Publié il y a 17 jours - Mise à jour le 28.01.2025 - Propos recueillis par Anthony Maurin - 10 min  - vu 955 fois

TOROS Deux oreilles par tarde, Clovis annonce la couleur

Clovis Germain torero 2025 (Photo Anthony Maurin)

Clovis Germain, le jeune nîmois, s'est lancé dans la grande aventure des toros (Photo Anthony Maurin)

Clovis Germain est un jeune torero nîmois qui est passé en novillada sans picadors l’année dernière. Il prépare une saison qui s’annonce belle et variée. Interview.

Clovis Germain torero 2025 (Photo Anthony Maurin)
Clovis Germain, le jeune nîmois, s'est lancé dans la grande aventure des toros (Photo Anthony Maurin)

D’où vient Clovis Germain, le jeune torero qui a débuté en novillada sans picadors à Fourques l’année dernière ?

Je sors de trois rues derrière, du centre-ville de Nîmes, j’ai 16 ans. Mes parents m’ont toujours amené aux arènes, j’y suis toujours allé. Vers mes sept ou huit ans j’ai vu la corrida qui m’a donné envie de faire ça. Une de Victorino avec Chacon, de Justo et Pepe Moral ! Après le coup de corne de Pepe Moral.

Que s’est-il passé dans votre tête ?

Ce qui se passe dans ma tête ? Je ne sais pas… mais voir ce type avec un coup de corne rester en piste et revenir toréer après sa blessure, chapeau monsieur ! Le soir je suis rentré, j’ai pris un drap et j’ai toréé dans mon jardin. Je voulais rentrer à l’école taurine mais grand peureux que je suis tout le monde s’est foutu de ma gueule ! C’est normal…

La peur ? Étonnant pour un torero ?

Je ne suis pas le plus courageux dans la vie, ça, c'est sûr ! Ou, c'estt vr, maisis je ne sais pas… C’est la folie qui fait faire des choses que l’on ne ferait pas normalement. La folie de « s’entreguer » avec les toros. Si physiquement et mentalement tu es bien, il peut t’arriver n’importe quoi en piste, ça ne te fera pas grand-chose sauf si tu te fais arracher la fémorale bien sûr…

Un petit peureux qui veut affronter des toros ?

C’est ça ! À force de ronger mes parents, pendant plusieurs mois, on m’a inscrit à l’école taurine en 2019. J’ai toréé mes premiers petits veaux, ça faisait drôle car ils étaient aussi grands que moi. Devant, je ne savais pas quoi faire alors, j’essayais de me débrouiller comme je le pouvais.

Sans les recours techniques… Pas facile !

Plus jeune je me suis fait attraper par une vache Camargue et pendant un an je n’ai plus voulu mettre les pieds sur le sable, même en contre-piste je n’y arrivais pas, j’avais peur ! C’est lors d’un tentadero chez Tardieu que ça s’est débloqué automatiquement. J’étais bien et j’ai voulu péguer une série, le Rafi tientait. Patrick Varin ne m’avait pas laissé le choix alors j’y suis allé. Et me voilà ici à discuter avec vous !

Fourques Novillada sans picadors de La Suerte, Gallon et Pagès-Mailhan pour Victor et Clovis (Photo Anthony Maurin)
La toreria de Clovis (Photo Anthony Maurin)

D’ailleurs, est Clovis en dehors des arènes ?

Je suis un jeune, mais je passe ma vie dans les arènes… J’y suis matin et soir. La lecture et l’école… c’est pas mon fort ! Je vais m’entraîner vers 8h, je torée de salon mais je préfère être aux arènes. Le dimanche matin je vais à la messe à la cathédrale car je suis très croyant et après je vais m’entraîner aux arènes le reste de la journée. J’écoute pas mal de musique, de tout, je passe de la musique classique à JUL ! Je connais le film Les Visiteurs par cœur. Je ne sors pas beaucoup, je ne pêche pas par manque de patience mais je chasse car je passe la majorité de mon temps non loin de Mont-de-Marsan, chez Thomas Dufau. Il n’y a pas grand-chose à faire là-bas, la ville est petite et Thomas habite dans la forêt alors à part parler aux arbres et aux sangliers…

Qu’aimez-vous dans les toros ?

