FAIT DU JOUR Luna Park : comme les manèges, les prix s'envolent
Le Luna Park s’est installé depuis le 17 février aux arènes de Beaucaire. Mais avec l’inflation continue que subissent les ménages et la baisse régulière de leur pouvoir d’achat, la fête foraine est-elle vouée à disparaître ?
Le vent s’est levé sur les arènes de Beaucaire, et le Luna Park vient d’allumer lumières et manèges en ce jour de vacances scolaires. Pas d’attraction à sensation forte en vue : « On privilégie un public familial », explique Tanguy Fouquet, organisateur de l’événement. Pêche aux canards, stands de tir ou auto-tamponneuses... Tous les classiques sont là, mais pas forcément le public. « On a moins de monde en semaine, même si là ce sont les vacances… Mais on a fait un bon démarrage le week-end dernier ! »
D’autres forains sont plus pragmatiques : « L’engouement pour la fête foraine n’est plus le même », explique Laurent, propriétaire du trampoline park. « Les familles vont préférer dépenser leur argent sur le principal, comme les courses ou les produits de première nécessité, nous on arrive très loin derrière. »
Effectivement, si on demande aux quelques parents venus amuser leurs enfants, tous ou presque, ont établi un budget par enfant, entre dix et cinquante euros en moyenne. « Moi j’ai prévu 40 euros pour ma fille. On n’est pas partis en vacances cette année, alors on peut se permettre de dépenser un peu plus sur cette journée », indique Vanessa, maman d’une petite fille. « Nous, on emmène nos petits-enfants dans les fêtes foraines quand on les a pour les vacances, enchaîne Christine, mais on doit rester moins longtemps, les prix ont augmenté, on doit leur demander de bien choisir leurs attractions parce qu’ils ne pourront pas tout faire. ».
On ne peut pas vendre un churros à 6 euros
Si les prix d’entrée aux manèges ou ceux des friandises et autres snacks augmentent, c’est bien évidemment à cause de l’inflation. En effet, les dépenses majoritaires des forains (à savoir le carburant, l’électricité, mais aussi les matières premières comme la farine pour certains) ont, comme pour les ménages classiques, augmenté. « Mais on ne peut pas répercuter cette augmentation sur tous nos prix », reprend Laurent. « Les œufs, la farine, le beurre, tout a triplé en termes de prix. Mais on ne peut pas vendre un chichi trois fois son prix : la recette reste la même, le savoir-faire aussi… » Le propriétaire du stand de tir voisin, André, se veut rassurant du haut de ses 68 ans « On essaie de maintenir nos prix au maximum pour conserver nos clients. Après tout ce sont eux qui nous nourrissent »
Il faut dire que l’inflation, bien qu’en légère baisse au mois de janvier (3,1 % selon l’INSEE, contre 3,7 % en décembre 2023), touche tout le monde. Elle s’impose ainsi aux forains, qui par nature ont un métier itinérant. Aux frais de déplacement exorbitants du fait du prix des carburants, s’ajoutent ceux pour le logement (même en caravane, puisqu’il faut régler le stationnement et le traitement des eaux usées), la location des emplacements pour les stands, la communication pour promouvoir l’évènement… « Le coût de la vie change, et nous on essaie d’évoluer avec ça… et on subit en fait », s’attriste Jérémie, un autre forain.
Travailler plus pour gagner pareil
Alors pour compenser cette perte de revenus, « on applique à la lettre les paroles de Nicolas Sarkozy : travailler plus pour gagner plus. Sauf que nous on travaille plus pour gagner pareil ! ». Il faut dire qu’il y a encore quelques années, le travail de forain était un travail saisonnier : la plupart des évènements se tenaient sur 6 à 8 mois, le reste de l’année étant dédié à l’entretien des manèges.
Aujourd’hui, ces quelques mois se sont réduits à peau de chagrin. Le travail est annualisé, et les journées ne sont pas pour autant moins longues. « On rigole quand on nous dit que certains travaillent 35 heures par semaine. Nous, c’est parfois ce que l’on fait en deux jours ! Mais ce temps-là, on le prend sur notre vie de fils, de papa…».
Une autre solution est celle de diversifier son activité : on rajoute des manèges, des stands, des food-trucks… Les charges sont doublées, bien sûr, mais les forains semblent s’y retrouver. « Ça fait partie de notre vie, c’est comme ça. C’est le travail. Il faut être sérieux et le faire. » Mais loin de se plaindre, Laurent philosophe : « Si on ne s’en sortait pas, on ne continuerait pas là-dedans. » Jérémie, devant son stand « Ninja Warrior », lui répond : « Comme on dit dans le milieu, il faut être courageux pour devenir forain, mais il faut être fou pour le rester. »
"On est voués à être des dinosaures"
Le métier de forain est-il alors voué à disparaître ? Lorsque l’on pose la question aux principaux concernés, les réponses sont mi-figue, mi-raisin. André raconte : « À mon époque à moi, un petit forain restait forain. Aujourd’hui, la vie foraine n’est plus la même, on n'a plus la liberté qu’on avait à l’époque. Trois des mes enfants ont quitté la vie de forain, et le dernier, on ne sait pas encore ce qu’il fera. » Laurent est plus pessimiste : « On est voués à être des dinosaures. Je vais passer le matériel à mes filles pour qu’elles s’en sortent, mais je ne sais pas si les lieux qu’on occupe seront toujours là. On va leur laisser ce qu’on peut, et les futures générations feront ce qu’elles pourront aussi. »
Tanguy, lui, reste confiant quant à l’avenir : « Le métier de forain sera toujours là, ça va être compliqué, mais c’est un vieux métier, qui plait à la population. La fête foraine c’est intemporel, ça a toujours existé, et ça existera toujours : on ne la retrouve pas sur Internet, et les gens ont besoin de se divertir. »
Plus d'infos:
Le Luna Park de Beaucaire reste ouvert jusqu'au 10 mars, tous les jours pendant les vacances scolaires puis les mercredis, vendredis, samedis et dimanches de 14h à 20h.
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