PONT DU GARD « Des détresses vitales aux détresses sociales » : le mal-être des pompiers en question

Ce vendredi, lors de la conférence "Les héros fatigués" au Pont du Gard
- Thierry AllardLe Pont du Gard accueille le congrès régional du réseau associatif des sapeurs-pompiers ce vendredi et ce samedi. Ce vendredi, une conférence était organisée sur le thème « les héros fatigués », « un thème d’actualité dans tous les SDIS », avance le président de l’Union régionale des sapeurs-pompiers Thierry Nutti.
Ce thème, large, est celui du mal-être des soldats du feu. « Il y a un problème de perte de sens, de questionnement des valeurs, d’épuisement professionnel et de gestion des émotions », développe-t-il. Perte de sens, le mot frappe pour un métier qui ne devrait pas en être là, tant l’utilité des pompiers n’est plus à démontrer. « On l’explique par le fait que les missions ont quelque peu dévié », affirme Thierry Nutti.
Car les pompiers « restent le dernier service public de proximité de secours, désormais 80 % de nos missions sont du secours à la personne, le feu représente beaucoup moins d’interventions qu’avant », avance Thierry Nutti. Une évolution que le pompier met sur le dos « de la désorganisation et des carences du système médical français, avec de moins en moins de médecins libéraux, on se retrouve à être le seul lien entre le territoire et les structures hospitalières, particulièrement dans la ruralité. » Et de ce fait, les pompiers font de plus en plus face à des situations sociales difficiles.
« Nous sommes passés des détresses vitales à la détresse sociale », résume Stéphane Saison, pompier et fondateur de l’Association d’accompagnement et de prévention des traumatismes émotionnels. Au point que « on se retrouve avec des pompiers qui se questionnent, ils ne sont pas venus pour faire du transport sanitaire », affirme Thierry Nutti. Surtout que ces interventions, qui nécessitent parfois de se rendre dans des structures plus éloignées du fait de la surcharge des urgences, sont plus longues et entraînent une fatigue professionnelle accrue. À ce tableau il faut ajouter une crise de l’engagement volontaire, « accentuée depuis le covid », glisse le président de l’Union régionale, et encouragée par une directive européenne qui limite le temps d’engagement du salarié.
Alors les pompiers fatiguent, sachant que la difficulté inhérente à leur métier reste bien présente. « Une étude américaine estime qu’entre 7 et 30 % des pompiers souffrent de stress post-traumatique », pose Thierry Nutti. En l’absence de travaux de ce type en France, il estime que la proportion doit y être à peu près la même, « ce qui est préoccupant. » Et « certains souffrent en silence, sans prise en charge, ce qui peut entraîner une cessation d’activité et des démissions », poursuit-il, sachant que « la culture dans nos rangs fait qu’on ne dit rien. » Résultat : les impacts sont sous-évalués et la prise en charge retardée.
Une situation bien mise en scène dans le court-métrage « Les Dragons n’ont pas de poils », réalisé par Annabelle Iaisch, « conçu pour s’adresser à tous, aux politiques, au sapeurs-pompiers et à leurs familles », avance-t-elle. « Aujourd’hui, les services publics sont en décadence totale, poursuit la réalisatrice. Quand un organe commence à flancher, on s’appuie plus sur tous les autres, et on est en train de nettement abuser de l’organe sapeurs-pompiers. »
On en est là, avec des pompiers plus que jamais en première ligne, face à des situations sociales difficiles et même à des agressions de moins en moins rares. Et se pose une question, relayée par Thierry Nutti, sur ce rôle parfois ingrat des pompiers : « si on ne le fait pas, qui le fera ? »