Publié il y a 5 h - Mise à jour le 19.05.2025 - Coralie Mollaret - 4 min  - vu 463 fois

PERRIER Les 5 infos à retenir de la commission d’enquête sénatoriale

Ce matin au Sénat

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Présidée par le sénateur (Les Républicains) du Gard, Laurent Burgoa, la commission d’enquête parlementaire sur « la préservation de la pureté des eaux minérales naturelles » a rendu ses conclusions, assorties de 28 recommandations.

Dans le Gard, les conclusions de l’enquête parlementaire sur les eaux minérales naturelles étaient particulièrement attendues. À Vergèze, le site Perrier emploie 1 000 salariés (et génère 500 emplois indirects). Un acteur majeur de l'économie gardoise, qui a été mis en demeure, le 9 mai, par le préfet : sous deux mois, Nestlé Waters doit abandonner le traitement de l’eau par filtre de 0,2 micron, s’il souhaite conserver son autorisation de production d’eau minérale naturelle.

1. Pas de « scandale d’État »

La commission d’enquête est longuement revenue sur l’affaire Perrier. Un « scandale », pour la sénatrice écologiste Antoinette Guhl. Une « affaire », tempère le président LR de la commission et élu du Gard, Laurent Burgoa qui dévoile le nom final de leur rapport :  Eaux minérales : préserver la pureté. Le Gardois insiste : « aucune contamination sanitaire n’a été avérée. Les bouteilles d’eau contaminées ont été détruites. On a simplement bu de l’eau qui n’était pas naturelle… Il ne faut pas faire peur à nos concitoyens. »

Pas naturelle puisqu'en 2022, l’utilisation de filtres à charbon actif et de traitements aux ultraviolets chez Perrier éclate au grand jour. « Ce traitement est réservé à l’eau du robinet, une eau 400 fois moins chère que l’eau minérale en bouteille », souligne le sénateur PS Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission. Une fois "l’affaire" révélée, « l’État est resté silencieux. Les autorités n’ont pas donné de suite judiciaire ». Et d’évoquer le « chantage à l’emploi » exercé par certains industriels. 

Laurent Burgoa, sénateur LR du Gard : « Présider cette commission n’a pas été simple pour moi »
Laurent Burgoa, sénateur LR du Gard : « Présider cette commission n’a pas été simple pour moi » • Droits réservés

Lors des auditions, les sénateurs ont déploré l’attitude de certains dirigeants de Nestlé : « Vous avez un industriel qui arrivait, posait sa bouteille sur la table et faisait trois ou quatre minutes de publicité… Cette attitude ne respecte pas la représentation nationale ! » La sénatrice Antoinette Guhl abonde : « Il y a eu beaucoup d’arrogance… Quand on leur demandait : “Depuis quand dure la fraude ?” Pas de réponse. On trouve finalement cette information dans un document de l’État : une vingtaine d’années. Combien le groupe a-t-il gagné ? Là encore, pas de réponse. On a trouvé les 3 milliards ailleurs… »

2. Maillage des filtres : vers une norme claire

Le rapport de la commission contient 28 recommandations. L’une des premières appelle à plus de clarté dans la réglementation, notamment sur le maillage des filtres utilisés pour traiter l’eau : « Il faut une norme compréhensible et applicable par tous. Les préfets se sont souvent retrouvés isolés dans cette affaire », insiste Laurent Burgoa. Le rapporteur, lui, poursuit : « Il faut aussi harmoniser la règle à l’échelle européenne pour que les industriels n'opposent plus l’exemple espagnol, où le maillage des filtres est plus resserré. » Par ailleurs, : « Si, en France, il n’y a pas eu de cas avéré de contamination, contrairement à l’Espagne, la gestion du risque en France a été dégradée : elle s’est faite a posteriori, à coup de sondes dans les bouteilles finies. » Là aussi, les sénateurs appellent à plus de contrôle. 

3. Un régime fiscal à revoir

Autre sujet, mais pas des moindres : le régime fiscal de la production d’eau. En France, l’eau minérale représente 11 000 emplois directs, répartis dans des sites situés sur des communes moyennes : « Aujourd’hui, la taxe ne porte que sur la production d’eau minérale naturelle. Du coup, dans le Gard, les communes ne bénéficient pas de la fiscalité liée à l’eau de boisson produite par Maison Perrier (dont le traitement est moins contraignant). Cela crée un biais qui pousse les communes à défendre certaines pratiques. » Le sénateur Ouizille a aussi découvert : « les eaux destinées à l’exportation ne sont pas concernées par cette fiscalité, contrairement à celles vendues sur le territoire national. Cela doit changer. »

4. Préserver la ressource à long terme

Concernant Maison Perrier, le rapporteur demande aussi de clarifier la traçabilité de l’eau : « L’eau minérale naturelle et l’eau de boisson sont produites de manière alternée, mais passent par les mêmes tuyaux. » Il recommande donc un audit : « pour vérifier s’il existe une véritable “muraille de Chine” numérique, ou s’il faut envisager une séparation physique de ces tuyaux. » Enfin, les sénateurs appellent à étendre les zones de protection de l’impluvium de l’utilisation de produits phytosanitaires, afin de préserver les nappes phréatiques. « J’ai eu la présidente de la Région, Carole Delga, 45 minutes au téléphone. Nous sommes en phase pour préserver ces nappes. C’est à l’État de coordonner et à l'industriel de financer », souligne Laurent Burgoa.

5. Protéger les commissions d’enquête parlementaire

« Dans cette affaire, nous avons le sentiment d’avoir cherché la vérité jusqu’au bout », conclut le rapporteur, saluant le travail des lanceurs d’alerte et des journalistes, « sans qui cette affaire n’aurait jamais éclaté au grand jour. » Les sénateurs, dont la commission d’enquête a été clôturée après la remise du rapport, entendent proposer des textes de loi en lien avec leurs recommandations. L’une d’entre elles visera particulièrement à conforter les pouvoirs d’enquête des parlementaires, chargés de contrôler l’action du Gouvernement : « Toutes les semaines, on reçoit un courrier d’avocat nous demandant d’arrêter nos travaux. » Une commission qui, une fois n’est pas coutume, a été particulièrement suivie, avec des pics d’audience lors des auditions à « 500 000 vues ».

Coralie Mollaret

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