J’aime tout ! Y compris la mort du toro. Quand je me lève le matin, je sais pourquoi. Je vais faire mon footing qu’il pleuve ou qu’il neige parce que j’ai envie de toréer, d’être le meilleur mais surtout d’être meilleur que je n’étais la veille. C’est une guerre envers moi-même, je ne veux pas me fâcher avec ma cuadrilla ni avec mes compañeros de cartels.

Justement, parlons de votre cuadrilla.

El Juli était impressionnant quand il gérait sa cuadrilla. J’aime ça mais c’est très rare. C’est toujours un peu compliqué de gérer ce genre de choses car ils seront tous plus âgés que moi mais je vais faire toréer un peu tout le monde mais Marco Leal et Mathieu Guillon seront souvent avec moi tout comme Hugo Stievenart. Chacun, à sa manière, me parle. Marco a une grande gueule comme moi, il me bouge fort et j’aime ça. Hugo vient me voir entre les toros, il trouve les bons mots au bon moment. À Fourques j’avais aussi Tomas Ubeda mais il ne fera malheureusement pas la saison avec moi mais je m’entraîne bien avec Mathieu et il saura faire.

Comment préparez-vous la temporada à venir ?

Je prépare ma saison à fond ! Je m’entraîne physiquement et mentalement, je vais tuer des toros pour bien me préparer, car j’attaque bientôt la saison à Arzacq ! Après le sud-ouest j’irai à Valencia, Castellon et Bellegarde. Puis, d’officiel, j’ai Saint-Martin-de-Crau, puis Mugron pour Pâques. Je devrais aussi aller toréer à Séville.

Et les entraînements ?

Thomas Dufau est là. Techniquement, je lui ressemblais beaucoup l’année dernière, les compas très ouverts, proche du toro. Maintenant je torée comme je le ressens, je fais ce qui sort de mon cœur.

Le poids des responsabilités se fait-il déjà sentir ?

Oui, beaucoup de responsabilité mais c’est le jeu, je le savais, il faut que je me lance dans le truc maintenant ! Pour l’instant je ne me rends pas compte de la longueur d’une saison et de ma réaction mais ça ira.

Fourques Novillada sans picadors de La Suerte, Gallon et Pagès-Mailhan pour Victor et Clovis (Photo Anthony Maurin)
Clovis sort en triomphe après avoir coupé trois oreilles lors de sa présentation dans la catégorie (Photo Anthony Maurin)

Fourques, un éclair lumineux après une sombre saison…

Le passage à Fourques a été compliqué. En 2024 j’ai fait une très mauvaise saison, je n’étais pas préparé puis Thomas Dufau s’est occupé de moi, beaucoup de choses ont changé. Mais je pense que je n’étais pas près, ni mentalement, ni physiquement. La semaine avant le paseo de Fourques on a tué des toros en privé et ça s’est très bien passé, heureusement, ça m’a remis le coup de boost.

L’accueil du public à votre égard ?

Génial ! Dans ces arènes, il y a une âme. L’ambiance, il y a quelque chose. Il y avait tous les professionnels dans le callejon et dans les arènes. Ça fait drôle ! J’avais un peu la pression, dans la voiture durant le trajet qui mène de l’hôtel aux arènes, c’était dur. Arrivé au patio de caballos, tout le monde m’a regardé, je me suis mis à les regarder à mon tour car je ne voulais pas regarder mes chaussures ! Sans être sûr de moi je voulais donner l’impression de. Je voulais faire l’effort, il fallait que je le fasse.

Ça passe ou ça casse ? C’était l’esprit ?

Je suis quelqu’un qui dit ce qu’il pense. J’imagine qu’on m’attendait au tournant. J’écoute les critiques, elles me nourrissent. Comme j’ai un mauvais caractère et que je suis têtu, ça me donne envie de m’arrimer encore plus ! C’est à moi de décider. Arrivé au paseo, je me suis dit que c’était mon moment. Soit je me plantais et 2025 allait être une année compliquée soit je faisais l’effort et c’est moi quoi décidais. Physiquement, à la fin du second toro, je sentais que physiquement j’étais juste. Je n’ai pas été asphyxié.

La peur de la cornada est-elle présente quand vous toréez ?

