration aux ressources humaines, du management à la comptabilité ou de l'accueil chaleureux des citoyens aux prévisions budgétaires, entre autres. Et derrière les murs de ces communes françaises de moins de deux mille habitants se cachent une pénurie alarmante de ces indispensables, désormais appelés, secrétaires généraux de mairie, peu reconnus et pas assez valorisés sur le plan salarial.
Une réalité longtemps sous-estimée, enracinée dans divers facteurs, débute par un manque flagrant de visibilité, de reconnaissance sociale et de légitimité en proportion du travail fourni. Cela s'accompagne d'un cruel déficit en perspectives de carrière et d'évolution professionnelle. Les témoignages recueillis auprès de secrétaires de mairie gardoises révèlent souvent une réalité complexe et contrastée. "Sur le terrain, secrétaire général de mairie est un métier extrêmement enrichissant. Travailler aux côtés des élus notamment dans les zones rurales permet d'en apprendre beaucoup, rassure Nicolas Pellegrini, secrétaire de mairie de la commune de Connaux. Néanmoins, il y a une forte exigence de la part des administrés et des citoyens, ce qui est logique puisque c'est le service public. Seulement, pour faire face à tout cela, on dispose pourtant de très peu de moyens. Nous sommes à la fois des DRH, des directeurs financiers, à la fois des commerciaux, de très bons communicants, et sur le plan technique nous sommes des juristes, des comptables, tout cela à la fois. Il faut savoir tout faire."
Par conséquent, une augmentation de la demande de professionnels qualifiés se produit dans un contexte où l'attrait pour cette profession diminue. Ce déséquilibre met désormais sérieusement en péril la stabilité des communes, entravant la prise de décisions, compromettant la gestion des ressources humaines et exerçant une pression considérable sur les secrétaires en poste. Actuellement, 1 900 postes de secrétaires de mairie sont vacants, et cette pénurie, loin d'être simplement une question de ressources humaines, s'est transformée en une véritable crise systémique, ayant un impact profond sur la qualité des services municipaux. Cela se manifeste notamment par des retards dans le traitement des dossiers et des difficultés dans la gestion des ressources humaines.
Nous avions une secrétaire de mairie depuis plus de vingt-huit ans. Malheureusement, cette personne est tombé malade et nous nous sommes retrouvés dans la panade. Nous avons eu de grandes difficultés à trouver des secrétaires de mairie et la pénurie ne va faire qu'augmenter puisque la plupart partiront bientôt à la retraite. C'est un sujet qui va, sans nul doute, devenir davantage problématique à l'avenir.
Guy Manifacier, maire de Saint-Sébastien-d'Aigrefeuille
Face à la crise actuelle, certaines municipalités ont entrepris des démarches innovantes pour garantir l'avenir de la fonction. Un exemple notable provient de la commune de Saint-Sébastien-d'Aigrefeuille, où le maire Guy Manifacier a décidé de prendre des mesures concrètes. Il a opté pour l'embauche de deux secrétaires de mairie à temps partiel, une initiative audacieuse visant à optimiser les ressources tout en créant des opportunités d'emploi pour plusieurs personnes. Cette approche, au-delà de ses implications économiques, vise à accorder plus de temps aux employés pour leur vie personnelle, mettant en avant l'importance d'un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Chacune leur tour, les deux recrues suivront une formation dispensée par l'université de Nîmes.
"Il était extrêmement difficile pour nous de trouver une secrétaire de mairie qui connaisse le métier, confirme le maire de la commune gardoise. Et puis, nous voulions répondre aux besoins de ces secrétaires de mairie qui ont d'autres activités personnelles ou qui sont parfois de jeunes mamans. Nous avons alors élargi nos recherches et fait le choix de recruter deux secrétaires de mairie, l'une de 25 ans et l'autre de 26, à temps partiel, que nous formerons à tout. Cela leur permet de garder leur vie privée sans se retrouver écrasées par cette profession que nous savons difficile et cette décision nous permet aussi à nous une certaine souplesse dans le fonctionnement. De cette manière, lorsqu'elles auront besoin de congés ou de temps pour elles, c'est plus agréable pour nous de l'accepter que de refuser par manque d'alternatives."
