Publié il y a 1 an - Mise à jour le 14.03.2023 - Corentin Migoule - 5 min  - vu 812 fois

SAINT-HILAIRE-DE-BRETHMAS Le génial Carlos Moreno en masterclass pour repenser les "petites villes de demain"

vélos

Les vélos à assistance électrique du réseau Alès'Y ont été plébiscités au cours de la visite.

- Corentin Migoule

À l'issue d'une connexion improbable avec Carlos Moreno, père-fondateur du concept de la ville du quart d'heure, la commune de Saint-Hilaire-de-Brethmas accueillait le séminaire "Petites villes de demain" ce mardi 14 mars. 

"C'est un immense honneur d’accueillir ce séminaire national. C’est une grande première pour nous. On supporte des charges de fonctionnement pour des habitants qui, bien souvent, ne sont pas de nos communes, mais profitent de nos installations. Il était temps que l’État reconnaisse ces fonctions de centralités", a entamé Jean-Michel Perret, maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas, face à une quarantaine d'élus. 

Ce mardi 14 mars, le premier temps fort du séminaire organisé par la commune hôte, avec le concours d'Alès Agglomération et l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), se tenait dans la salle Louis Benoit. Fortement incité par la préfète du Gard à y participer, Jean Rampon, sous-préfet de l'arrondissement d'Alès, honorait les organisateurs de sa présence en délivrant quelques mots introductifs : "21 communes gardoises ont été lauréates du programme Petites villes de demain. Des idées, les élus que vous êtes n'en manquent pas. À nous, l’État, de canaliser votre énergie et de rendre les choses possibles."

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Jean-Michel Perret et Carlos Moreno, une connexion gagnante.  • Corentin Migoule

Rendre les choses possibles, c'est aussi l'intention de Carlos Moreno, père-fondateur du concept de la ville du quart d'heure dont le sociologue franco-colombien a une nouvelle fois assuré la promotion ce mardi matin, à l'occasion d'un atelier intitulé "La proximité au service de la qualité de vie et de la sobriété énergétique". "Quoi de plus pertinent que de travailler sur ce sujet en donnant la parole à Carlos Moreno ?", a soumis Emmanuelle Le Bris, directrice adjointe du programme Petites villes de demain, sous forme de question rhétorique. 

Car celui que l'édile saint-hilairois surnomme affectueusement le "gourou des mégalopoles" est une sommité dont on peut difficilement se passer lorsqu'on souhaite s'emparer du sujet prégnant des mobilités. "Voilà 13 ans que je travaille sur le concept de la ville du quart d’heure. Il a de la valeur car aujourd’hui, de Séoul à Buenos Aires en passant par Toronto et Mexico, ces villes ont épousé le concept", a esquissé Carlos Moreno. 

Face à une assistance toute ouïe, le génie de l'urbanisme s'est attaqué à l'épineuse question du territoire idéal dans lequel le commun des mortels souhaiterait vivre. "Ce n’est pas parce qu’on est logé qu’on habite quelque part. Habiter quelque part, ça veut dire qu’on doit pouvoir retrouver des services et une qualité de vie à la hauteur de nos besoins", a soutenu le sociologue. Ainsi, à ses yeux, le modèle de la ville du quart d'heure repose sur une ontologie se structurant autour des six fonctions sociales que sont "vivre, travailler, s'approvisionner, profiter, apprendre et se soigner". "Si on les relie entre elles et si on les rend accessibles via des mobilités décarbonées, on développe une proximité heureuse", assure le Franco-colombien.

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Les vélos à assistance électrique du réseau Alès'Y ont été plébiscités au cours de la visite. • Corentin Migoule

Ces dernières, dont la marche et le vélo, soutiennent dans le même temps "une question de santé physique et mentale", ce qui vaut au concept l'approbation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). D'autre part, qu'on soit à Saint-Hilaire-de-Brethmas ou à Bombay, le directeur scientifique de la Chaire entrepreunariat territoire innovation (ETI) Paris-Sorbonne estime que la réponse aux enjeux urbanistiques doit prendre en compte "le défi écologique", lequel n’est "rien dans le défi économique" et la "cohésion sociale". En effet, le déploiement de la ville du quart d’heure serait aussi un moyen de "retrouver de l’humanité dans nos vies"

