Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 30.01.2024 - François Desmeures - 5 min  - vu 513 fois

FAIT DU JOUR Bordezac doit décider comment renaîtra sa forêt communale

Sur les collines au-dessus du col de la Matte

- François Desmeures

Le 7 juillet 2022, un incendie détruisait la forêt à Bordezac, principalement, affectant aussi les bois de Gagnières et Bessèges, sur environ 600 hectares. Si la majorité des forêts est sur terrain privé, 147 hectares de bois communaux ont également disparu. Place nette a été faite depuis sur ces hectares, et le bois attaqué par les flammes transformé en plaquettes. L'Office national des forêts a établi un programme de reboisement sur ces monts désormais pelés, qui mélange les essences et prépare une lutte future contre de nouvelles flammes potentielles. Mais pour un village comme Bordezac, la somme est très lourde et la tentation du reboisement naturel pourrait l'emporter.

Sur les collines au-dessus du col de la Matte • François Desmeures

Du col de la Matte, la vue est dégagée au nord et au sud. Trop dégagée même, puisque les pins maritimes qui pouvaient éventuellement boucher une partie du panorama ne sont plus là, ni même les restes de leur squelette calciné. Le 7 juillet 2022 et trois jours durant, l'incendie a ravagé les forêts du village de Bordezac. La majorité des presque 600 hectares traversés par les flammes se trouve sur la commune du village de Bordezac, "avec 450 hectares brûlés, soit la moitié de la commune", relate le maire, Didier Cayron. Bordezac s'étend sur 9,1 km2 et était peuplé de 392 habitants en 2020, selon l'Institut national de la statistique (INSEE). 

François Desmeures

Le feu est parti juste au bas du col de la Matte. Il a couru vers le sud, jusqu'à lécher le quartier du collège de Bessèges. "On est partis sur l'incendie à trois heures du matin, se souvient Benjamin Audigier, technicien forestier à l'unité territoriale Cévennes Cèze de l'Office national des forêts (ONF). On a un rôle à jouer dans ces moments-là, pour donner des informations de cartographie, de relief, d'accessibilité aux feux, afin de proposer des angles d'attaque."

"Si on avait laissé les forêts en état, les insectes xylophages s'y seraient glissés"

Benjamin Audigier, technicien forestier à l'ONF

Puis, l'incendie passé, "on gère l'après", poursuit Benjamin Audigier. C'est-à-dire, avant tout, la suppression des arbres calcinés et leur éventuel débouché commercial. Sur les 180 hectares de forêt communale gérés par l'ONF, 147 ont brûlé. "Si on avait laissé les forêts en état, les insectes xylophages s'y seraient glissés. Ç'aurait été une catastrophe pour les forêts environnantes." Notamment les forêts privées, invitées elles aussi à supprimer les arbres noircis. 

Côté Gagnières, l'abattage des pins se poursuit actuellement • François Desmeures

Dans leur malheur, Bordezac et l'ONF profitent d'une petite aubaine. "Depuis un ou deux ans, le prix du bois a tellement augmenté que le pin maritime est très utilisé pour la co-génération. On a surfé sur cette vague", se réjouit Benjamin Audigier. En clair, les 25 000 m3 de bois à prendre à Bordezac et Gagnières sont mis aux enchères. "Il en est venu de toute la France." Mais la proximité l'emporte : la société des Salles-du-Gardon, Environnement bois énergie, emporte le marché. "Le bois est ensuite valorisé localement sous forme de plaquettes." Avant de partir alimenter les chaufferies d'Alès et de Pierrelatte. "Par endroits, le bois était encore sain. Il a été transformé en palettes à Bessèges", se souvient Benjamin Audigier. 

François Desmeures

"La partie "exploitation" sera terminée avant l'été, projette le technicien forestier. Le pin maritime est résilient à l'incendie. Ici, on est sûrs à 100 % que ça va repartir : les cônes de graines éclatent avec le feu et les disséminent." La regénération naturelle inciterait donc au laisser-faire, pour voir réapparaître les pousses de pin au bout de trois ou quatre ans. "Mais la pauvreté en biodiversité sera toujours là, tranche Benjamin Audigier. Ici, on ne va pas attendre 3/4 ans. On a proposé à la commune d'être actifs : on a la volonté de transformer cette composition pour obtenir une forêt mixte et diversifiée."