Après avoir présenté un aperçu de la situation actuelle du rôle de secrétaire de mairie, les revendications portées depuis plusieurs années ont enfin trouvé un écho favorable à l'Assemblée nationale le 14 novembre dernier. Cet événement marque un tournant significatif dans la manière dont ces acteurs indispensables de la République sont perçus et traités.
Vers une avancée concrète ?
Véritable soutien du maire et du bon fonctionnement de la commune, le métier de secrétaire de mairie connaît une crise sans précédent. Un tiers des 23 000 secrétaires de mairie actuellement en poste partiront en retraite dans les huit prochaines années, selon le ministre de la Transformation et de la fonction publique. Face à des difficultés de recrutement et un besoin urgent de renouvellement, l’Assemblée nationale a adopté à la majorité la proposition de loi sur la revalorisation du métier, mardi 14 novembre. En revanche, comme le rappelle le secrétaire de mairie de la commune de Cendras, rien n’est encore gravé dans le marbre. En effet, à l'été 2024, sénateurs et députés devront désormais s’entendre lors d’un examen en commission mixte sur les modalités de cette loi.
Mais le 18 octobre dernier, la commission des lois de l'Assemblée nationale a néanmoins pris en charge la proposition de loi cruciale visant à revaloriser le métier. Cette initiative, menée avec une procédure accélérée, a conduit à l'adoption d'une vingtaine d'amendements, tous centrés sur le principe de laisser aux élus locaux la liberté d'organiser leur structure comme bon leur semble. Une mesure phare a été la simplification de la dénomination du poste pour les petites communes, les désignant désormais comme "secrétaires généraux de mairie", alignée sur l'objectif global de revalorisation du métier. À noter le retrait d'un amendement visant à élargir la fonction de secrétaire de mairie à certaines catégories d'agents, préférant une approche jugée plus sécurisante.
Marie-Agnès Poussier-Winsback, députée française, a plaidé ardemment pour la liberté des collectivités locales dans le recrutement des Directeurs généraux des services (DGS) ou des secrétaires de mairie, soulignant que créer des distinctions pourrait entraver certaines communes dans leurs besoins spécifiques d'encadrement. Au cœur des débats, la bonification d'ancienneté, initialement écartée au Sénat, a été réintroduite pour accélérer l'évolution de la rémunération des secrétaires de mairie, particulièrement importante dans les régions rurales. Autre point important, à savoir la promotion interne offerte à tous les agents de catégorie C désireux d'accéder à des fonctions de catégorie B, rétablissant ainsi la cohérence entre le plan de requalification et le nouveau mécanisme de promotion-formation.
Concernant l'animation d'un réseau départemental des secrétaires de mairie, la commission a suggéré de rendre facultative cette mission confiée aux centres de gestion, ouvrant ainsi la voie à d'autres entités, à la demande des collectivités territoriales. Enfin, à noter le retrait d'un amendement proposant d'officialiser la mutualisation de l'emploi des secrétaires de mairie entre plusieurs communes au sein d'un établissement public de coopération intercommunale, une pratique déjà existante qui ne sera pas consacrée dans la loi.
