Publié il y a 6 mois - Mise à jour le 02.10.2023 - François Desmeures - 4 min  - vu 749 fois

FAIT DU SOIR Sur le versant méridional de l'Aigoual, les cerfs n'ont jamais autant bramé

Une écoute à 360°

- François Desmeures

Sous l'égide de la Fédération des chasseurs du Gard, une quarantaine de bénévoles, postés sur le versant sud du massif, ont tendu l'oreille à la tombée de la nuit, mardi 26 septembre, pour reprérer des brames de cerf. Un comptage - non exhaustif - qui permet d'établir un plan de chasse pour la saison. Depuis que l'animal a été réintroduit sur l'Aigoual, sa population ne cesse d'augmenter. Pour le plus grand plaisir des chasseurs, des naturalistes, mais aussi de curieux au comportement parfois trop intrusif. Récit d'une soirée d'écoute, de l'Espérou à la vallée de la Dourbie. 

Une écoute à 360° • François Desmeures

Les noms sont authentiques et parlent aux gens du massif : aérodrome du Linguas, col des Portes, baraque du Pialot, etc. Nicolas Pagès manipule les enveloppes aux noms de lieux-dits avec, comme support, une grande carte au 25 000e du versant sud du massif de l'Aigoual et quelques points de repère collés. Chaque enveloppe contient un agrandissement de la carte en question, pour aider ceux qui vont observer à se placer aux points demandés. 

Nicolas Pagès brieffe les bénévoles avant qu'ils n'aillent se placer • François Desmeures

"Jusqu'à 21 heures, vous restez en place !", lance Nicolas Pagès, de la Fédération des chasseurs du Gard, qui coordonne le comptage. Il est 18 heures et les abords de la Maison de pays du col de la Serreyrède sont plus garnis et colorés que si un car y avait déversé des randonneurs. Deux gendarmes de la compagnie du Vigan se distinguent par leur uniforme au milieu de vêtements de chasseurs ou des pulls verts de l'Office national des forêts (ONF). 

Confrontation des cartes et des points d'écoute • François Desmeures

"On réalise ce comptage de brames une fois par an, explique Nicolas Pagès, sur deux secteurs : l'Aigoual et le mont Lozère ouest". C'est-à-dire le secteur de Génolhac, avec la frontière départementale comme limite à l'étude. "Le secteur historique de l'Aigoual est assez bien fourni en cerfs ; vers Génolhac, ça devient intéressant", détaille Nicolas Pagès. Pourtant, le comptage n'y aura pas lieu cette année, faute de temps. Mais le constat de hausse de la population est global, depuis la réintroducton des animaux avec l'avènement du Parc national, au début des années 70. 

Deux gendarmes de la compagnie du Vigan ont participé au comptage • François Desmeures

"On ne réalise pas de comptage exhaustif, juste des brames", précise encore Nicolas Pagès. En 2005, les soirées d'écoute relevaient quinze brames dans la soirée. En 2022, ils en étaient à soixante. "La population s'étend, les brames se rapprochent d'ailleurs du Vigan." Car chaque cerf en âge de bramer a sa place dévolue, et seuls les individus d'un certain âge brament. "Le territoire est très variable mais le cerf va évoluer sur plusieurs hectares, poursuit Nicolas Pagès. En fonction des tendances que l'on relève et des dégâts forestiers enregistrés, on peut déterminer un plan de chasse pour l'année." En 2022, près de 300 cerfs ont été abattus dans le Gard, pour la plupart de jeunes individus qui ne se reproduisent pas, les chasseurs préférant garder les individus anciens, qui en imposent, par leur brame ou leur bois. 

François Desmeures

Un prélèvement indispensable, selon chasseurs et gestionnaires de la forêt, "car les cerfs peuvent créer de gros problèmes sur le renouvellement forestier". Les frêles arbrisseaux restent une nourriture prisée facilement accessible et prisée. "Le cerf, on a tendance à dire que c'est une tondeuse à gazon", résume Nicolas Pagès. 

Une fois le cerf fixé sur la longue vue, Nicolas Pagès y adjoint une tablette pour permettre à tous les observateurs de voir et d'enregistrer quelques images • François Desmeures

Direction les abords du hameau abandonné de Malpertus, sur la commune de Dourbies. Un lieu aimé des cervidés car de l'eau y stagne et la boue qu'elle crée leur est utile. À peine sorti de la voiture que le premier brame se fait entendre. Une fois posté, c'est de l'autre côté de la Dourbie que Nicolas Pagès pointe ses jumelles, attiré par un autre brame. Entre la colline qui le surplombe et celle d'en face, Nicolas recense trois brames différents, sans doute quatre, l'un d'eux semblant faire l'essuie-glace au sommet du mont. Véritable passionné, l'agent de la Fédération des chasseurs va assister au brame pour son propre plaisir, en temps normal, sur l'habituelle période du 15 septembre au 15 octobre. 

À peine le soleil couché, les témoignages de brames se font plus insistants • François Desmeures

"Si les biches ne sont pas en chaleur, il n'y a pas de brame", continue d'expliquer Nicolas Pagès, à voix basse, tandis qu'il invite à regarder, dans la lunette, l'auteur du premier brame et les deux biches à proximité, qui ne paraissent pas s'en laisser compter. "Un maître de place peut être mis en rivalité avec un cerf équivalent." Alors les deux mâles se défient en se répondant, peuvent parfois se rapprocher, jusqu'à s'affronter. Mais ce n'est pas la moindre des cruautés : si un grand cerf se sent gêné, dans son approche d'une biche, par le faon qui la suit, il peut ne pas hésiter à le supprimer pour arriver à ses fins. D'autant qu'il est facilement irritable : excité, son corps est aussi perturbé par le fait que le cerf passe toute la période du brame sans manger, "et perd 25% de son poids"

La vallée de la Dourbie • François Desmeures

Il est un peu plus de 21 heures quand la quarantaine de personnes se rejoint à L'Espérou. Avec une nouvelle zone enregistrée, l'Hort de Dieu, et un record absolu : 78 brames recensés sur deux heures. Mais aussi quelques mots glissés à des curieux trop bruyants, avec leur pique-nique. Certains ont même pu observer des "amateurs" venus avec des projecteurs jetés dans la figure des cerfs, prêts à faire fuir la raison pour laquelle ils sont sur place. "Le règne du selfie et de la publication Instagram...", lâche, ironique, une dame parmi les bénévoles. Un règne bien loin de celui, humain et animal, qui régule la vie sur l'Aigoual. 

Au moment d'enregistrer tous les relevés effectués • François Desmeures

À l'issue du comptage, de quoi se sustanter dans la salle Cavalier-Bénezet de L'Espérou • François Desmeures

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