"On veut changer le pin maritime pour du pin salzmann, le pin des Cévennes"

Benjamin Audigier

Concrètement, "on a proposé trois scénarios de reboisement à la commune. Sur 7 hectares, 23 hectares et 8 hectares, à des endroits différents. La commune doit voter prochainement sur le projet de 7 hectares, juste en dessous du col de la Matte." Dans ces trois projets, l'ONF prévoit des zones à reboisement et d'autres à repousse naturelle, conservant ainsi le pin maritime, qui se serait invité seul, de toute façon... "Partout où il y avait des chênes, ça n'a pas brûlé", constate le technicien forestier. Les feuillus font donc évidemment partie des essences envisagées, principalement dans les combes, avec notamment l'introduction du chêne zéen d'Afrique du Nord. Alisiers, sorbiers, chênes pubescents et, dans une moindre mesure, érables et tilleuls font leur apparition dans le programme de l'ONF. "On veut aussi changer le pin maritime pour du pin salzmann, le pin des Cévennes, une essence en voie de disparition."

Benjamin Audigier, technicien forestier de l'ONF • François Desmeures

Le projet prévoit aussi une zone tampon, qui permettrait de couper un éventuel incendie, avec une oliveraie le long de la piste DFCI et des passages réguliers de moutons ou de chêvres pour entretenir les sous-bois. Les nouvelles pousses - à raison de 1 100 plants par hectares - seraient évidemment protégées et les pins maritimes qui tenteraient de leur grignoter du terrain, supprimées. "La densité sera moins élevée : la regénération naturelle des pins maritimes, c'est 10 000 plants par hectare", sourit Benjamin Audigier. 

"Le coût à l'hectare du projet de l'ONF est très conséquent"

Didier Cayron, maire de Bordezac

"Avec le conseil municipal, on est en phase de réflexion, répond le maire Didier Cayron, flanqué de Cédric Jalles, de Cévennes consulting. Le coût à l'hectare du projet de l'ONF est très conséquent. On aussi regardé du côté des chances de réussite du reboisement." La municipalité continue donc de discuter avec l'ONF. "On parle de 7 hectares, mais les bois communaux, ce sont 170 hectares !", plaide Didier Cayron.

François Desmeures

Pour ce premier volet, de 7 hectares, la dépense serait de 85 000 €. "Dont 57 000 € d'auto-financement, avance le maire. Sur les 163 hectares qui resteraient, on laisserait faire une régénération naturelle, avec une veille sur l'entretien." Pour le maire, la décision municipale pourrait dépendre d'une décision de la Dreal "sur un autre sujet", attendue pour en mars. Mais il refuse de s'y étendre.

"Il n'y a que le mécénat qui pourrait peser"

Didier Cayron

"Il n'y a que le mécénat qui pourrait peser, ou peut-être d'entrer sur le marché de vente du carbone", se désole le maire, qui se satisfait, en revanche, que sa commune soit subventionnée à 80 % par les fonds verts, pour les obligations légales de débroussaillement. "Dans les 50 mètres autour des zones urbanisées, on coupe un arbre sur deux. Ça règle aussi le problème de certains habitants qui n'avaient pas les moyens de couper ou d'élaguer leurs arbres."

À proximité de la Côte de Long, à Bordezac, dans la descente vers Bessèges • François Desmeures

"Nous, argumente Didier Cayron, on souhaite un mélange des projets 1 et d'une partie du 2, que les financements de l'un aille sur l'autre. On ferait, ainsi, 10 hectares, en baissant de moitié le reste à charge." Le maire connaît son sujet et appuie ses arguments. "On n'arrête pas depuis l'incendie, avoue-t-il. On a ouvert un cahier de doléances. Je me suis attaché les services de Cédric Valles. Deux matinées par semaine je fais un point avec lui." Les travaux visent notamment à abaisser la vulnérabilité de la commune à l'incendie, et à assurer la défense des propriétés en améliorant l'accès des pompiers et leur possibilité de retournement. 

François Desmeures

"On a un chef de projet qui accompagne la commune pour trouver des aides financières", espère Benjamin Audigier. Mais la décision reste municipale et difficile à prendre pour un petit village qui s'attaque, au sens propre, à plusieurs montagnes. Si le projet de 7 hectares était accepté, les premières plantations n'auraient, de toute façon, pas lieu avant l'automne 2025. De quoi laisser du temps au débat, pendant que le pin maritime se réimplante.  

Une parcelle de pin salzmann, à proximité du col de la Matte, qui a échappé à l'incendie • François Desmeures

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