FAIT DU SOIR "Touche pas à mon camarade" : le nouveau combat de Gilles Roumieux contre le harcèlement scolaire
Après sa réaction salutaire à l'assassinat de son confrère Samuel Paty en 2021, puis en défense de la démocratie l'an dernier, le professeur d'histoire-géographie Gilles Roumieux remet ça avec un troisième volet de la série "Touche pas à... mon camarade". Il a, cette fois, invité ses élèves de 3e du collège Racine d'Alès à réfléchir et composer au sujet du harcèlement scolaire.
Après avoir assuré la défense des professeurs suite à l'assassinat de Samuel Paty (relire ici), puis celle de la démocratie l'an dernier (relire ici), Gilles Roumieux pensait en avoir assez, éreinté par ce dépassement de fonction énergivore. Mais en plein mois d'août 2022, alors qu'il profite de ses derniers jours de vacances avant la rentrée, le professeur d'histoire-géographie tombe sur un article dans le journal Le Monde qui lui fait froid dans le dos.
Il annonçait la mort de Jonathan Destin, figure du harcèlement scolaire, lequel avait tenté de s'immoler par le feu dix ans plus tôt et en portait encore d'atroces séquelles. "J'ai lu son livre (Condamné à me tuer, NDLR), en tant que parent et que prof', ça m'a déchiré le cœur !", rejoue Gilles Roumieux, qui visionne alors le film Le jour où j'ai brûlé mon cœur. La rentrée arrive, et l'enseignant rompu aux projets éducatifs et citoyens se convainc de ne pas laisser passer un tel sujet.
Ce livre bouleversant et "très dur", il va inviter ses élèves de 3e à le lire pendant les vacances de la Toussaint, tout en demandant l'accord des parents. Certains ont refusé, mais 44 élèves ont accepté de s'engager dans ce qui allait devenir le troisième volet de la série "Touche pas à..." À leur retour au collège, suivant la même méthode qui avait déjà fait ses preuves à deux reprises, Gilles Roumieux les a amenés à réfléchir sur le sujet en leur soumettant une poignée de questions. "Qu'avez-vous ressenti à la lecture du livre ?", "Quelles réflexions en tirez-vous ?", ou encore "Quel regard portez-vous sur les différences de vos camarades ?".
"Si on veut régler en partie le problème du harcèlement, il faut d'abord qu'on interroge les premiers concernés, qu'on recueille ce qu'ils ont à dire sur le sujet, qu'on en fasse une synthèse et qu'on parte de ça pour élaborer une politique", justifie le quinquagénaire. Est ensuite arrivé le temps, chronophage, de la retranscription des écrits des élèves, seul dans son bureau. "Il faut être un peu fou", reconnaît dans un sourire l'enseignant. Très vite, plusieurs compositions d'élèves ont laissé transparaître des éléments pouvant laisser penser que certains d'entre eux avaient été victimes de harcèlement.
"Ils se sont vraiment livrés !"
"Je suis attentif, mais quand tu as 25 ou 30 élèves, il y a des choses que tu ne vois pas", admet Gilles Roumieux, qui sait que le harcèlement est "difficilement détectable". Et d'ajouter, sagace : "Sur le ton de la plaisanterie, on peut dire des choses blessantes. On ne se rend pas toujours compte du poids des mots." Toujours est-il que les élèves de 3e, une fois stimulés, ont couché sur papier des mots remplis de sincérité. "Ils se sont vraiment livrés ! La qualité des écrits est bien meilleure que pour le tout premier travail sur Samuel Paty qui était plus brut", prévient l'éveilleur de consciences.
Parmi les témoignages, celui d'un ancien élève harcelé au primaire dénote. Et prend aux tripes alors qu'en début d'année, le harcèlement scolaire a fait une nouvelle victime quand Lucas, 13 ans, a mis fin à ses jours après des mois de railleries relatives à son homosexualité. "L'école doit être un sanctuaire où chaque élève est à l'abri du danger", écrit avec une grande justesse la jeune Maria, révoltée par le traitement réservé pendant des années à Jonathan Destin.
Comme l'an dernier et il y a deux ans, les compositions des élèves ont été éditées dans une plaquette baptisée "Touche pas à mon camarade", en première de couverture de laquelle s'affiche le visage impénétrable de Malcolm, photographié par sa camarade Nina dans un couloir du collège Racine. La charte graphique de la brochure reprend à l'identique ce qui a fait le succès des deux précédentes, notamment le bleu, le blanc et le rouge du drapeau tricolore.
"À titre personnel, ça me porte !"
Préfacé par Gilles Roumieux lui-même, l'ouvrage est dédié à la mémoire de Jonathan Destin et à "toutes les victimes du harcèlement scolaire". Depuis ce mercredi 26 avril, les brochures sont en vente dans les librairies alésiennes Sauramps, Au Bonheur des gens et Alès BD, au prix unique de 3 €. Une fois de plus, les bénéfices seront intégralement reversés au foyer socio-éducatif du collège Racine qui finance les projets de l’établissement.
Le 10 juin prochain, les élèves contributeurs dédicaceront leurs productions aux librairies Sauramps et Au bonheur des gens, tandis que le 14 juin sonnera l'heure de la remise officielle de la brochure à la mairie de Saint-Privat-des-Vieux. Après quoi, Gilles Roumieux conclura une nouvelle année scolaire ponctuée d'un projet éducatif et citoyen vecteur d'horizontalité. "À titre personnel, ça me porte ! Quand j'empile les leçons, je me dis que ce n'est pas moi. Ça oui, ça a du sens ! Les élèves réfléchissent, ils écrivent, raisonnent et font appel à leur sensibilité."
Au point de réitérer la démarche une quatrième fois l'année prochaine ? "J'ai 57 ans, vu le temps que ça me prend, j'ai dit à ma femme que je ne ferai plus rien", avertit Gilles Roumieux, qui s'était dit peu ou prou la même chose l'an dernier avant de se laisser porter par un article détonateur. Ce qui reste une éventualité. D'autant qu'il a encore des idées de projets sous le coude, "notamment sur l'égalité entre les femmes et les hommes", laquelle lui tient particulièrement à cœur.
"Touche pas à mon camarade : stop au harcèlement scolaire", morceaux choisis :
Camille : "Dans une telle situation, c'est notre humanité qui est en jeu"
Nolan : "Quel ennui si nous étions tous pareil !"
Timéo : "Si tu es harcelé, en parler, c'est te sauver"
Paloma : "L'école doit être un lieu de confiance et de paix"
Yuna : "Que l'on ait pu être aussi cruel avec lui (Jonathan Destin, Ndlr) sans que rien n'ait été fait, c'est révoltant"
Malcolm : "Il ne faut pas fermer les yeux"
Élisa : "Ne baisse pas les bras, un jour ça finira"
Alexandre : "J'ai ressenti la même chose que Jonathan lorsque j'étais en primaire et que j'ai été harcelé en raison de mon physique"
Guihaume : "L'école doit punir sévèrement les harceleurs"
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