Publié il y a 1 an - Mise à jour le 27.09.2023 - Propos recueillis par François Desmeures - 8 min  - vu 1293 fois

L'INTERVIEW Christophe Serre : "À Sésame autisme, ce qu'on recherche, avec l'ARS, c'est un retour à l'équilibre"

Chrsitophe Serre, 1er vice-président du Département

- François Desmeures

Alors que Sésame autisme est en pleine restructuration et affiche un déficit de 2,5 millions d'euros, le Département ne s'était pas encore publiquement exprimé, préférant attendre la fin de l'administration provisoire, puis laissant à la nouvelle direction le temps de l'installation. Premier vice-président du conseil départemental délégué à l'Autonomie des personnes âgées et handicapées, Christophe Serre a suivi le dossier, du refus de valider les comptes aux affaires prud'homales, en passant par la mise sous administration provisoire. Il place beaucoup d'espoir pour Sésame autisme dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens en cours de négociation, milite pour la création de foyers de vie, et croit dans la volonté de la nouvelle direction, tout en appelant le conseil d'administration à ses responsabilités. Entretien. 

Chrsitophe Serre, 1er vice-président du Département • François Desmeures

Objectif Gard : Depuis quand le Département du Gard accompagne-t-il Sésame autisme ?

Christophe Serre : Depuis que nous avons la compétence sur les personnes handicapées. Nous sommes surtout concernés par trois structures de Sésame autisme dans le Gard. Pas par l'ESAT (établissement et service d'aide par le travail de la Pradelle, à Saumane, NDLR), qui repose uniquement sur les financements ARS (agence régionale de santé). 

Sur quels services intervenez-vous ?  

Sur les foyers d'accueil médicalisés (FAM), à Saumane, Vauvert et Saint-Mamert-du-Gard. Et la prise en charge de vacances pour les travailleurs de l'ESAT, ce qui est plus récent. En sachant qu'aujourd'hui, Sésame a d'autres structures, dans l'Hérault et les Pyrénées-Orientales.

Quand l'administration provisoire a été mise en place, à la suite du rejet des comptes de l'association en 2019, quelle a été la réaction du Département ?

On a été alertés avant la mise en place de l'administration provisoire. En 2020, de mémoire, j'avais reçu les syndicats qui nous avaient dénoncé certaines conditions d'accueil des personnes handicapées et des difficultés de condition de travail, qui étaient un peu particulières, on va dire... Pas sur tous les sites, hein, sur certains. L'ARS nous a aussi demandé un avis et nos services se sont mobilisés pour valider le principe d'une administration provisoire. Et de mettre en place les moyens pour essayer de revenir à un équilibre financier. C'est le travail qui a commencé avec ce qu'on appelle le CPOM, le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, pour cadrer un certain nombre de choses à la fois sur l'aspect financier et sur l'aspect organisationnel. Ces CPOM, on les fait conjointement avec l'ARS, sur la partie qui nous occupe, et sur celle qui occupe l'ARS, c'est-à-dire les ESAT. Après, il y a aussi un conseil d'administration, qui reste souverain dans ses choix et dans ses décisions. 

"Il y avait effectivement des trous dans la raquette mais c'était un problème de l'ARS."

Vous avez lu, je suppose, le rapport d'inspection générale de l'ARS à la suite du rejet des comptes. Les trous dans la raquette, dénoncés par l'ARS, étaient parfois impressionnants. Qu'en avez-vous pensé ?

Il y avait effectivement des trous dans la raquette mais c'était un problème de l'ARS... Le trou n'était pas au niveau du Département. C'était plutôt côté État. Sur l'aspect purement financier, pour nous, il y a deux manières de voir un déficit : les déficits structurels, qui se cumulent d'année en année jusqu'à ce que le Département dise "Attention ! Il va falloir trouver des solutions parce qu'on ne va pas continuer à vous financer du déficit". Et puis, il y a la déficit occasionnel, qu'on a surtout rencontré à la sortie du Covid et du confinement, à cause, notamment, du ralentissement d'activité. Et nous, on finance - pour partie ou en totalité - ce déficit là. Mais à un moment donné, quand ce déficit revient à n+1, n+2 et n+3, on dit stop ! Ensuite, c'est aux structures de mettre en place des outils, des moyens, pour revoir leur mode de fonctionnement. C'est le cas, aujourd'hui, pour Sésame autisme. Mais Sésame autisme, c'est aussi très particulier parce qu'on a une structure de direction commune à trois départements. Nous, on a une vison Gard... mais pas Hérault, et pas Pyrénées-Orientales. Donc, le déficit, il n'est sans doute pas 100% Gardois et alors il faut voir, dans le mode de gestion, où est-ce que ça pêche. 