Je sais qu’il va y avoir des courses pour lesquelles je devrais tout faire. Je me demande comment mon corps et mon mental vont réagir. Au final je me dis que je préfère que la première soit avec un becerro de 2,5 ans qu’avec un toro de six ans à Madrid. J’espère prendre une cornada cette année pour voir comment je vais réagir. Un peu comme un boxeur qui attend de prendre un KO pour savoir ce que ça fait. Je suis appelé à en prendre donc on verra bien. Pour être une figura et être au sommet il faut en prendre, regardez les Juli, Roca Rey, Perera, Castella…

Quel serait votre chemin de carrière idéal ?

Vraiment car je pense que c’est celui qui me ressemble le plus, c’est Nimeño. Juan Bautista avait cette force-là de tuer une corrida de Miura, de Victorino et de Juan Pedro dans le week-end. Castella l’a fait aussi. Je veux triompher à Nîmes, Madrid surtout à Séville, mes arènes de cœur. Séville est plus torero, Madrid plus guerrier. Mais cette année j’irai à Séville en attendant j’irai à Bellegarde !

Pourquoi ne pas avoir inversé ? Passer en novillada sans picadors en début de temporada ?

L’année dernière j’étais mal de partout jusqu’à partir en courant devant des vaches ! J’ai flaqué quelques pétards au campo… J’en suis conscient, je le dis. L’année dernière j’ai tout eu assez facilement. Les classes pratiques, les échanges, Tomas Cerqueira m’a tout donné. Fourques, c’était quitte ou double, ça ne marche presque jamais mais je jouais gros. Je sais que j’ai tout donné pour avoir une bonne saison.

Fourques Novillada sans picadors de La Suerte, Gallon et Pagès-Mailhan pour Victor et Clovis (Photo Anthony Maurin)
Pecho de Clovis (Photo Anthony Maurin)

Thomas Dufau et Tomas Cerqueira sont deux personnes importantes dans votre carrière.

Oui ! Ce sont deux personnes, deux toreros, deux visions complètement différentes. Thomas Dufau est dans l’optique de Roca Rey, Cerqueira torée plutôt avec les talons au sol et beaucoup de ceinture. C’est intéressant de travailler avec les deux. Cerqueira m’apporte le fait de travailler de salon et Dufau m’apporte la technique. Avec Cerqueira c’est familial, ouvert, on se connaît bien. Avec Dufau, le rapport est autre, il est plus fermé mais nous arrivons à parler.

Bellegarde et le trophée Sébastien Castella, on en parle ?

En étant français, c’est dur de se dire qu’on vient au Trophée Castella pour ne pas le gagner ! Je viens pour triompher, c’est sûr, mais, comme partout ailleurs, je ne veux pas laisser les gens indifférents.

Connaissez-vous le maestro ?

Non, je lui ai serré la main, c’est tout. Il y a un respect, c’est une figura et je ne suis personne. Il a fait un chemin dans les toros qui est plus que respectable ! Je suis passé par l’école taurine de Béziers, c’est important pour moi de gagner le trophée. Peu de trophées portent le nom de toreros français. Il n’y a que Nimeño II et Castella non ? Un Français doit le gagner !

Nîmes, Arles, ça vous donne envie ?

Bien sûr, même si, de l’intérieur, j’aime moins les arènes d’Arles. Nîmes, c’est la plus belle arène française après Dax qui est magnifique. À Nîmes il y a justement le trophée Nimeño II, j’aimerais…

Les objectifs 2025 pour Clovis ?

Je me suis fixé l’objectif minimum de couper deux oreilles par après-midi. Minimum. Pour le nombre de courses, on verra. Une vingtaine sans doute. Voir si j’arrive à me challenger, je veux essayer de « m’entreguer » pour chaque paseo, avoir de la régularité. Même si ma saison est faite, je veux m’arrimer tous les jours, la différence avec les autres, elle est dans cet état d’esprit.

Clovis est un jeune élève du Centre français de tauromachie à Nîmes. Il a participé à la becerrada organisée ce dimanche à l'espace taurin, sur la place Picasso à Nîmes, et accompagnée en musique par l'ensemble AUTRE reGard. (Photo : S.Ma/ObjectifGard) • Romain CURA

La fatigue de la route et des déplacements ne vous fait-elle pas peur ?

En voiture je dors bien ! Mais je me rappelle un trajet durant lequel j’avais été insupportable… On a failli me laisser sur le bord de la route.

