Publié il y a 11 mois - Mise à jour le 04.05.2023 - François Desmeures - 3 min  - vu 1219 fois

FAIT DU JOUR En plein repiquage, les producteurs d'oignons doux attendent fébrilement l'arrêté cadre sécheresse

Les parcelles de Gaël Martin, équipées d'un bassin rempli par ruissellement des pluies

- (photo François Desmeures)

Bien avant la récolte, les producteurs d'oignons doux des Cévennes savent déjà que leur récolte sera amputée d'environ 25 %, soit la surface qui ne sera pas mise en culture cette année. Si un traitement sera appliqué contre la cicadelle, l'arrêté cadre sécheresse, attendu fin mai, inquiète les producteurs sur la possibilité de mener leur récolte à matûrité. Actuellement remplis, les bassins ne suffiront pas à passer la saison. 

Pour le repiquage, Gaël Martin embauche treize personnes supplémentaires tandis que ses enfants, en vacances, sont mis à contribution • (photo François Desmeures)

Chez Gaël Martin, ce sont les terres les plus difficiles à irriguer qui ont disparu en premier. 2 000 m2 ont été enlevés, soit environ 10 % de ce que le GAEC du Figuier met habituellement en culture. "Mais sur l'appellation, ce sont environ 25 % de moins qui seront repiqués", estime son président, Gaël Martin, dont les terres sont situées dans le réacteur de la production d'oignons doux des Cévennes, la vallée de Taleyrac, commune de Saint-André-de-Majencoules (devenue Val d'Aigoual). 

Malgré la sécheresse de 2022 - et la manifestation du 25 août devant la sous-préfecture du Vigan, suite à l'interdiction d'arroser - il n'y a pas eu de défection chez les 91 producteurs en AOP (appellation d'origine protégée) cette année, d'après Gaël Martin, en dehors des départs en retraite. Pour remplir leurs bassins, les agriculteurs ont appliqué, à grande échelle, la théorie du ruissellement. "Par exemple, le grand bassin, je l'ai rempli avec l'eau qui vient du toit de ma nouvelle bergerie." Autant d'eau qui n'ira pas à la rivière. Mais surtout, autant qui ne sera pas ponctionnée aux heures les plus chaudes dans les circuits traditionnels, alors que 25 % de l'arrosage qui sert chaque année à l'AOP sont déjà stockés.

"Si vraiment on passe en crise, il faudra bien que la préfecture fasse quelque chose, sinon ça tournera mal."

Gaël Martin, président de l'AOP oignons doux des Cévennes

À l'hectare, Gaël Martin estime l'investissement nécessaire entre 25 000 et 30 000 € pour les producteurs d'oignons doux. "Si le 26 mai, l'arrêté-cadre nous passait comme secteur en crise (*), comment on fait ?" Avec le président de la coopérative Origine Cévennes, Philippe Boisson, Gaël Martin a écrit à la préfète du Gard. "L'État nous a dit qu'il y aura peut-être des possiblités de dérogation. Déjà, ce n'est pas certain, et ça ne nous permettrrait d'arroser que 50 % de notre production habituelle. On a transféré le courrier à tout le monde, chacun prendra ses responsabilités. Mais si vraiment on passe en crise, il faudra bien que la préfecture fasse quelque chose, sinon ça tournera mal." 

Gaël Martin est président de l'appellation d'origine protégée Oignons doux des Cévennes • (photo François Desmeures)

La sécheresse de 2022 avait également incité les cicadelles à visiter les champs d'oignons, souvent en bordure de parcelle où l'humidité avait tendance à stagner. Pour cette campagne 2023, les producteurs d'oignons ont pris les devants. "On a piégé à côté des asperseurs, explique Gaël Martin. Pour le moment, les pièges n'ont rien détecté." Mais il n'est pas question pour la profession de se laisser déborder cette année, alors que les mêmes causes de sécheresse risquent de donner les mêmes effets. "On mettra du répulsif sur les bords de parcelles", s'est résigné Gaël Martin. 

À la coopérative Origine Cévennes, l'angoisse pour les arboriculteurs

Des inondations en 2020, cicadelles et sécheresse en 2021, "à la coopérative, on a obtenu le chômage partiel, se félicite Gaël Martin. Mais si on revit la même année, on aura forcément des licenciements économiques, comme des pertes d'exploitation. La coopérative s'inquiète aussi pour ses arboriculteurs. "On a demandé la possibilité d'arroser au moins une fois par semaine dans les vergers , mais ça devrait être refusé. Et ce n'est pas entendable : on est au goutte-à-goutte." Si les oignons peuvent être replantés, difficile de faire de même avec des pommiers de plusieurs années. Pour ls arboriculteurs, c'est leur capital lui-même qui pourrait être à terre.

Deux années de sécheresse aussi violentes, Gaël Martin n'en pas pas gardé mémoire. Les canicules de 1947 ou 1976 reviennent dans les débats mais les deux années actuelles ont déjà expédié aux oubliettes la canicule de 2003 et la sécheresse de 2017. Le président de l'AOP Oignons doux des Cévennes est conscient du problème, en réclamant des capacités de stockage d'eau supplémentaires, sans s'éloigner d'une réalité : "Ce qui m'inquiète, c'est le court terme, soit les deux ou trois prochaines années." Où la sécheresse pourrait revenir au moins une fois. "Mais à plus long terme, des épisodes cévenols, il y en aura toujours. Il faut donc absolument qu'on stocke cette eau quand elle est là." Venue il y a deux semaines dans les parcelles, la nouvelle sous-préfète du Vigan, Anne Levasseur, a reçu ses premières revendications d'agriculteurs. En espérant, pour tous, qu'elle n'ait pas à en voir la colère. 

(*) Quand un bassin est en crise, "seuls sont autorisés les usages prioritaires de l'eau, concourants à l'alimentation en eau potable des populations, à la survie des espèces aquatiques, à l'abreuvement des animaux, à la sécurité civile et à la salubrité publique", explique la préfecture du Gard. Il n'est donc plus possible d'arroser les cultures, nuit comprise. 

(photo François Desmeures)

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