Qu'avez-vous pensé du fait de voir le siège de l'association être déplacé de Saumane à Narbonne, dans l'Aude, département où Sésame autisme ne compte aucune implantation ?

Je donne un avis qui n'engage que moi - et qui pourrait faire sauter sur leur siège les membres du conseil d'administration de Sésame autisme - mais il me semble que, pour un siège social, c'est bien d'être dans le département où on a des structures. Je peux comprendre la mutualisation. Mais ils avaient le choix entre Gard, Hérault et Pyrénées-Orientales. Et puis, faire un seul siège, c'est une chose. Mais, quand on est en difficulté financière, est-ce qu'il y a lieu d'aller construire ou financer un siège... ?

"Le Département du Gard ne peut pas aller à l'encontre d'une décison qui relève du conseil d'administration."

Il y a aussi des locaux loués à Caveirac alors que d'autres sont vides à Saumane...

Voilà... Après, le département du Gard ne peut pas aller à l'encontre d'une décision qui relève du conseil d'administration. On peut donner un avis, dire qu'on est surpris, que c'est regrettable. Mais ça reste une décision du conseil d'administration. 

Vous avez rencontré la direction installée l'an dernier ?

Personnellement, non. Mes services, en revanche, oui. 

Vous avez l'impression que l'association est à nouveau sur de bons rails, depuis la fin de l'admnistration provisoire ?

Aujourd'hui, il y a une administration qui a l'air de prendre à bras-le-corps les difficultés, du moins, c'est l'impression que cela donne. Je sais que les services de l'ARS et du Département travaillent, depuis six mois, sur le CPOM, qui sera mis en place au 1er janvier 2024. On y est presque. Et que ce soit l'ARS ou le Département, on leur a dit que peut-être fallait-il qu'ils revoient un peu les choses en matière de nouvelle offre, de nouvelles dispositions à mettre en place pour perdurer. 

"En tant que collectivité, on ne va pas injecter de l'argent dans un puits sans fond."

À quoi pensez-vous comme offre ? Les équilibres entre foyer d'accueil, ESAT, etc. seront-ils identiques ?

On ne regardera que la partie des foyers d'accueil. Mais ce qu'on recherche, avec l'ARS, c'est un retour à l'équilibre. Il ne va pas revenir au bout de trois mois, mais aujourd'hui, beaucoup de structures autres que Sésame autisme, réfléchissent à de la mutualisation avec d'autres structures. Je pense à mutualiser des postes comme ceux des ressources humaines, secrétariat, comptabilité, etc. On peut le concevoir dans une période qui, aujourd'hui, nécessite une économie de moyens. Après, est-ce que c'est une bonne mesure, c'est autre chose... Mais c'est une réalité. On sait aussi qu'il y a un manque dans l'accueil des personnes handicapées vieillissantes, peut-être des restructurations à faire dans le nombre de places... Il faut que Sésame autisme prenne tout cela à bras-le-corps. Un audit est réalisé ou va être réalisé. Il faut que le conseil d'admnisitration prenne ses responsabilités. En tant que collectivité, on ne va pas injecter de l'argent dans un puits sans fond. À un moment donné, stop ! On l'a fait, sur d'autres structures, d'arrêter de financer. Et ça part en liquidation judiciaire. 

On parle, pour Sésame autisme, d'un déficit de 2,5 millions d'euros. Vous confirmez ?

Oui.

"Il faut une seconde étape, avec des foyers de vie ou de l'habitat inclusif."

Le CPOM verrait aussi la mise en place de foyers de vie, notamment pour des travailleurs vieillissants. Le Département y est-il favorable ?

Oui, tout à fait. Sans trahir de secret, le 13 octobre, une séance du conseil départemental va créer quinze places à l'hôpital de Pont-Saint-Esprit, pour accueillir des personnes handicapées vieillissantes. Parce qu'aujourd'hui, une personne handicapée vieillissante peut, dès 60 ans, quitter son foyer de vie ou son ESAT, et se retrouver dans une maison de retraite, en centre hospitalier. Ce n'est pas la meilleure des choses, ce n'est pas adapté. Il faut donc aussi des structures qui peuvent faire le lien. Et si on garde ces travailleurs handicapées dans les structures de travail, ça monopolise des lits, des places, aux dépens de personnes qui font la demande et pour qui on a des difficultés à trouver des orientations professionnelles. C'est un peu une histoire de vases communicants. Aujourd'hui, c'est un enjeu important pour le département du Gard. En termes de lits pour personnes âgées, on est équipés : on est à plus de 8 100 lits, je crois, dont 5 600 à l'aide sociale. Mais il faut une seconde étape, avec des foyers de vie ou de l'habitat inclusif, ce qui marche aussi pour des personnes vieillissantes, qui ont un handicap léger, et qui sont autonomes ou semi-autonomes. 

