Publié il y a 1 an - Mise à jour le 02.10.2022 - marie-meunier - 4 min  - vu 595 fois

FAIT DU SOIR Agriculteurs, chasseurs, randonneurs : "Il y a une interdépendance des acteurs de la campagne"

25 stands de producteurs et 14 associations étaient présents sur le marché ce dimanche. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Paul Ferté, porte-parole de la Confédération paysanne du Gard, avec Frédéric Nicolas, sociologue et maître de conférence en sciences politiques. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Ce dimanche, la Confédération paysanne du Gard a tenu la 19e édition de sa grande fête. D'habitude organisée à Saint-Géniès-de-Malgoirès, la manifestation s'est déplacée pour la première fois à Garrigues-Sainte-Eulalie, dans l'Uzège. Toute cette journée festive et militante est articulée autour de la thématique "Partageons la campagne". 

"À travers ce thème, on voulait mettre en lumière les conflits qui peuvent exister et également l'interdépendance des différents acteurs de la campagne", indique Paul Ferté, artisan boulanger et porte-parole depuis trois de la Confédération paysanne du Gard. Il poursuit : "On a tous besoin les uns des autres. Les paysans dépendent des chasseurs car sinon, il y aurait trop de dégâts sur les cultures. Les randonneurs ont besoin des paysans pour entretenir des espaces ouverts et favorisant la biodiversité. Les agriculteurs nourrissent la population..."

Il y avait du monde ce dimanche matin pour cette 19e édition de la fête de la Conf'. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Pour l'occasion, Frédéric Nicolas, sociologue et maître de conférence en sciences politiques à Montpellier, est venu donner une conférence sur cette notion de "partage de la campagne". Il a parlé de sa dernière enquête socio-anthropologique réalisée entre 2019 et 2021 sur la manière dont le loup "reconfigure les relations du monde agricole et du reste des usagers et les conflits forts que cela peut générer", résume-t-il.

La chorale Les Courants d'air a animé la fête de la Conf' paysanne du Gard. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Suivant une approche qualitative, le sociologue a mené 93 entretiens d'agriculteurs de Nice jusqu'en Isère, mais aussi en Lozère ou en Aveyron. "On a pu voir quels étaient les effets de la présence du loup sur la santé des éleveurs. Après une attaque des bêtes, il y a du sang, ce n'est jamais agréable et la surveillance des bêtes devient constante. Mais ça peut aussi avoir un impact sur la vie familiale et certains deviennent obnubilés par le loup, au point de présenter des troubles du sommeil", développe Frédéric Nicolas.

"La principale solution contre les conflits, c'est le dialogue"

Son autre objet d'étude, c'est l'agriculture biologique : "C'est encore un mode de production minoritaire. Il attire des personnes qui ne sont pas forcément issues du milieu agricole. Cela peut créer des conflits d'usage des espaces. Il y a des enjeux autour du foncier, sur comment on acquiert des terres." La Confédération paysanne du Gard a d'ailleurs un avocat spécialisé sur la question qui peut aider les personnes à s'installer.

Catherine Legrand cultive en agriculture bio des plantes aromatiques et des arbres fruitiers. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le syndicat agricole gardois profite de cette grande fête pour évoquer tous ces sujets avec des agriculteurs, les associations mais aussi avec le grand public. "La principale solution contre les conflits, c'est le dialogue, la compréhension. À travers cette fête, on veut faire comprendre à tous les acteurs de la campagne cette interdépendance", rebondit Paul Ferté. Cette thématique fait particulièrement écho auprès de Catherine Legrand, qui cultive six hectares de plantes aromatiques et d'arbres fruitiers à Massillargues-Attuech, près d'Anduze. "Je cultive en bio et j'ai des voisins qui ne le sont pas forcément. Il faut discuter, s'organiser. Je cale ma date de récolte en fonction du moment où ils traitent pour éviter de me retrouver avec des résidus de pesticides", raconte-t-elle. Elle sensibilise aussi les promeneurs qui picorent parfois quelques brins de thym en passant.

Simon Le Berre cultive des vignes à Martignargues depuis trois ans. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le partage de la campagne concerne aussi les chasseurs et les randonneurs. "On y est tous confrontés. Ils  marchent souvent en périphérie des parcelles. J'ai aussi des motos qui passent, créent des nuisances et effraient mon cheval que j'utilise en traction animale", grimace Simon Le Berre, installé depuis trois ans sur Martignargues où il cultive 3,5 hectares de vignes. Désireux de relations saines et apaisées, il a même rencontré les chasseurs pour discuter avec eux de soucis comme la clôture des terres qui gêne leur passage.

La ressource en eau, prochain thème de la Confédération paysanne

Pas évident donc de concilier tous les usages de la campagne. Et il y a un autre invité - dont tout le monde se serait bien passé - mais qu'il faut prendre en compte car il pourrait bien totalement métamorphoser nos paysages, c'est le dérèglement climatique. Cet été, la sécheresse et le manque d'eau se sont particulièrement faits sentir. La prochaine rencontre "Ferme ouverte" de la Conf' paysanne portera d'ailleurs sur ces enjeux. "Cet été, pendant un certain temps, on n'a pas pu arroser alors que les gens remplissaient leur piscine. Ça fait un peu mal, ça nous fait réfléchir à adapter les espèces. Je dois être à 40 % de ma production, je suis donc moins rentable. C'est tout l'équilibre économique qui est en jeu", assure Catherine Legrand. Simon Le Berre, lui, estime qu'il faut "accepter que l'eau manque, que les rendements vont baisser". Lui-même laisse ses sols enherbés pour favoriser l'air, l'humidité et un microcosme au pied des vignes.

Les visiteurs ont pu acheter de nombreux produits sur le marché de producteurs. (Marie Meunier / Objectif Gard)

À l'échelle du département du Gard aussi, la question des ressources en eau est au coeur des enjeux. Depuis quelques années, les élus sont engagés dans la démarche "Eau et climat". Une étude prospective a prouvé que "d'ici 50 à 100 ans, les cours d'eau pourraient baisser de 30 à 50 %, qu'il pourrait y avoir une augmentation de plusieurs degrés. En 2050, on pourrait avoir un climat type plaine andalouse dans le Gard", rapporte Bérengère Noguier, conseillère départementale du canton, en visite à la fête de la Conf'. La ligne de conduite, c'est donc "éviter l'ingérable et gérer l'inévitable". Elle conclut : "On ne veut pas prendre de solution à regret. On va accompagner les changements de pratique, notamment en agriculture. (...) On fait beaucoup de concertation sur le territoire. C'est un véritable enjeu si on veut continuer à habiter ici."

Marie Meunier

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