L’ouverture de la séance a d’emblée donné le ton. Jean-Michel Jalabert, ex-premier adjoint de Patrick de Carolis et candidat déclaré aux prochaines municipales, avait officiellement renoncé à ses délégations de vice-président, suivi dans cette démarche par sa colistière Marie-Amélie Ferrand-Coccia. Ce repositionnement politique s’est donc matérialisé par un changement de place dans l’assemblée pour les deux anciens alliés de Patrick de Carolis. Dans un contexte de fin de mandature, le conseil a choisi de ne pas nommer de nouveaux vice-présidents.
Résultat : le président d'ACCM a récupéré les délégations des démissionnaires, dont celles, stratégiques, du développement économique et des mobilités. Une décision qui n’a pas manqué de susciter des questions, notamment de la part de Cyril Girard, élu d’opposition arlésien. Alors que l’enquête publique sur le contournement autoroutier bat son plein, celui-ci a tenté d’engager le débat sur ce sujet brûlant. Mais pour Patrick de Carolis, ce n’était pas le lieu pour en discuter.
Dans la foulée, un sujet a particulièrement cristallisé les tensions : celui de la requalification des Papeteries Étienne, quartier Trinquetaille à Arles. Il était question pour les élus d'ACCM de voter la demande de subventions auprès de l’État pour financer la création d’un parc urbain sur la friche industrielle et d’accepter la réévaluation à la baisse du prix du terrain (à l'ouest du site des Papeteries) cédé à la Macif, qui, avec ce projet, devrait déménager de Fourchon à Trinquetaille.
L’opposition n’a pas tardé à monter au créneau. Nicolas Koukas en tête. L'élu d'opposition et candidat de l’union de la gauche à Arles a ouvert les hostilités en dénonçant "la faiblesse de la méthode et le manque d’ambition écologique et sociale du projet pour les papeteries." Son principal grief ? "L’absence totale de concertation avec les habitants". Un reproche qu’il a étendu à l’ensemble des projets menés ces dernières années : "Depuis des années, nous assistons à une multiplication de projets où le diagnostic est posé sans les citoyens, où les décisions sont prises en amont sans qu’aucun processus de concertation digne de ce nom ne soit engagé." Patrick de Carolis a tenté de parer ces critiques en évoquant notamment une réunion publique organisée en décembre 2024 en collaboration avec le comité d’intérêt de quartier de Trinquetaille. "Dire qu’on ne parle pas à la population, c’est faux, a-t-il rétorqué. Vous n’avez tout simplement pas frappé aux mêmes portes que nous." Une réponse insuffisante pour Nicolas Koukas, qui exige une concertation plus large : "Personne n’a entendu parler de ce projet, pas même les voisins. Comment les habitants ont-ils été associés ? Aucun processus sérieux n’a été engagé. On ne transforme pas une friche industrielle majeure en un simple parc d'entrée de ville, sans imaginaire collectif, sans ambition structurante, c'est passer à côté d'un rendez-vous historique avec ce quartier et avec la transition écologique."
L'élue d'opposition Carole Guintoli a enfoncé le clou sur le volet économique, s’interrogeant avec ironie : "Six ans de mandat, pléthore d’études, et pour demander quoi au final ? Un financement pour un jardin ? Quand est-ce qu’on installe des entreprises créatrices d’emplois et de richesse sur ce foncier si précieux ?" Cyril Girard a lui aussi renchéri, pointant "une absence totale de vision" : "Quand on multiplie les études, c’est qu’on ne sait pas où on va. On n’a toujours pas les plans de ce projet. Aujourd’hui, on demande un million d’euros à l’État pour quoi ?" Il a également évoqué la protection du triton crêté, une espèce menacée présente sur le site, soulignant les contradictions entre développement économique et préservation environnementale. Le maire a défendu la démarche de la majorité, assurant que "les études environnementales et de sols demandées par l’État ont bien été réalisées" et rappelant que "le triton crêté se situe au nord des Papeteries, une zone non concernée par le projet".
Face aux critiques, Patrick de Carolis a tenu à rappeler les trois phases du projet de requalification des Papeteries Étienne. Un projet "inchangé depuis le début", martèle-t-il. "La phase 1 correspond aux travaux du 'bâtiment shelds' destiné à accueillir les Rencontres de la photo. La phase 2 à la régularisation administrative des 16 000 m² constructibles avec, notamment, le dépôt du permis d’aménager et la réalisation du plan guide. Et enfin, la phase 3 à la création du parc urbain."
Pour l'opposition, la ristourne faite à la Macif ne passe pas
Mais c’est la réévaluation à la baisse du prix du terrain vendu à la Macif qui a relancé les hostilités. Une réduction d’environ 115 000 euros, justifiée par "la prescription d’un diagnostic archéologique impactant le calendrier d’opération", a été vivement critiquée par l’opposition. "Comment ne pas avoir anticipé les fouilles archéologiques, alors que ce site est connu pour abriter des mosaïques et des sarcophages exceptionnels ?", s’est interrogé Nicolas Koukas, faisant part de ses doutes quant aux délais et de fait, quant à la pertinence même du projet. "L’archéologie n’est pas un frein au développement économique, arguait Sophie Aspord, en charge du patrimoine. Même si elle peut allonger les délais."
"Pourquoi baisser le prix de la parcelle ? À la zone des Minimes, nous avons vendu un terrain 6,9 millions alors que l’estimation des Domaines était de 8,6 millions. Je pense que dans votre envie de réussir quelques coups avant la fin de ce mandat, vous bradez un peu le patrimoine", a asséné Cyril Girard. Carole Guintoli a, elle aussi, exprimé son incompréhension : "Lors des vœux de 2025, on nous vantait le maintien de la Macif comme un grand exploit. Aujourd’hui, on découvre que rien n’est fait. La Macif n’a même pas acheté le terrain, et on lui accorde une ristourne de plus de 110 000 euros. Pendant six ans, on nous a répété qu’on ne pouvait pas installer d’entreprises par manque de foncier. Et quand on en a, on baisse les prix !", s'est-elle insurgée.
"Sauver 250 emplois"
Face à ces critiques, le maire a justifié cette décision par la volonté de "sauver 250 emplois", arguant que "la Macif a accepté une hausse de loyer" et que "la fourchette de 10 % par rapport à l’estimation des Domaines est respectée". Jean-Michel Jalabert, qui a été à la manœuvre de ce dossier, est intervenu pour l’unique fois de la séance et a soutenu cette position : "Faire une baisse de prix pour faire avancer le projet, ce ne serait pas acceptable ? Mais l’emploi n’a pas de prix. Sauver 250 emplois et en créer peut-être une cinquantaine, ça n’a pas de prix." Réponses hors sujet pour l'opposition "historique".
Une fois les délibérations closes, le président Patrick de Carolis a tout juste eu le temps de remercier chacun, élus et agents, pour le travail accompli durant ces six années avant que tous ne quittent la salle. La fin d’une mandature, mais surtout le prélude d’une campagne qui s’annonce déjà tendue.