Malgré le processus du CPOM, avez-vous une crainte pour la survie de l'association à terme ?

Si l'État, le Département et le conseil d'administration arrivent à trouver les outils nécessaires pour résorber le déficit et, en même temps, parvenir à l'équilibre de la structure, il n'y aura pas de souci. Mais il faut que ces trois volontés-là se rejoignent.

Le processus pourrait-il donner lieu à abandonner Saumane à terme, pour se recentrer autour de Nîmes ?

Pour le moment, je n'ai pas été alerté. Après, si on veut vider Saumane pour aller ailleurs, c'est aussi de la responsabilité du conseil d'administration. Et, pour l'ESAT, de l'État, à travers l'ARS. 

Les locaux de Sésame autisme, au coeur de Saumane • François Desmeures

Les finances de l'association sont aussi concernées par un volet prud'homal... (*)

J'avais été alerté par Force ouvrière (FO) en 2020 ou 2021.

L'association a été condamnée pour six personnes, notamment pour des cotisations non-versées en matière de congés payés ou de retraites. La décision fait jurisprudence et le tribunal a laissé entendre que n'importe quel salarié dans le même cas obtiendrait forcément gain de cause. 

Oui, dans la mesure où ils sont aussi salariés de la structure...

"C'est peut-être aussi à l'administration de trouver les moyens de réunir les syndicats et de négocier certaines choses."

Ne craignez-vous pas que ceci présente un risque pour les finances de l'association ?

Ça va impacter les finances, c'est certain, parce qu'il va falloir provisionner cette dépense-là. C'est peut-être aussi à l'administration de trouver les moyens de réunir les syndicats et de négocier certaines choses. 

Le Département peut-il être facilitateur, alors que la tension paraît importante entre la direction et le syndicat qui a soutenu les plaintes, en l'occurrence FO ?

(Sourire) Il semblerait que oui puisque, juste avant que vous arriviez, un mail m'est parvenu, et c'est justement FO, de Sésame autisme, qui veut me rencontrer. Je les ai toujours reçus, je les recevrai encore. Je me suis même rendu, à la demande de FO, à une réunion commune à l'ARS. 

De quels moyens de contrôle dispose le Département sur ce type d'associations ?

À tout moment, on peut lancer une inspection, si on soulève des problèmes. Chaque structure dans le Gard est suivie par un agent du Département, qui assiste au conseil d'admnistration. Sinon, on demande à disposer des éléments présentés. On a toujours cette "vigie" qui permet de vérifier le bon fonctionnement, sur des structures que le Département finance. À Sésame, on a donc une vision sur les foyers, pas sur les ESAT. Normalement, on devrait aussi avoir des budgets séparés, entre ESAT et foyer. 

"J'ai reçu de travailleurs de l'ESAT des Gardons. Mais le Département n'a pas la main."

On voit une autre structure du même type en difficulté, comme l'ESAT des Gardons de Salindres, qui va fermer son site de Saint-Christol-lès-Alès. De votre point de vue, ces associations connaissent-elles globalement des difficultés financières en ce moment ?

Il faut voir si les administrateurs ont la volonté d'apporter des moyens à des travailleurs handicapés, ou s'ils veulent gérer une structure comme une entreprise. Quand on gère un ESAT, on sait qu'on a des travailleurs en difficulté et qui n'ont pas - même si je n'aime pas trop ce terme-là - le même "rendement" qu'un actif valide. Quand ces travailleurs sont mis à disposition d'entreprises, il faut aussi que, de l'autre côté, l'entreprise qui fait appel à un ESAT puisse comprendre que les travailleurs n'auront pas la même "rentabilité", seront peut-être plus fatigués, qu'ils auront besoin de plus de temps de pause, qu'ils ne pourront pas travailler huit heures mais six heures, peut-être... On ne peut donc pas imposer les mêmes cadences. Je sais que, dans ce domaine, il y a quelques interrogations sur le secteur d'Alès... J'ai reçu quelques travailleurs de l'ESAT des Gardons la semaine dernière. Mais la difficulté, là, c'est que le Département n'a pas la main. À part d'interpeller le président de l'UNAPEI (union nationale des parents d'enfants inadaptés, NDLR), ou Claude Rols, le délégué départemental de l'ARS... On n'a pas de droit de veto...

(*) Relire ici, et ici.

Propos recueillis par François Desmeures

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