FAIT DU JOUR Au pied de l'Aigoual, les mouflons jouent à cache-cache avec leurs recenseurs
Le brame du cerf à la fin de l'été, les mouflons au début du printemps... La fédération des chasseurs du Gard effectuait, ce samedi, son second comptage d'espèce de l'année, afin d'établir un plan de chasse sur le plus haut massif du département. Le vent, violent et frais, a joué des tours aux personnes chargées de compter : les mouflons se sont peu montrés, sauf au bas de la tombe d'André Chamson.
"Qui connaît l'espèce ? Qui connaît les lieux ?" Au milieu d'une majorité de chasseurs, Nicolas Pagès appréhende les autres bénévoles, randonneurs ou amateurs de faune sauvage, réunis ce samedi matin dans la salle polyvalente de Valleraugue. L'animateur de la matinée travaille à la Fédération des chasseurs du Gard. C'est lui qui répartit les bénévoles du matin sur "les 21 points d'observation" où le mouflon est susceptible de se montrer, principalement à gauche de la route qui monte à L'Espérou, sans aller chercher les points hauts du massif.
"Peyrefiche, le Lunda, tombe d'André Chamson, Rocher de l'aigle, les Laveries, Sambuguet..." Autant de noms de lieux-dits indiqués sur une carte IGN, chacun ayant son enveloppe attitrée avec un détail zoomé de la carte au 25 000e, à distribuer à ceux qui sont chargés de compter. "Vous avez des jumelles ? Une lunette ? À 11h, vous arrêtez le comptage." Il est 7h30 et tout le monde a quitté Valleraugue, direction les pentes aux arbres toujours dépourvus de feuilles.
Et le détail a de l'importance afin d'observer les animaux dans de bonnes conditions. Surtout que le nombre de bénévoles n'a pas atteint celui pour le brame du cerf (relire ici). Et la météo n'est pas celle de vendredi, douce et sans vent. Ce samedi matin, l'air frais descend de l'Aigoual et - point positif - disperse les nuages chargés de pluie qui débordent du versant nord du sommet.
Les mouflons du roi de Yougoslavie
Le temps du trajet pour être posté, Nicolas Pagès explique l'origine du mouflon - espèce endémique de Corse et Sardaigne - sur le massif de l'Aigoual. "Dans les années 50, il y avait peu de gibier. C'était la grande époque où on mettait des mouflons partout." Sur l'Aigoual, ils débarquent en 1953 et 1954, "avec 23 animaux laissés au col de Minier, en provenance de Cadarache". L'histoire de ces 23 pionniers méritent d'ailleurs d'être contée : les mouflons provenaient bien de Corse mais avaient été "mis en enclos dans les années 30" à Cadarache. Ils étaient destinés en cadeau au roi de Yougoslavie, qui sera finalement assassiné, à Marseille, en octobre 1934. Près de vingt ans plus tard, les mouflons et leurs descendants ont donc "échoué" sur l'Aigoual.
La population croît naturellement, les spécimens s'installent "côté viganais, vers Aumessas, Arphy, etc. Mais pas trop ici, sur l'Aigoual." Au début des années 70, les mouflons sont estimés entre 200 et 300 individus. Mais ils doivent faire face au braconnage. "La chasse du mouflon échappe alors aux locaux, retrace Nicolas Pagès. On vient de Nîmes, Montpellier ou Marseille pour les tirer. Puis, le Parc national des Cévennes (PNC) a été créé et ça n'a pas plu à tous les locaux. Sans jeu de mots, le mouflon a été le bouc-émissaire : on tirait des animaux et ils étaient laissés sur place."
"Entre 400 et 500 individus aujourd'hui"
Nicolas Pagès, technicien cynégétique à la fédération des chasseurs du Gard
Si bien que, dans les années 80, "on compte une vingtaine d'individus autour de Saint-Guiral et une quarantaine autour de Valleraugue. Soit on laissait filer la population ; soit, par une convention entre les chasseurs et les agents du Parc, on restaurait la population". Le deuxième choix a heureusement primé, jusqu'à ce que le PNC se désengage de cette gestion, dans les années 90. C'est la fédération des chasseurs qui a pris, seule, le relais.
"On compte entre 400 et 500 individus aujourd'hui, poursuit Nicolas Pagès. La population a gagné vers Mandagout ou encore Saint-André-de-Majencoules." Peu à peu, la fédération a mis en place un projet en deux volets. L'un touristique, avec des sorties nature payantes lors des périodes de vacances. L'autre cynégétique avec, pour ceux qui veulent chasser un individu, "un bracelet assez cher à acheter".
Posté, à mi-pente, l'oeil se porte désormais sur les espaces de landes sèches de moyenne montagne. "L'espèce aime les sols drainants, les rochers." Et reste affiliée au climat méditerranéen, ne montrant aucune volonté de s'implanter plus au nord que les versants sud de l'Aigoual. "On mène deux types de comptage : celui d'aujourd'hui, qui est dit exhaustif même si ce n'est jamais totalement le cas, et un indice ponctuel d'abondance."
"La population augmente chaque année. Mais il y a un nouveau péril, le loup." Sur la semaine, Nicolas Pagès est déjà venu observer quelques mouflons sur le massif et se montre rassurant : "Je n'ai pas vu d'animaux stressés. Mais, bon, le loup est ici, il a déjà prédaté, c'est certain. C'est donc à prendre en compte." Mais ce samedi matin, c'est plutôt le vent froid qui invite l'espèce à rester cachée dans les combes, sous le seul arbre du massif qui ne perd pas ses feuilles, le chêne vert. Une supposition qui se vérifie quelques minutes avant de lever le camp, alors que trois individus sortent de la forêt, sur une crête à près de 500 mètres.
Au retour à Valleraugue, les mines sont circonspectes. Entre bénévoles, on se donne les raisons d'un semi-échec du comptage. Seul Bernard Grellier revient avec une quarantaine d'animaux observés, au bas de la tombe d'André Chamson. Avec les chasseurs, Nicolas Pagès trace les contours de ce que pourrait être le prochain plan de chasse. Mais un complèment de recensement sera nécessaire.
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