Mais comment y parvenir, ou tout au moins y aspirer ? "Dans chaque territoire, il y a énormément de ressources cachées que l’on ignore", rétorque Carlos Moreno, prenant l’exemple de certaines discothèques ouvertes deux nuits par semaine. "On pourrait imaginer qu'elles servent de salles de sport la journée. Idem pour les lieux sportifs qui ne servent qu'un samedi sur deux ou les écoles qui ne sont pas ouvertes le week-end", échafaude le dernier nommé. En bref, une meilleure valorisation de l'espace qui relève du "défi", celui qui consiste à s'extirper d’un modèle "vieux de 80 ans" qui prônait jadis peu ou prou l'inverse. 

"Il faut transférer nos manières de vivre vers plus de mutualisation. Qu’on utilise mieux ce qui est déjà construit et qu’on réhabilite", enfonce Carlos Moreno, porté par un enthousiasme communicatif. "Si ce n’est pas moi, si ce n’est pas nous qui changeons, qui va alors le faire ?", a conclu le professeur. Pour mieux apprivoiser le concept qui, s'il n'a plus de secret pour Jean-Michel Perret, peut s'avérer abstrait, les élus ont pris part à différents ateliers, dont celui les mettant dans la peau d'habitants aux profils divers.

Vincent Delorme
Vincent Delorme a présenté le projet d'écoquartier. • Corentin Migoule

Bras dessus, bras dessous une bonne partie de la matinée, Jean-Michel Perret et Carlos Moreno affichaient une belle complicité qui traduisait un véritable coup de cœur professionnel entre deux hommes heureux d'avoir fait matcher leurs idées. Afin de rendre la démarche encore plus concrète, l'après-midi faisait la part belle à l'usage du vélo à assistance électrique dans le cadre d'une visite de la commune.

Celle-ci a débuté à la Jasse de Bernard, où Vincent Delorme, directeur général délégué de la Segard de la SPL 30, a présenté le projet d'écoquartier (lire ci-dessous). Après quoi, de retour sur la place des anciens combattants, la quarantaine d'élus a enfourché les vélos du réseau Alès'Y d'Alès Agglo pour poursuivre la visite qui allait les mener à l'école maternelle du Mas Bruguier.

L'occasion pour Jean-Michel Perret de révéler l’idée qu'il se fait de l'application du concept de la ville du quart d’heure à Saint-Hilaire-de-Brethmas : "La volonté, pour chacun de nos trois pôles de centralité, c’est d’avoir une école, un parking et une aire de covoiturage. De sorte qu’on puisse se garer, poser son enfant, sauter dans un transport en commun ou dans une voiture pour aller travailler." La fin du parcours allait occasionner un passage par ce que l'édile considère comme "la partie moche" de la commune, autrement dit l’ancienne route de Nîmes qui concentre bon nombre de commerces et constitue "l’entrée de ville typique des années 70". Avant un retour jusqu'au vieux village qui, lui, ne manque pas de charme. 

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Terrain sur lequel sera construit le futur écoquartier de la Jasse. • Corentin Migoule

Le projet d'écoquartier présenté aux élus

"Pour l’instant ça ressemble à une friche, mais c’est en pleine émulation intellectuelle", a embrayé Vincent Delorme en désignant le terrain végétalisé de trois hectares qui se trouvait derrière lui, en bordure de la route d'Uzès. Une parcelle sur laquelle seulement la moitié de la surface est exploitable, l'autre moitié étant soumise à "des enjeux de biodiversité" incompatible avec la construction de logements qui se profile. Au nombre de 32 pour être exact. "On va tester différentes typologies d’habitat, du rez-de-chaussée actifs, des logements sociaux, de l'habitat inclusif pour les seniors, une maison individuelle, trois villas et de l'habitat participatif", a prévenu le directeur général de la Segard, qui évoque une enveloppe de 100 000€ pour la phase dédiée aux études et expérimentations. Si la question des matériaux n'est pas tranchée, le maire rêve d'un modèle de construction vertueux (relire ici). "On va prototyper une ossature bois à base de pin maritime, essence très présente en Cévennes. On va aussi tester la paille de riz, la paille et la terre crue. L’enjeu est d’embarquer toute la filière économique des artisans, car on veut que ça soit reproductible", conclut Vincent Delorme. 

Corentin Migoule

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