Dans une lettre datée du 25 juin 2023, le sénateur gardois Denis Bouad informait alors les maires et présidents d'EPCI du Gard des mesures adoptées par le Sénat pour renforcer l'attractivité du métier de secrétaire de mairie, incluant la promotion interne, une formation obligatoire, la possibilité de recruter des contractuels, et une proposition de la fameuse nouvelle dénomination, "secrétaire général de mairie". Le sénateur du Gard s'est confié sur le sujet : "On s’inquiète légitimement d’une crise de vocation chez les maires, cette inquiétude, elle existe également chez les secrétaires de mairie. En 2023, on comptait près de 2 000 postes vacants. Ce chiffre démontre toute la pertinence de cette proposition de loi. Si celle-ci a été contrainte par les limites de l’initiative parlementaire, il nous faudra aller plus loin et c’est pourquoi les sénateurs socialistes appellent le Gouvernement à faire un projet de loi sur le sujet. Lorsque l’on défend les secrétaires de mairies, comme lorsque l’on défend les maires et les élus locaux, on défend avant tout les communes, et donc une République et des services publics au plus près des français. Le binôme maire / secrétaire de mairie est essentiel au bon fonctionnement de la collectivité et ne peut fonctionner que s’il est animé par une sincère complicité empreinte de confiance."
Cette première approbation ouvre enfin la voie à la concrétisation des mesures envisagées, telles que la simplification des avancements de carrière, l'amélioration des rémunérations, la création d'une formation initiale qualifiante et potentiellement l'établissement d'une filière universitaire dédiée, comme c'est déjà le cas à l'université de Nîmes.
À l'université de Nîmes, une nouvelle formation dédiée
Pour faire face à la conjoncture actuelle et aux difficultés que pourraient rencontrer les communes dans les années à venir, l’université de Nîmes a lancé l’année dernière un D.U (Diplôme Universitaire) Secrétaire de mairie. Christophe Gache, chargé de développement de la formation professionnelle à Unîmes, s’est associé avec les deux maîtres de conférence Nicolas Font et Samuel Dyens pour répondre à cette polyvalence demandée aujourd’hui dans les mairies : "C’est un métier qui demande beaucoup d’actualisation et d’augmentation de compétences", précise Christophe Gache.
Par petites promotions pour apprendre plus facilement, la formation se déroule un jeudi sur deux pendant six mois et s’adresse aux agents publics déjà en activité ou prétendant à exercer ce rôle de secrétaire de mairie, ainsi qu’aux étudiants en master droit public. Treize journées de formation de sept heures sont dispensées, sept d’entre elles seront effectuées à la faculté, les six autres dans une collectivité gardoise. "L’an dernier, les 19 stagiaires ont réussi la formation et pour cette deuxième session, 15 sont en lice pour obtenir le diplôme", détaille Christophe Gache. Pour rappel, l’appellation "secrétaire général de mairie" n’est valable que pour les communes de moins de 2 000 habitants. Au-dessus, on peut parler de "directeur général des services".
Fabrice Verdier, président du Centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard, sera d'ailleurs présent dès le 11 décembre prochain, dans le cadre de la remise des diplômes de cette deuxième session : "L’attractivité des métiers de la fonction publique territoriale est au cœur de nos préoccupations. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Gard est au contact des élus locaux pour les accompagner face aux difficultés de recrutement des secrétaires de mairies, qui sont les chevilles ouvrières de l’action municipale des petites communes et qui font vivre le service public dans tous les territoires. Nous sommes fiers d’avoir lancé, en partenariat avec l’université de Nîmes, le diplôme universitaire de secrétaire de mairie. Nos efforts ne s’arrêtent pas là, car toute l’ingénierie du CDG30 s’affaire à mettre en lumière ce métier si important pour nos collectivités. En témoigne la coopération dernièrement engagée avec le Pôle emploi, le CNFPT et la région Occitanie pour répondre aux besoins de recrutements grandissants."
La crise des secrétaires de mairie en France semble enfin trouver écho dans les plus hautes institutions désormais, avec l'adoption récente de la proposition de loi sénatoriale. Cependant, les défis persistants, tels que la pénurie croissante et le départ imminent d'un tiers des professionnels en poste, exigent des solutions durables. Les initiatives locales, comme celles de Saint-Sébastien-d'Aigrefeuille, offrent un éclairage sur des approches innovantes pour atténuer la crise. Alors que des mesures concrètes émergent, la véritable épreuve réside dans la mise en œuvre efficace. Redessinant ainsi l'avenir crucial de ces acteurs clés du tissu communal.
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