FAIT DU JOUR Raymond Depardon, gaga du Pont du Gard

Raymond Depardon
- Photo Yannick PonsLe Pont du Gard accueillait ce jeudi le grand photographe français Raymond Depardon. À l’occasion des 40 ans de l’inscription du monument au patrimoine mondial de l’Unesco, l’artiste a reçu carte blanche. Huit grands formats en plein air accueillent les visiteurs à l’entrée du site.
En sous-sol, l’exposition Regards sur le Pont se prolonge avec d'autres regards artistiques sur l’aqueduc romain : à proximité de la photo du maître présentant les baigneurs du Pont et autour de la photographie exceptionnelle du Pont en noir et blanc de Josef Koudelka, le site propose une exploration du monument.
À travers les regards croisés d’artistes, scientifiques, professionnels et visiteurs, l'endroit réunit peintures, photos, vidéos et objets dans le but d'offrir une expérience immersive, mêlant œuvres historiques et contemporaines. Des créations classiques du XIXe siècle aux installations lumineuses de James Turrell, en passant par les gravures anciennes ou les souvenirs du tourisme.
L'exposition met aussi en lumière le travail des architectes et des paysagistes du site depuis les années 2000. Cette démarche interroge la façon dont un monument peut être perçu à travers le temps et les sensibilités, tout en construisant une mémoire collective autour de ce patrimoine inscrit à l’Unesco. Un hommage sensible à ce lieu bimillénaire, dont « la couleur des pierres change à chaque instant, mais reste toujours aussi belle », confie Raymond Depardon qui souligne le talent de l'architecte en chef du monument historique.
Deux monuments
« Aujourd’hui, c’est assez exceptionnel, c’est la rencontre de deux monuments », a déclaré Patrick Malavieille, vice-président du conseil départemental du Gard et de la communauté d'agglomération Alès Agglomération. « Le premier, c’est Monsieur Depardon, et le second, c’est le Pont du Gard. » La beauté du site, son inscription aux côtés des pyramides de Gizeh ou de Petra au patrimoine mondial, offrent un terrain propice à l’articulation entre mémoire patrimoniale et expression culturelle actuelle. « L’Unesco, vous le savez, porte toujours les valeurs d’éducation, d’environnement, de culture, de science. Ce sont les valeurs que nous défendons ici au Pont du Gard, et dans la période de gros troubles que nous connaissons au niveau international, cela fait du bien de rappeler combien il est important de privilégier la science, la culture, l'éducation, l'environnement, bref, tout ce qui peut rendre meilleur », rappelle l'élu.
Raymond Depardon
Raymond Depardon, né en 1942 à Villefranche-sur-Saône, est l’une des figures majeures de la photographie et du cinéma documentaire français. Photographe, cinéaste et journaliste, il développe dès les années 1960 une œuvre humaniste et engagée, marquée par une attention profonde aux réalités sociales, politiques et intimes.
Pour Raymond Depardon, cette commande est aussi une affaire personnelle. « Je ne suis pas complètement neutre », confie-t-il. « Je suis de la vallée de la Saône… Et alors, c’est vrai que j’ai eu la chance de me marier avec une Montpelliéraine, qui m’a dit : mais c’est le plus bel endroit du monde, c’est la plus belle garrigue du monde. »
Argentique
Ainsi, il a accepté le défi, à sa manière : « Il faut faire ça à la chambre photographique. Tu es obligé de te poser la question, de savoir où est le bon angle et quel est le bon objectif. » Un choix délibéré afin de ralentir, cadrer, attendre la lumière.
Évidemment, Raymond Depardon évoque son attachement au support argentique, la difficulté d’obtenir aujourd’hui de bons films (Kodak) et de les faire développer. Et puis il évoque le droit à l’image si prégnant aujourd’hui, à cause duquel il ne pourrait plus diffuser cette magnifique photo exposée à l'intérieur, au sous-sol, prise en 2000, qui montre des baigneurs devant le pont.
Et aussi, il revient sur ses souvenirs de terrain : « J’ai revu sur une bobine que j’ai faite, 36 photos, il y a au moins la moitié qui montre des amoureux. Ça veut dire qu’ils sont en liberté, ils sont tranquilles… c’est formidable. »
La photo, révélateur d'époque
Raymond Depardon évoque aussi la dimension sociale du site : « Il faut vraiment continuer à photographier, parce qu’en fait, ça révèle notre époque. Je suis devenu un vieux photographe gaga. » Il insiste sur l’importance de garder l’espace public accessible à tous : « C’est un enjeu quotidien : protéger sans confisquer. »
Son travail ici s’inscrit donc dans cette volonté de raconter une histoire, pas seulement celle du monument, mais aussi celle des gens qui le traversent, des amoureux, des écoliers, des visiteurs anonymes. « Le Pont du Gard, c’est un lieu qui vit. Il n’est pas sous cloche, mais en même temps, il est protégé ».
Informations pratiques
Du 20 juin au 2 novembre 2025
En rive gauche, dans la salle d'Exposition Temporaire
Expo incluse dans le billet d'entrée aux espaces de découverte