Plus qu’une nouvelle exposition, le musée Réattu présente, à partir de ce samedi 6 décembre, un réaccrochage de l’ensemble de ses œuvres. "'Réattu réinventé', c’est comme un opéra en plusieurs actes", glisse Andy Neyrotti, le commissaire d'exposition. Ce chantier colossal a été mené en à peine quatre mois. Mais, à deux jours de l’ouverture au public, l’équipe s’active encore pour finaliser les derniers détails. Pas d'inquiétude, assure Andy Neyrotti : "Tout sera prêt à temps".
"Presque 200 ans après sa création, ce tableau va être de nouveau présenté"
Cette métamorphose s’articule autour de trois événements majeurs : la rédaction d’un nouveau Projet scientifique et culturel, une volonté de renouvellement dans la narration des collections, mais également, le retour d’une œuvre emblématique. L’œuvre en question ? Un très grand format (221 * 282 cm) de Jacques Réattu, Narcisse se mirant dans les eaux de la fontaine Liriope, peinte à Arles en 1826. Fortement endommagée, cette œuvre n’avait plus été exposée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle devrait sortir de l'atelier des restaurateurs d'ici deux ou trois semaines. "Presque 200 ans après sa création, ce tableau va être de nouveau présenté", se réjouit le commissaire d’exposition. Et il prendra place dans l’espace dédié à" Repenser les images", l’une des cinq thématiques de ce nouveau parcours muséal.
"Nous sommes le musée des Beaux-Arts d’Arles, mais nous ne pouvons pas, ni ne voulons, présenter nos collections de manière chronologique ou académique." L’idée ? Faire dialoguer l’art ancien avec l’art moderne et contemporain. Cinq grands thèmes structurent désormais la visite : "Repenser les images", "Revisiter l’histoire", "Réfléchir le portrait", "Représenter le corps" et "Réinventer le paysage".
Un dialogue entre les époques
Cette approche permet au musée de rester fidèle à son patrimoine tout en s’ouvrant à la création contemporaine. "Un musée vit, évolue, et doit pouvoir accueillir de nouvelles œuvres, qu’elles arrivent par prêt, don ou restauration. Il y a plein de trésors qui, un jour, réintégreront le musée et il faut être en mesure de leur offrir une place", explique Andy Neyrotti. Ainsi, des espaces dédiés aux expositions temporaires offrent désormais la possibilité d’inviter des artistes à dialoguer avec les collections permanentes.
Dans cette quête de l’écho contemporain, Jean-Pierre Formica compte parmi les artistes invités. Et a ainsi investi ce qui fut l’atelier de Jacques Réattu. Face à une précieuse tapisserie du XVIᵉ siècle, appartenant aux Chevaliers de l’Ordre de Malte, et aux toiles inachevées de Jacques Réattu et François-Xavier Fabre, Andy Neyrotti souhaitait faire intervenir "un artiste avec une sensibilité au feuilletage historique", à cette idée de couches successives. Formica était presque une évidence. Avec son installation au sol, qui rappelle celle d’un chaland à la cargaison déchargée par le Rhône, l’artiste propose ici une archéologie contemporaine, "archipel de fragments sur le flux du temps".
Formica et Katerina Jebb
Plus loin, c’est une artiste familière de Réattu que le visiteur retrouve. Katerina Jebb est ainsi la première invitée de la "Galerie Gothique" et y présente une série de nues, passés au filtre de son scanner, jusqu’alors uniquement exposés au musée de l’archéologie de Rome. Parmi les nouveautés de ce parcours, aussi, l'installation sonore multicanal Métamorphoses de Julie Rousse dans la Chambre d'écoute. Car s'il est connu que Réattu a été le premier musée à intégrer la photographie, il est aussi le premier musée d'art en France à avoir ouvert un département d'art sonore. À découvrir, ou à redécouvrir, des photographies, dessins, peintures de Léo Lelée, André Marchand, Lucien Clergue, Pablo Picasso, Hervé Hôte, Javier Perez, etc. Pour la première fois au musée sont aussi exposés des portraits photographiques d’Alexander McQueen par Ann Ray, une image de la Vénus d’Arles au Louvre par Brassaï ou bien encore des nus photogaphiques de Rachel Théret -- "la Lucien Clergue de Toulon", etc.
L'effort a également été mis dans la première salle du musée, la seule accessible aux personnes à mobilité réduite, qui a été entièrement réaménagée. Y sont désormais proposés des textes retraçant les périodes clés de l’histoire du musée, une sélection d’œuvres attachées à des personnages importants pour les collections, ainsi qu’un espace baptisé le "musée parallèle", ouvert à tous mais orienté plus spécifiquement vers l’accessibilité aux personnes en situation de handicap. "Pensé selon une approche multi-sensorielle des collections, il met à disposition différents dispositifs d’interprétation -- table numérique, reproductions tactiles d’œuvres, audio-descriptions -- et propose de découvrir une exposition inédite de reproductions tactiles de sculptures de Christine Crozat."
Avec cet accrochage spécial, Réattu vient réaffirmer, en près de 100 artistes et 300 œuvres, son statut de musée d’art de la ville d’Arles.
"Réattu réinventé", du 6 décembre 2025 au 29 mars 2026.