C’est un chantier XXL mené dans un délai XXS. D’ici quelques jours, les 660 mètres linéaires de l’aqueduc du Mas d’Artaud auront totalement disparu du paysage de Pont-de-Crau. Profitant de l’hiver, "période de chômage du canal", l’ACCM vient de lancer la phase 2 de son important chantier de réhabilitation du canal de la Haute-Crau. Alimenté par la Durance, ce canal joue un rôle essentiel dans l'irrigation agricole de la région de la Crau et l’alimentation en eau potable de 300 000 personnes.
Chemin du Falet, les engins de NGE s’activent. À quelques centaines de mètres, les équipes chargées du désamiantage, reconnaissables à leurs combinaisons blanches, retirent méticuleusement les derniers éléments remplis d’amiante. Ces plaques, accumulées au fil des ans pour colmater les brèches, n’étaient plus étanches depuis longtemps. "On va en retirer plusieurs dizaines de tonnes", expliquent les techniciens.
Le canal de la Haute-Crau était dans le viseur des services de l’État depuis plusieurs années. Construit au milieu des années 1950, il présentait des signes graves de vétusté : pertes d’eau, risques d’effondrement et menace de rupture du service d’irrigation. Gestionnaire de l’ouvrage, l’association syndicale autorisée (ASA) de la Haute-Crau n’avait pas les moyens de financer sa réhabilitation. En 2019, l’ACCM a ainsi été désignée maître d’ouvrage pour réaliser les études et les travaux à sa place. Cinq portions critiques avaient été identifiées. La première phase (2022-2024) a permis de réhabiliter trois aqueducs à Saint-Martin-de-Crau, remplacés par des canalisations enterrées ou semi-enterrées.
Une remise en eau dès la mi-mars
Engagée en octobre dernier, cette seconde phase vise à remplacer l’aqueduc aérien situé chemin du Falet -- à Pont-de-Crau, au niveau du Mas d’Artaud -- lui aussi en état de délabrement avancé, par "une nouvelle canalisation enterrée, plus moderne et plus durable". "C’est de la survie des agriculteurs dont il s’agit, déclare Pierre Raviol, conseiller communautaire et membre de l’ASA. S’il n’y a pas d’eau en Crau, il n’y a pas d’agriculteurs."
Désamiantage, démolition, terrassement, tests : tout doit être mené en un temps record. "Douze jours de démolition, puis on enchaîne avec les travaux de terrassement et de pose de canalisation", détaille Germain Adrian, directeur de travaux chez NGE. Les tests d’étanchéité sont prévus en février, et "l’objectif, c’est la remise en eau à la mi-mars", ajoute Matthieu Gilbert, ingénieur hydraulique chez BRL. "Il y a un fort enjeu économique derrière", insiste-t-il. Ce chantier est même crucial pour l’approvisionnement en eau potable de près de 300 000 personnes, la nappe de la Crau étant alimentée à 70 % par l’agriculture, comme le rappelle Pierre Raviol.
Le coût total de cette nouvelle phase de travaux s’élève à 1 480 116 €, financé par l’État, le Département des Bouches-du-Rhône, la Région Sud, ACCM et l’ASA. Inédit, "ce projet a été un laboratoire expérimental", souligne Cécile Lenglet, sous-préfète d’Arles. Dans les Bouches-du-Rhône, de nombreuses structures hydrauliques, comme l’ASA de la Haute-Crau, manquent de moyens pour moderniser leurs infrastructures. Sous l’égide de la Fédération départementale des structures hydrauliques, un plan est en cours pour regrouper les 110 entités existantes en dix pôles, afin de porter des programmes d’investissements ambitieux de modernisation des réseaux.