JUSTICE Plainte contre Bruno Retailleau : Me Aoudia explique ses motivations

L'avocate nîmoise Khadija Aoudia, la tête du barreau de Nîmes de 2023 à 2024
- Coralie MollaretL’ancienne bâtonnière de Nîmes a déposé plainte, ce matin, contre le ministre de l’Intérieur pour provocation à la haine et discrimination. Ce matin, lors d’une conférence de presse, elle a expliqué sa démarche.
À Nîmes, la torpeur de l’été vient d’être brisée par une avocate nîmoise. Représentant une association qui souhaite conserver l’anonymat, Me Khadija Aoudia vient de déposer plainte contre le ministre de l’Intérieur pour provocation à la haine et discrimination. Avec son équipe de juristes, son cabinet a épluché les interviews de sa première année passée place Beauvau. Plusieurs exemples sont cités dans la plainte, comme sa déclaration du 29 septembre sur LCI : « L’immigration n’est pas une chance pour la France. » Au cours de cette même interview, Bruno Retailleau déclare : « L’immigration est un des phénomènes qui a le plus bouleversé la société française depuis 50 ans sans que jamais les Français aient eu à se prononcer.»
Une année d’interviews passée au crible
Le 27 novembre, auditionné au Sénat, il soutient : « Les ressortissants algériens ne sont pas soumis à la signature des contrats d’intégration républicaine, ce qui est incroyable. » Toujours sur LCI, le 6 février 2025 : « Le voile est un signe d’apartheid (…) Vous avez là l’exemple d’une société totalement déséquilibrée par les flux migratoires. Or, ce sont des musulmans, ils sont noirs… » Pour l'avocate, ces propos, « au regard de leur caractère discriminant et stigmatisant, provoquent à la haine (…) Ils impactent les personnes de confession musulmane, supposées ou avérées, et parmi eux, une nation discriminée qui va être l’Algérie et, par conséquent, les ressortissants algériens, franco-algériens... »
Au-delà des propos, l’avocate dénonce aussi des actes : « des fermetures d’écoles coraniques sous prétexte de non-respect des mesures d’hygiène ou de sécurité, sans mises en demeure. De plus, ces contrôles ne concernent pas les écoles d’autres confessions (…) Il y a aussi des associations asphyxiées financièrement, qui viennent en aide aux migrants et aux réfugiés. » Me Khadija Aoudia soutient que cette politique répond à une idéologie : « Bruno Retailleau cherche à convaincre l’ensemble de la nation française qu’elle ne peut être perçue que selon un seul modèle : une origine ethniquement européenne et issue d’une civilisation judéo-chrétienne (…) Quand on en arrive là, ça fait tout de même penser à des périodes troubles de notre histoire. »
Juridiction d’exception
Pour l’avocate : « Le devoir, l’obligation qui pèse sur les épaules des ministres est de respecter les conventions internationales dont l’état est signataire, comme l’égalité de traitement et de non-discrimination. » Si la plainte est acceptée, elle sera jugée devant la Cour de justice de la République, seule compétente pour juger un ministre en exercice. L’avocate nîmoise ne se fait toutefois pas d’illusions : « Au vu du faible nombre de ministres traduits devant la Cour de justice de la République, j’ai de sérieuses raisons de douter de l’efficacité de cette juridiction… »
Sa démarche est alors une première étape pour déposer une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. « Pour ça, il faut d’abord épuiser les voies de recours internes », annonce-t-elle. Une requête plus large, visant à vérifier si, en France, le droit à un procès équitable est bien garanti, « dès lors que les mécanismes en place ne permettent pas à tous les justiciables de faire valoir leur cause. » Comme quoi, un débat juridique en cache souvent d'autres...
À lire sur notre site, dès 21h : FAIT DU SOIR Cinq clefs pour comprendre la plainte contre Bruno Retailleau