Environnement
Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 31.07.2021 - marie-meunier - 4 min  - vu 938 fois

FAIT DU JOUR Oponces, ambroisie, jussie... un combat sans fin contre ces plantes invasives

Les oponces sont des plantes exotiques avec des tiges aplaties en forme de raquettes. (Marie Meunier / Objectif Gard)

A Saint-Bonnet-du-Gard, des milliers d'oponces sèchent sur une bâche en attendant d'être détruits. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Le climat méditerranéen séduit bien des familles, le temps des vacances ou pour toute la vie. Il y en a d'autres qui se plaisent bien dans la région et qui y ont élu durablement domicile : ce sont les plantes exotiques invasives, dites plantes envahissantes. 

Et comme leur nom le suggère, il est extrêmement difficile, voire impossible de s'en débarrasser. Le Gard et notamment les abords du Gardon ne sont pas épargnés. Ambroisie, jussie, renouée du Japon, laitue d'eau... Ces espèces sont plus ou moins présentes dans le bassin. À Saint-Bonnet-du-Gard, on mène depuis des années un combat contre les oponces. Il s'agit des cactus qui donnent les figues de Barbarie. Assez esthétique de prime abord, cette plante piquante a une véritable faculté à proliférer en tapissant le milieu et en créant un buisson bas dense et compact. Même une fois déracinés, les oponces peuvent repartir...

Certains promeneurs ont pu croiser dans la garrigue des Ferraud à la sortie de la commune, un immense amas d'oponces. Des centaines arrachées et amoncelées sur une bâche géotextile. Ils sont entreposés là, le temps de sécher. Une fois secs (après 3-4 mois, selon la mairie), ils seront amenés à la déchetterie pour être broyés ou brûlés.

Certains habitants s'inquiètent de voir ces cactus à l'air libre, à proximité d'un sentier, sans délimitation grillagée et en plein espace naturel à protéger. Malgré la bâche séparant les cactus du sol, on voit que quelques plants ont réussi à repousser. "Je crois que même à travers du carrelage, ça repousserait", déplore le maire de Saint-Bonnet-du-Gard, Jean-Marie Moulin. Néanmoins, il assure qu'un de ses agents passe régulièrement sur place pour stopper d'éventuelles propagations. Et que le tas a été mis suffisamment en retrait du chemin pour que des randonneurs ne risquent pas de frotter aux épines. Il faut bien rappeler que le séchage - qui diminue d'un septième le poids des oponces - est la seule solution pour ensuite détruire ces plantes gorgées d'eau.

Les oponces ramenés en Europe à l'origine pour lutter contre le scorbut

"Les oponces forment une belle protection pour les propriétés. C'est infranchissable. Sauf que le vent, les oiseaux propagent les graines dans la nature et ça repousse un peu partout. Aujourd'hui, il est impossible de tous les éradiquer", déplore le maire. Quelques années en arrière, le syndicat mixte des Gorges du Gardon avait mené une grande opération d'arrachage à Collias : les pistes d'escalade en étaient envahies, rendant dangereux l'accès aux falaises. En voyant cela, la mairie de Saint-Bonnet a elle aussi fait appel au syndicat. La collaboration s'est finalement arrêtée et la municipalité gère cela en interne, en louant une pelle mécanique.

Même après avoir été arrachés et séparés du sol grâce à une bâche, ces cactus arrivent à se propager à nouveau dans la nature. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Chaque année, entre 2 000 et 3 000 € du budget municipal sont consacrés au traitement des oponces. "Le pire, c'est que l'on n'est pas tranquille pour cinq ans. Chaque année, il faut remettre l'ouvrage sur le métier. Ces plantes survivent à tous les éléments", constate Jean-Marie Moulin.

Au syndicat mixte des Gorges du Gardon, on est bien conscient du problème. Les oponces sont bien présents dans les gorges, mais pas en amont : "Ces plantes exotiques ont été ramenées il y a longtemps par voies navigables. Leurs fruits, les figues de Barbarie, étaient consommées par les marins à bord pour lutter contre le scorbut. Les oponces se sont alors disséminés un peu partout en Méditerranée", retrace Thibaud Clémencet, responsable du pôle éducation et des maisons thématiques au Syndicat mixte. Ensuite, les jardineries se sont mises à en commercialiser et en vendent toujours aujourd'hui. L'expansion a commencé ainsi.

Des cactus qui prennent tout l'espace et diminuent les niches écologiques

"Cette espèce invasive n'entraîne heureusement pas de problèmes sanitaires. Les gens ne risquent pas de développer des allergies comme cela peut être le cas avec l'ambroisie. Il n'y a pas non plus de risque d'asphyxie des cours d'eau comme peut le faire la croissance de la jussie", continue Thibaud Clémencet. Mais il nuance : "Les oponces colonialisent souvent les falaises en se nichant dans de petits espaces. De fait, ils limitent considérablement la place pour les autres espèces et affaiblissent les niches écologiques." Ce dernier regrette qu'il n'existe pas de réglementation claire à propos de ces végétaux qui continuent d'être vendus en jardinerie comme plantes ornementales.

Désormais, le syndicat mixte des Gorges du Gardon joue surtout un rôle dans la détection précoce de nouvelles espèces indésirables : "On intervient quand de nouvelles apparaissent sur de petites surfaces et qu'il est encore temps de les arrêter." Ponctuellement, les équipes procèdent aussi à de l'arrachage dans des lieux fréquentés, notamment l'ambroisie au Pont du Gard : "Il faut savoir qu'une graine d'ambroisie a une capacité de germination jusqu'à 50 ans. Et une plante peut lâcher des milliers de graines. C'est une vraie problématique", atteste Thibaut Clémencet.

"Au début, on a essayé de mettre le paquet pour les éradiquer mais on s'est rendu compte qu'elles étaient plus fortes"

Le syndicat mixte travaille en étroite collaboration avec l'EPTB Gardons. L'établissement public aussi lutte contre ces plantes invasives depuis 2006-2007. Son secteur d'intervention n'est pas concerné par les oponces, mais d'autres plantes exotiques leur donne du fil à retordre, notamment la jussie : "Elle a une capacité de vie aquatique et aérienne. Au départ, elle s'étend dans les faibles profondeurs à 50 cm sous l'eau puis prolifère jusqu'à boucher les étendues d'eau et remonte à la surface en empiétant les berges", raconte Étienne Retailleau, directeur adjoint de l'EPTB.

À l'origine, la jussie était présente en Amérique du sud. Elle est arrivée dans la région en se nichant dans la laine des moutons transportée jusqu'en France. Passée totalement inaperçue pendant de nombreuses années, elle a en fait une croissance exponentielle. "Les plantes invasives n'apparaissent pas du jour au lendemain. Elles mettent longtemps à se développer. Au début, on a essayé de mettre le paquet pour les éradiquer mais on s'est rendu compte qu'elles étaient plus fortes. On s'est donc réadaptés en identifiant les zones encore préservées et en limitant la prolifération en amont", détaille Étienne Retailleau.

Limiter sans jamais venir à bout. C'est vraiment le cycle sisyphéen auquel s'astreignent collectivités et syndicats pour le traitement des plantes exotiques. Il y a bien sûr une réglementation sur la commercialisation de certaines espèces recensées, qui interdit d'en acheter ou d'en introduire sur le territoire français (sauf autorisation spéciale). Dans la liste des espèces exotiques envahissantes établie pour l'Union européenne, on retrouve la jussie, la myriophylle du Brésil ou la renouée perfoliée. Mais pas les oponces...

Marie Meunier

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