Quel genre de torero est Clovis ?

J’ai plus de facilités à la cape qu’à la muleta, mais je me sens bien dans tous les tercios. La mort a été très compliqué, c’est dur de trouver la bonne distance, de bien se placer. Je sens que, mentalement, j’ai passé un cap, je me sens plus à l’aise avec les animaux.

Et les encastes ?

Je n’en ai pas encore toréé beaucoup mais dans le dur comme dans le bon rien ne me dérange tant que je torée.

Qu’appréciez-vous chez le toro ?

J’aime, naturellement, les toros bas et bien fait avec les pitons fermés mais malheureusement il y en a peu et je pense qu’on revient aux corridas dures mais bonnes. Je ne me vois pas arriver à l’alternative et dire que je ne prends plus que des Juan Pedro ou des Garcigrande. Même les figuras reviennent aux corridas dures. De plus, quand un toro s’arrête, c’est très dur, on se sent obligé de se mettre dans les pitons, de toquer plusieurs fois… Je préfère les toros qui ont du rythme et de l’allant.

Quand vous voyez le toro sortir en piste après les clarines, que faites-vous ?

Je le regarde tourner, je regarde comment et où il remate, comment il court, s’il a beaucoup de cou… Je ne parle avec personne mais j’aime qu’on me chauffe, qu’on me rentre dedans ! C’est un peu plus compliqué pour moi car je banderille et je ne vois pas très bien le toro dans mon capote mais en sans picadors il faut aussi y aller à l’intuition.

Les banderilles, vous aimez ?

C’est vraiment un tercio que j’apprécie. Je continuerai toute ma carrière, je le pense vraiment. Je me sens bien en banderillant. J’ai lu pas mal de livres sur Nimeño II et c’est un torero que j’idolâtre, c’est le premier torero qui a triomphé à Madrid et de partout, il nous a ouvert les portes, sans l’accident il aura été une grande figura et si je pouvais ressembler à un torero, c’est à lui que j’aimerais ressembler. Après… est-ce que j’aurai le cœur pour toréer les Miura ou les Victorino… C’est autre chose, mais c’est le chemin de carrière que j’aimerais suivre.

Le jeune Clovis a toréé à la Becerrada au bosquet cet après-midi (Photo Yannick Pons) • Yannick Pons

Cela impose des toros…

Oui, il faut faire l’effort de toréer des courses dures dès maintenant, surtout en sans picadors ou tout se tue, même du Saltillo ou du Miura. Hélas, aujourd’hui, le plus méritant ne torée pas toujours… C’est celui qui est le plus en place. C’est dur à encaisser, surtout quand on est dans sa ville mais c’est comme ça. Il faut faire l’effort petit. Si on veut toréer dans les plus grandes arènes… Si je me plante ça sera tant pis mais c’est je réussi ça sera tant mieux !

Pourquoi les aficionados viendraient voir toréer Clovis et pas un autre ?

C’est dur ça ! Je ne sais pas trop… Je ne me sens pas être un torero varié. Enfin pas plus que ça. Si l’aficion veut voir un jeune qui a envie de s’arrimer, qui a de l’ambition, qui est généreux et qui a l’esprit d’un novillero, c’est bien. Je veux garder la fougue mais bien toréer.

Vous aurez un nouveau costume ?

Oui ! Le costume que j’avais à Fourques, un costume d’Amérique du sud, je l’avais acheté à Patrick Varin. Là, ça sera un nouveau mais toujours d’occasion.

Votre plan pour la saison prochaine ?

Débuter en novillada piquée à Pentecôte, à Nîmes en 2026, pour la novillada de la Cape d’Or, ça serait vraiment bien ! Mais déjà il me faut couper quatre oreilles et une queue à Bellegarde ! (NDLR le pari est lancé avec l’organisateur pour un déjeuner offert sur place).

Que peut-on vous souhaiter ?

De couper quatre oreilles et une queue à Bellegarde ! Je vais tout faire pour !

Qu’avez-vous à dire de plus, c’est l’heure de la carte blanche ?

Actuellement, mon seul contrat est dans le Gard à Bellegarde donc, venez ! On s’y retrouvera le dimanche 30 mars.

Propos recueillis par Anthony Maurin

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